
Par Laurent Burlet et Yann Samain
C’est la crise à Lyon 2. Suite notamment à la démission de quatre vice-présidents, le président de l’université avait convoqué un « congrès élargi », qui réunit les principales instances de l’université (dont le conseil d’administration). Ce congrès devait débuter à midi, sur le campus des Berges du Rhône.
Un collectif « Université Lyon 2 en lutte » avait également appelé les étudiants à « s’inviter » à ce congrès :
« Celui-ci (le président, ndlr) cherche des ultimes soutiens afin de sauver sa politique de rigueur et sa place par la même occasion. (…) La direction de l’université entend décider de notre avenir sans nous ? Puisque nous n’avons pas été conviés, nous prenons donc l’initiative de nous inviter à ce congrès extraordinaire qui se tiendra dès lors avec nous, ou ne se tiendra pas !! »
Violences sur les agents de sécurité et coups de matraque
En réponse à cet appel, une centaine d’étudiants se sont réunis dans la cour du campus des quais puis ont envahi le congrès qui se déroulait dans le « Grand Amphithéâtre ».
Les agents de sécurité ont tenté de les en empêcher mais sans succès. C’est lors d’un ultime « assaut » pour pénétrer dans l’amphi, selon les termes du président de l’université, que quatre de ces agents auraient été blessés et qu’une porte a été fracturée. Un agent a dû être hospitalisé pour un gros problème aux genoux.
Les étudiants ont occupé l’amphi. Le congrès a alors été déplacé dans la salle de la présidence. Les étudiants contestataires ont suivi et ont pénétré de force dans cette partie de l’université, en fracturant une nouvelle porte. Le président de l’université, Jean-Luc Mayaud a décidé d’annuler le « congrès élargi » et d’appeler la police.
Vers 14 heures, les policiers sont intervenus pour déloger les étudiants. BAC et CRS. Selon plusieurs témoignages, les étudiants ont été poussés en dehors du bâtiment alors qu’ils faisaient une sorte de sit-in/AG. Des coups de matraques ont été distribués notamment quand ils étaient dans la cour.
Selon la police, citée par le Progrès, six interpellations ont été effectuées. Parmi ces étudiants, se trouvent trois membres de la la Fédération Syndicale Étudiante (FSE, classée à l’extrême gauche). Ils ont été arrêtés pour des dégradations et des violences contre les agents de sécurité.
Le vice-président en charge du patrimoine, Norbert Landon, est allé porter plainte pour coups et blessures mais aussi pour dégradations et vols :
« Il n’y a pas eu seulement des bousculades. Il y a eu des coups portés lors du dernier assaut ».
Rassemblement devant le commissariat
Après l’intervention de la police un groupe d’étudiants s’est dirigé vers le commissariat central, Marius Berliet où se trouvent les étudiants interpellés.
@XimeLelong Une vingtaine de manifestants scande « libérez nos camarades » devant l’hôtel de police de #Lyon #manif pic.twitter.com/SWhliI9XBN — Maxime Lelong (@XimeLelong) November 21, 2013
Communication de crise à Lyon 2
Ce jeudi soir, lors d’une conférence de presse de « communication de crise », le président de Lyon 2 s’est dit « triste » et « secoué » de voir que les choses en sont arrivées là :
« Je ne peux pas comprendre qu’une poignée d’étudiants dictent leurs volontés à 28 000 élèves en empêchant le fonctionnement démocratique de l’université ».
De leur côté, les enseignants qui siègent dans les différentes instances de l’université sous les couleurs de la liste « Pour une Autre Université » (PAU) ont tenu a réagir. Dans un communiqué, ces enseignants estiment que, ce jeudi, « tout a été fait par l’équipe en place pour fuir le débat et que rien n’a été tenté pour éviter une escalade de la violence ». Ils considèrent notamment que le président aurait pu venir au moins s’adresser à ces étudiants au lieu d’envoyer les forces de l’ordre :
« Jean-Luc Mayaud, avec les quelques vice-présidents encore en fonction, a donc fait encore plus fort que ses prédécesseurs. Il dégaine plus rapidement. Le mouvement étudiant n’a pas encore pris qu’il envoie déjà les CRS dans l’enceinte de l’Université. »
« La police a violemment chargé les étudiants »
A minuit, la FSE a délivré un communiqué intitulé « quand la présidence de l’université fait arrêter des étudiants ». L’organisation étudiante revient sur l’intervention de la police, appelée par le président de Lyon 2 :
« La police nationale a violemment chargé les étudiants. (…) Après cela, comment Jean-Luc Mayaud qui évoquait dans son dernier mail l’université où convergent les intérêts de tous -étudiants, personnels, enseignants, équipe présidentielle- nous fera t-il croire à l’université-sanctuaire ? (…) Nous ne nous apitoyons pas sur ces arrestations car nous ne sommes pas dupes : évidemment l’université n’est pas un sanctuaire, évidemment les intérêts de la présidence et les nôtres sont antagoniques. »
La FSE conclut son communiqué en « exigeant la libération immédiate des camarades ». Une AG est prévue ce vendredi matin à 11h.
Ce vendredi matin, la ministre de l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, a tenu à apporter son soutien aux membres du personnel de l’université blessés ainsi qu’au président :
« Je condamne avec la plus grande fermeté les agressions et violences dont ont été victimes quatre membres du personnel de l’université Lyon-2, lors d’un congrès élargi organisé par le président de cette université ».
Rigueur et réforme de l’enseignement supérieur
Cette crise s’explique par un double contexte. Sur le plan national, les différentes réformes de l’enseignement supérieur et les restrictions budgétaires obligent les directions des facs à des choix cornéliens.
C’est la conséquence de la mise en place de la Communauté d’universités et d’établissements (avec la loi Fioraso) qui oblige les universités à créer une offre de formation territoriale dans l’objectif de supprimer les doublons. Ce qui implique de profondes restructurations.
Plus particulièrement à Lyon 2, les vice-présidents démissionnaires ainsi que le principal syndicat du supérieur (le Snesup) reprochent au président Jean-Luc Mayaud sa gestion et son autoritarisme. Cité par 20 Minutes, le Snesup déplore «sa vision purement comptable et son absence de stratégie et de concertation à un moment où se joue l’avenir de l’université».
> Article actualisé à 20h40 suite à la conférence de presse du président de Lyon 2
> Article actualisé à 21h suite au communiqué des enseignants de la liste PAU
> Article actualisé le 22 novembre à 9h45 suite au communiqué de la FSE
> Actualisé le 22/11 à 14h55 suite au communiqué de la ministre de l’enseignement supérieur
Votre article semble dire que c'est à la suite de l'intervention des CRS qu'il avait été blessé or j'ai entendu que les fautifs seraient plutôt les militants d'extrême-gauche.
Sinon, il y a 1h30, 3 des 4 agents allaient très bien, merci pour eux.
"Pas de congrès, mais les CRS :
Suite à sa lettre envoyée à toute la communauté universitaire sur la crise à Lyon 2 et à sa posture de “président sacrificiel”, JL Mayaud avait donc convoqué un congrès élargi ce jeudi rassemblant l’ensemble des élus aux trois conseils de l’Université, les élus au CT, les doyens, CSAF et directeurs de laboratoires. Ce congrès devait se tenir de 12h à 15h dans le Grand Amphi. L’AG étudiante organisée la semaine dernière à Bron avait pour sa part appelé à un rassemblement avant le congrès. Il faut dire qu’alors que la Présidence ne communique pas depuis des mois sur ce qui se passe (silence radio suite à la démission des Vice-Présidents), l’envoi d’une lettre au ton catastrophiste à tous les personnels et à tous les étudiants a beaucoup intrigué ces derniers jours. Nombre d’étudiants étaient à la demande d’informations.
Une petite centaine d’étudiants mobilisés ont forcé l'entrée du Grand Amphi. Ils ont scandé, non sans humour, quelques slogans sur le “Président sacrificiel”, réclamé de la démocratie à l’Université et chanté... l’Internationale. Il n’en fallait pas plus pour que le Président de Lyon 2 prenne peur d’un éventuel sacrifice public et il ne s’est donc pas présenté devant le Congrès qu’il avait lui-même convoqué. Ni lui, ni aucun membre de son équipe. Au bout d’une quarantaine de minutes, G. Corazzol, directeur adjoint des services, est venu annoncer que les élus étaient invités à se rendre devant le bâtiment Athéna où ils seraient ensuite informés de la salle où se déroulerait le congrès. Nous avons été quelques-uns à refuser de nous prêter à cette mascarade, c’est-à-dire l’organisation d’un congrès en catimini. Alors que nous étions dans la cour, devant le bâtiment Erato, quelques élus montaient discrètement dans l’immeuble de la Présidence. Manège vite repéré par les étudiants qui ont donc décidé d’entrer à leur tour dans ce bâtiment. La porte étant gardée par les agents hygiène-sécurité, les échanges sont évidemment devenus vifs et les étudiants ont à nouveau forcé l’entrée. Une cinquantaine d’entre eux se sont retrouvés au 1er étage à tambouriner contre la porte de la Présidence, avec, pour seuls interlocuteurs, des agents de sécurité. JL Mayaud allait-il daigner apparaître et leur adresser un mot ? Que nenni, une lettre oui, mais pas d’interlocuteur face aux étudiants, ni aux personnels.
La situation étant assez tendue, nous avons proposé à quelques-uns de ne pas tout attendre du Président, mais d’échanger entre étudiants et personnels dans le cadre d’une AG improvisée. C’était aussi une façon d’éviter les affrontements, de faire tomber la tension et de montrer aux étudiants qu‘ils pouvaient trouver des interlocuteurs quand ils s’interrogent légitimement sur la crise que connaît Lyon 2. La demande d’amphi transmise à la présidence, via le service de sécurité, pour tenir cette AG n’a reçu aucune réponse. Cette AG s’est cependant déroulée dans le calme, les étudiants ayant organisé un sit-in dans le hall, face à la porte des bureaux de l’équipe présidentielle. Elle a donné lieu à des interventions croisées d’étudiants et de personnels sur la situation, le passage forcé à la CUE, les coupes budgétaires, etc. Les étudiants ont élaboré un communiqué, l’ont fait voter et s’apprêtaient à partir dans le calme. C’est à ce moment que les portes de la Présidence se sont enfin ouvertes, qu’un individu portant l’écharpe tricolore (tenez-vous bien !) a crié “ordre de dispersion”, puis “les forces de l’ordre vont charger”. Il était accompagné d’une trentaine de CRS en grande tenue d’intervention déboulant de tous côtés. L’ensemble des personnes présentes dans le hall ont été reconduites manu militari en bas de l’édifice, puis dans la cour. En plus des CRS, une bonne vingtaine de policiers en civil étaient présents dans les locaux de l’université. Ils ont demandé aux vigiles de leur désigner “les meneurs”. Dès que la porte de l’Université a été franchie, cela n’a pas raté : les CRS ont provoqué l’arrestation de quatre étudiants, les principaux porte-parole de la FSE qui sont donc actuellement en garde à vue.
JL Mayaud, avec les quelques vice-présidents encore en fonction, a donc fait encore plus fort que ses prédécesseurs. Il dégaine plus rapidement. Le mouvement étudiant n’a pas encore pris qu’il envoie déjà les CRS dans l’enceinte de l’Université. Nous aurons droit d’ici peu à un communiqué sur les “inqualifiables dégradations matérielles, la violence d’éléments extérieurs à l’Université, etc.”. Le président tentera immanquablement de rassembler autour de lui en faisant peur. Il continuera à mépriser toute forme de démocratie universitaire dès lors que la parole ne lui est pas favorable Force est de constater qu’aujourd’hui, tout a été fait par l’équipe en place pour fuir le débat et que rien n’a été tenté pour éviter une escalade de la violence."
QUAND LA PRÉSIDENCE DE L’UNIVERSITÉ FAIT ARRÊTER DES ÉTUDIANTS
Alors que la crise de l’université va en s’empirant, des étudiants de Lyon 2 rassemblés jeudi 21 novembre ont été arrêtés.
Ils étaient plus d’une centaine à protester contre l’opacité du congrès élargi convoqué par le président de l’université, Jean-Luc Mayaud, congrès qui devait examiner les possibilités de "dépasser" la crise institutionnelle. Une manifestation avait été appelée par le comité de lutte de l’université, mandaté par l’Assemblée générale des étudiants (qui avait réuni 150 personnes), afin d’empêcher la tenue du congrès jugé non-démocratique.
La BAC et la police nationale ont été appelées par la direction et ont violemment chargé les étudiants qui occupaient le Congrès élargi.
Après cela, comment Jean-Luc Mayaud qui évoquait dans son dernier mail l’université où convergent les intérêts de tous -étudiants, personnels, enseignants, équipe présidentielle- nous fera t-il croire à l’université-sanctuaire ? Monsieur Mayaud organise avec son équipe restreinte la gestion de pénurie qui conduit à la privatisation de l’université : il sait que cette privatisation ne peut qu’aggraver les conditions de travail des personnels les plus précaires et lisser des programmes déjà bien consensuels. Il sait qu’elle ne répond qu’aux intérêt du patronat.
Nous ne nous apitoyons pas sur ces arrestations car nous ne sommes pas dupes : évidemment l’université n’est pas un sanctuaire, évidemment les intérêts de la présidence et les nôtres sont antagoniques. Lorsqu’un tel antagonisme s’exprime -dans la mobilisation croissante des étudiants, dans les récentes démissions qui ont affecté l’administration-, il n’est plus surprenant qu’un président d’université fasse appel aux matraques pour faire régner l’ordre.
Nous exigeons la libération immédiate des camarades qui ont été arrêtés et nous appelons l’ensemble des organisations syndicales et politiques à adresser leur soutien en relayant et signant ce communiqué. Nous appelons également à témoignages, photos et vidéos de la répression et des arrestations.