![[Explicateur] La crise à Lyon 2 en cinq points](https://www.rue89lyon.fr/wp-content/uploads/2013/11/Universite-Lyon2.jpg)
La crise couvait depuis plusieurs mois à Lyon 2. A l’abri des regards extérieurs, quatre vice-présidents ont démissionné depuis cet été. Il aura fallu la convocation d’un « congrès élargi » extraordinaire, puis, le jour dit, jeudi 21 novembre, l’intrusion d’une centaine d’étudiants dans ce même congrès, suivie de l’intervention de la police pour que l’on découvre l’étendue du problème.
Une des entrées du Campus Berges du Rhône de l’université Lyon 2, autrement appelé campus des quais. ©Laurent Burlet/Rue89Lyon
1. Il manque de plus en plus de sous
Etudiants et enseignants parlent de « pénurie de moyens ». Le président de Lyon 2 préfère employer l’expression « budget contraint ». Sans même évoquer la situation plus que préoccupante de certains bâtiments du campus de Bron, les finances ont tendance à se détériorer sous l’effet de la loi LRU votée par le précédent gouvernement. Depuis cette loi sur l’autonomie des universités, la gestion de la masse salariale a été transférée aux universités. Or, du fait de l’ancienneté des personnels, la masse salariale augmente plus vite que la dotation annuelle de l’État.
A Lyon, l’équipe présidentielle en a fait l’amère expérience. Quelques mois après avoir voté son premier budget (environ 140 millions d’euros), le président Jean-Luc Mayaud a dû le revoir à la baisse de 6%.
Certaines disciplines souffrent plus que d’autres. C’est particulièrement le cas de la faculté LESLA qui regroupe les départements des Lettres, des Sciences du langage, des Arts du spectacle et de Musique et musicologie.
Sa dotation globale de fonctionnement pour l’année 2014 va être quasiment diminuée de moitié, passant de 143 767 euros à 77 343 euros. Résultat, un enseignant-chercheur de la Faculté LESLA explique qu’ils ne pourront plus que distribuer de « maigres subventions » aux associations étudiantes et « couvrir les frais de reprographie ».
Ils n’auront plus, dit-il, les moyens de soutenir les manifestations scientifiques ou d’inviter des conférenciers extérieurs. A propos de cette faculté LESLA, la présidence répond qu’il ne s’agit que d’un « budget prévisionnel », qui peut donc évoluer.
2. Manque de personnel et « sélection » des étudiants
Conséquence également de ces problèmes financiers, le sous-encadrement chronique des étudiants. Un enseignant en dresse le portrait:
« Lyon 2 fait partie des universités qui a le plus faible nombre d’enseignants rapporté à la norme fixée par le ministère ».
Alors que le taux d’encadrement devrait atteindre 100%, il est de 40 % en sciences politiques. Ces taux seraient également atteints en droit, et en information et communication.
Un faible taux d’encadrement signifie que des cours en travaux dirigés (TD) ne sont pas ouverts, faute de moyens pour payer des enseignants.
Les étudiants grévistes font le parallèle entre ces faibles taux d’encadrement et une sélection rampante qui se mettrait en oeuvre avec, dans certaines filières, la « régionalisation » de l’admission des étudiants. En psychologie, par exemple, il est indiqué que la licence est ouverte uniquement aux futurs bacheliers et/ou aux résidents de l’Académie de Lyon (Ain, Loire, Rhône).
Selon plusieurs enseignants, ces « priorités académiques » sont liées à des problèmes de capacité d’accueil par rapport au nombre de demandes.
3. La loi Fioraso, voilà l’ennemi
Votée en juin dernier, la loi Fioraso (du nom de la ministre grenobloise de l’enseignement supérieur) donne un an pour la mise en place de Communauté d’universités et d’établissements (CUE), une sorte de « super établissement » qui regroupe toutes les écoles du supérieur d’une même région universitaire. Pour la région lyonnaise, il s’agit des établissements rassemblés dans l’ancien Pôle universitaire de Lyon et Saint-Etienne. La loi Fioraso va plus loin qu’un simple regroupement de facs ou d’écoles sans aller jusqu’à la fusion. Etant données les difficultés financières, elle oblige de fait les universités à créer une offre de formation territoriale dans l’objectif de supprimer les doublons. Ce qui implique de profondes restructurations à l’échelle de la CUE de Lyon/Saint-Etienne.
Membre du conseil d’administration d' »opposition » (liste Pour une autre université – PAU), Nathalie Dompnier considère qu’il s’agit d’une « mise en concurrence des universités » :
« Chaque établissement va essayer de valoriser davantage ses formations au détriment de ce que proposent les autres ».
A Lyon 2, vu la « concurrence » de la voisine Lyon 3 ou de l’université de Saint-Etienne, les inquiétudes sont grandissantes concernant le devenir du droit, des sciences politiques ou des langues qui existent dans chacune de ces universités. Surtout pour les personnels administratifs.
« On va faire des économies en supprimant des cursus, poursuit Nathalie Dompnier. Vu qu’il y a déjà des mutualisations pour les filières à faible effectif, les rapprochements vont se faire avec les filières à fort effectif, comme le droit. On va chercher à réduire les coûts en supprimant du personnel administratif, voire des postes d’enseignants. Or on est déjà en situation de sous-encadrement ».
Certains craignent également une « secondarisation » de l’université Lyon 2. Moins bien dotée que Sciences-Po (IEP de Lyon) ou l’Ecole normale supérieure (ENS), Lyon 2 pourrait devenir une prolongement du lycée (le secondaire) pour ne s’occuper que des licences et abandonner une grande partie des masters et des doctorats à l’IEP et l’ENS.
En AG, les étudiants ont pointé le risque de fermeture de certains sites secondaires comme à Saint-Etienne ou Bourg-en-Bresse. Ils prennent l’exemple du site de Béziers de l’université Montpellier III qui était menacé de fermeture, jusqu’à une intervention de la ministre Fioraso assurant son maintien.
4. La gestion à la sauce Mayaud ne passe pas
C’est dans ce contexte de grand chambardement universitaire que quatre vice-présidents ont démissionné. Le président Mayaud leur reproche de « quitter le navire ». En retour, les quatre vice-présidents lui renvoient qu’il n’a aucune stratégie pour diriger l’université Lyon 2. Pour preuve, disent-ils, ils ne disposaient pas de « feuille de route » pour mener à bien leur mission.
Aucun de ces vice-présidents démissionnaires n’a souhaité répondre. Isabelle Lefort, vice-présidente chargée du conseil scientifique, a tenu a rendre publique un certain nombre d’éléments en ouvrant un blog, « l’université autrement ».
Elle accuse Jean-Luc Mayaud d’avoir une démarche tournée davantage vers la réduction des coûts :
« Le président de Lyon 2 valide – en l’autorisant – une politique de la recherche essentiellement menée par des outils comptables réservés aux seuls spécialistes de services financiers dédiés ».
Le point majeur de discorde reste la manière dont le président mène les négociations sur la future CUE Lyon/Saint-Etienne. Elles se déroulent dans la plus grande discrétion. Nathalie Dompnier, pourtant membre du conseil d’administration, ne sait pas qui participe aux groupes de travail et quelle politique de Lyon 2 y est défendue :
« Tout est obscur. Cela génère nécessairement de l’inquiétude. Car on ne sait pas où l’on va. On sait qu’il est question de transfert de compétences pour les écoles doctorales. Mais on ne connaît pas la stratégie pour Lyon 2. »
La vice-présidente démissionnaire chargée du conseil scientifique précise sur son blog que les quatre vice-présidents ne pouvaient plus exercer leurs responsabilités et ont été marginalisés :
« La communauté Lyon 2 se retrouve aujourd’hui amoindrie par une gouvernance confuse où l’improvisation a pris la place de la concertation et du partage des responsabilités. »
Suite aux démissions de ses vice-présidents, le patron de Lyon 2 semble de plus en plus isolé. Il a repoussé sine die la réunion d’un nouveau « congrès élargi » où il doit dévoiler les orientations pour Lyon 2 concernant la CUE.
Il a même été mis en minorité au conseil d’administration du 22 novembre sur une question d’ordre du jour. Pour l’instant le rectorat ne le lâche pas. Jusqu’à quand ?
Intervention de la police pour évacuer les étudiants le 21 novembre sur le campus des quais.
5. Les CRS à Lyon 2 = AG à 500 étudiants
Face à toutes ces inquiétudes et critiques, le président Jean-Luc Mayaud avait tenté de reprendre la main en convoquant un « congrès élargi » pour « faire un point d’information sur les propositions des groupes de travail concernant la CUE » et pour « sortir de la crise ».
Mais une centaine d’étudiants a envahi les lieux. Le président a appelé la police, qui a arrêté six personnes, dont quatre membres du syndicat FSE.
Ces événements ont eu le don de « booster » le mouvement étudiant. Une semaine plus tard, ils étaient 500 en assemblée générale sur le campus de Bron, alors qu’ils étaient 150 dix jours avant.
D’autres universités sont concernées par un mouvement étudiant naissant : Paris III, Paris VIII ou encore Montpellier III. Une coordination nationale existe, elle est encore balbutiante. Mais sur les réseaux sociaux, l’info des actions est relayée par le hashtag #AustéritéFac.
Ces étudiants grévistes demandent donc, tout simplement, le retrait des lois LRU et Fioraso car, selon eux, ces lois impliquent notamment l' »austérité budgétaire », et, partant, « la marchandisation du savoir par la volonté d’introduire des partenariats public-privé ».
Pour le moment, le mouvement prend la forme essentiellement de l’occupation d’un amphithéâtre sur le campus de Bron.

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Il serait normal qu'il n'y ait plus de "doublon" dans une ville de la taille de Lyon. J'ai effectué ma licence à 500km, la seule de la région, sélective et avec un faible effectif. J'y ai connu un bon encadrement, des collègues de promo passionnés avec lesquels il a été très enrichissant de travailler... puis j'ai eu le malheur de choisir le Master 1 Science politique de Lyon 2, qui semblait intéressant et poussé en politiques publiques. Ca a été une catastrophe. Un très mauvais encadrement, beaucoup d'étudiants médiocres, qui ne savaient pas concevoir un plan, problématiser, réutiliser un raisonnement issu d'un essai scientifique, ou parfois même simplement écrire avec une syntaxe convenable. Je me suis retrouvée avec 150 camarades; même si ils étaient plus de 700 en L1, il semble qu'il y ait une sélectivité très faible durant la Licence. Je l'ai validé sans difficultés avec la mention Bien comme beaucoup, mais sans réel mérite : il suffisait de connaître ses cours par cœur, et encore... je suis partie à Lyon 3 pour mon M2, c'était beaucoup plus sérieux. Et sans commune mesure sur le plan des débouchés quand je vois ce qu'il advient de mes anciens collègues politistes de Lyon 2...
Par ailleurs, nous n'avons pu suivre aucun enseignement concret en vue d'une future insertion professionnelle, en dehors d'un séminaire optionnel dispensé à l'IEP. Même en politiques publiques, nous n'avons reçu que des enseignements abstraits de sociologie, rien de fonctionnel qui permette de se repérer concrètement en contexte professionnel, au sein d'une collectivité territoriale par exemple. Il n'y a pas d'enseignements en droit, ce qui est un comble au vue des débouchés d'une telle filière (fonction publique, ONG, lobbying...). Mais les enseignants s'en moquent et s'avèrent pour la plupart bien incapables de concevoir de tels enseignements. Ils sont cependant très bons dans leurs champs de recherche, souvent passionnants et passionnés... mais il règne une vision très binaire et faussée du clivage public/privé, esprit critique/utilité; tout ce qui touche au privé et au monde professionnel est très mal vu. Seuls la recherche et le mémoire sont valorisés. Pourtant peu d'étudiants ont le niveau pour faire de la recherche, et les postes dans la fonction publique vont se raréfier encore un peu plus au fil du temps... c'est très égoïste de maintenir une telle filière en l'état, avec un tel effectif, laissant nombre d'étudiants se fourvoyer pour se rendre compte à la sortie qu'ils ne sont absolument pas adaptés aux attentes du monde professionnel. Mais tout ce qui intéresse ces enseignants visiblement, c'est de maintenir les postes de personnels, c'est triste... !
Rassurez vous en ce qui concerne l'insertion professionnelle, la recherche va bientot être au service du professionnel et du "économiquement rentable".
A chaque réforme, chaque mouvement de grève étudiant ou enseignant depuis 10 ans, on ré-entend cette phrase. Pour autant, on peut toujours, depuis la réforme LMD, depuis les deux mouvements anti-LRU, étudier le genre ou le militantisme associatif sous toutes leurs coutures, en toute liberté. Quand à "la recherche au service du professionnel", je réalise une thèse tripartite au sein d'une ONG, sur l'immigration. C'est très enrichissant, et cela constitue surtout l'occasion d'acquérir une expérience professionnelle significative pour la suite, tout en étant salarié hors de l'université. Je ne suis soumis à aucune pression quant à l'orientation de mes recherches... Par ailleurs, une grande part des financements de cet organisme sont issus de partenariats et de donations privés, alloués à des projets qui relèvent pourtant de l'intérêt général. Les mécènes privés n'imposent aucune directive, n'émettent pas de préférence quant à l'utilisation de leurs dons, c'est interdit. Il y a des règles, l'allocation des dons est encadrée. Financements privés, financements publics, ça ne change rien, si ce n'est que dépendre trop grandement des financements publics peut constituer un risque pour l'indépendance et la pérennité de l'organisation, comme le montre d'ailleurs la situation des universités aujourd'hui... la méfiance à l'égard des partenariats public-privé est une particularité bien française. Cela se fait beaucoup ailleurs : dans la culture, l'éducation, la solidarité, l'environnement... et ça se fera de plus en plus en France, c'est inéluctable, particulièrement en période de crise.
Quant à l'insertion professionnelle, tu es probablement étudiant pour le moment, tu vis dans une bulle, bien tranquille. Mais tu verras, quand tu seras dans le cas de nombre de mes anciens collègues de promo de Lyon 2, qui galèrent chez leurs parents depuis bientôt 2 ans et demi sans emploi, sans réponses à leurs centaines de candidatures, et qui peinent à être ne serait-ce qu'admissibles aux concours de la FPT ou des IRA car leur formation trop médiocre en science politique ne les y préparait finalement pas du tout, à leur grand étonnement... ça n'est pas uniquement structurel, mes amis issus d'IEP ou de Lyon 3 trouvent du travail, certes des CDD très souvent, et obtiennent des concours. Ce qui ressort de nos discussions, c'est qu'on aurait aimé être avertis de ces problèmes avant, ne pas être maintenus dans une bulle durant nos études. On a le sentiment de n'avoir servi qu'à maintenir les postes d'enseignants-chercheurs qu'il ne faut surtout pas brusquer en France, c'est vraiment hypocrite. Mais peut-être que tu es rentier, ou que tu prévoies de vivre dans un squat toute ta vie ? Tu te moques de trouver un travail stimulant, en rapport avec tes études, d'avoir une vie stable? Tant mieux pour toi...
C'est marrant j'ai pas l'impression qu'on vie dans le même monde, les financements pour ce genre de travaux fondent à vue d'oeil
"On a le sentiment de n’avoir servi qu’à maintenir les postes d’enseignants-chercheurs"
Tuons la recherche, ça sert à rien c'est ça ?
"des projets qui relèvent pourtant de l’intérêt général."
" c’est inéluctable, particulièrement en période de crise."
T'es sûr d'être en thèse pour affirmer des choses comme ça ?
La construction sociale d'un problème ça te dis quelque chose ? C'est l'homme unidimensionnel qui n'arrive plus à se projeter dans une société différente que celle qu'il perçoit dénué d'esprit critique. Je crois que la source de ton problème c'est de ne pas savoir faire la différence entre les sciences de gouvernement enseignées à l'IEP et la science politique.
Dans ta vision des choses on fait quoi de l’anthropologie, de l'ethnologie, de la philosophie, des sciences du langage, de l'histoire de l'art, de la musicologie ?
Ta solution c'est de laisser l'Etat néolibéral s'installer sans rien faire en attendant que le modèle américain devienne la norme et détruise le modèle français qui a été une des principales matrices de la recherche scientifique depuis plus de cent ans.
Lyon 3 est une des pires formations en science politique de France, et est réputée comme telle.
Sur l'insertion professionnelle, les statistiques présentées dans le cadre des journées sur l'orientation, effectuées par une association étudiante ayant sondés plus d'une centaine "d'anciens" dressent une situation bien différente de celle que tu présentes. C'est une des formations qui offre des débouchés les plus variés. Parmi les anciens il y a des fonctionnaires, des chargés de missions, des journalistes, des salariés d'ONG, des assistants parlementaires, des doctorants, des cadres du privé, des consultants, des lobbyistes, des salariés d'organisations internationales, des instits & des profs etc.
Depuis 2007 et le saccage des locaux syndicaux et associatifs de Bron par le président lui-même et son adjoint responsable des campus, saccage laissé dans l'impunité par le Parquet de Lyon malgré la plainte portée, c'est comme s'il n'était plus possible d'être un "président normal" dans cette fac...
Jean-Luc Mayaud n'a en tout cas rien changé non plus à ça : http://sophia.perrin.free.fr/situationsophie.htm
Et ce n'est pas à son honneur plus que d'avoir envoyé les CRS intervenir au sein même du campus...
Isabelle Tapiero, Professeur des Universités
Université Lyon 2