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À Villeurbanne, un quartier des Buers à mi-chantier avec des habitants mi-enchantés

La semaine dernière, élus et institutionnels organisaient une visite du grand chantier de réaménagement sur le secteur des Buers et de Croix-Luizet, à Villeurbanne. Si les habitants des nouvelles barres se réjouissent, ce n’est pas le cas de tout le quartier. Certains sont irrités par des chantiers à répétition. 

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Les Buers Villeurbanne
La rue du 8 mai a été réaménagé, dans le quartier des Buers, à Villeurbanne.

L’image est belle, peut-être un peu trop idyllique. En ce mercredi d’octobre, Bruno Bernard (EELV), la sous-préfète en charge de la politique de la ville, Salwa Philibert et le maire de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael (PS), répondent aux questions des journalistes dans un parc sentant le neuf, à l’Est de Villeurbanne. 

Entre deux averses, quelques rayons de soleil accompagnent leur prise de parole ayant lieu entre deux barres d’immeubles entièrement réhabilitées du quartier des Buers. Derrière eux, seule la « barre F », dans un état lamentable, rappelle le travail à finir. « On arrive sur un projet qui est presque fini, mais on a encore une trace pour montrer comment a évolué le quartier », constate la sous-préfète en charge de la politique de la ville.

Pour les habitants de Villeurbanne : une « belle vue » aux Buers

En décrépitude complète, ce vestige a l’intérêt de mettre en valeur le travail effectué sur les autres logements. Le bailleur social Est métropole habitat (EMH) a investi de 70 000 à 100 000 euros par logement. « Et on reste sur un loyer avoisinant les 4,5 euro le m² », précise Céline Reynaud, directrice d’EMH. Auparavant, les prix étaient en dessous de quatre euros. Mais les barres étaient en piteux état. « Quand on considérait que le taux d’effort était trop important, nous n’avons pas augmenté les loyers », assure-t-elle. 

De leurs fenêtres, les habitants observent le drôle de balai formé par la trentaine d’élus et de journalistes à leurs portes. Certains applaudissent les prises de parole. D’autres se montrent un peu plus prudent comme Hayat, habitante « au 55 » rue de la Boulbe. « On a un peu souffert durant la période des chantiers, mais maintenant, ça va mieux », note-t-elle. « Bien sûr », elle reconnaît une belle embellie des lieux. Mais elle regrette des problèmes au sein de l’habitat, à peine celui-ci rénové. Selon elle, l’eau se faufile entre les dalles rendant les lieux humides.

Un peu plus loin, Kheira, 69 ans, est beaucoup plus enjouée « La vérité : c’est super bien, sourit-elle. Maintenant, je peux dire que j’ai une belle-vue. » Celle qui vit rue de la Boulbe depuis 20 ans note une amélioration globale d’un quartier, en pleine mutation.

Car, outre ces logements, un travail de réaménagement entier a été réalisé. La rue du 8 mai, à deux pas du périphérique, a été refaite avec l’arrivée de pistes cyclables. Des travaux qui ne convainquent pas tout le monde, loin de là.

Les Buers Villeurbanne
Le point presse entre les barres réhabilitées et non réhabilitée du quartier des Buers, à Villeurbanne.Photo : PL/Rue89Lyon.

Des « rats » et des « bouchons »… L’autre face de la rénovation des Buers à Villeurbanne

Au Café de la paix, installé sur cette fameuse rue du 8 mai, le regard est beaucoup plus sévère sur les travaux réalisés. « Pour l’instant, ils ont surtout vidé le quartier », râle le gérant, en pointant la barre F, ce bâtiment blanc et rose délavé, partant en vrille. Dix familles seraient encore en attente de relogement, avant la réhabilitation complète. Au comptoir, des Villeurbannais de longue date se montrent (au moins) sceptiques.

Quand Kheira, une grand mère des Buers, appréciait la sécurité amenée par la nouvelle rue du 8 mai (tout en craignant encore le passage de voitures), au café, on râle sur les « bouchons à partir de 16 h. » « Ils ont enlevé les places de stationnement pour y mettre des arceaux à vélo. Mais ils sont toujours vides ! », raille le patron.

Comment souvent, les travaux durent depuis (beaucoup) trop longtemps pour eux. Tout comme leurs effets indésirables. Depuis quelques temps, ils constatent une recrudescence du nombre de rats dans le secteur. « Ils ont détruit des caves d’immeuble, mais ça les a fait remonter », grogne Carmélia, qui vit sur la rue du 8 mai depuis près de 50 ans. Deux jours, auparavant, un nettoyage aurait été fait. Mais un retour est à prévoir, estiment-ils.

Les Buers Villeurbanne
La rue du 8 mai a été réaménagé, dans le quartier des Buers, à Villeurbanne.Photo : PL/Rue89Lyon.

Des travaux longs et titanesques pour 77 millions d’euros

Alors, évidemment, « la verdure, c’est mieux » mais « il faudrait qu’ils finissent le travail, ça devient pénible. » Il faut dire que le quartier a pris sa dose de travaux ces dernières années. Au nord, les premiers chantiers sur le « Terrain des soeurs » ont débuté en 2016. 440 logements ont déjà été achevés.

Un peu plus au sud, les travaux remontent à 2019. Le Nouveau programme national de renouvellement urbain des Buers (alias « NPNRU ») (qui ne comprend pas la zone dite du « Terrain des sœurs ») prévoit la démolition de 150 logements, la réhabilitation de 500 appartements, la « résidentialisation » de 600 autres, la construction de 100 nouveaux logements et des aménagements urbains. Coût global : 77 millions d’euros avec le concours notamment d’EMH pour 53 millions d’euros, de la Métropole de Lyon pour 7,6 millions et de la Ville de Villeurbanne pour 5,5 millions.

Côté espace public, on parle de 11,6 millions d’euros pour 2,3 km de pistes cyclables, la création d’une ballade piétonne… Un gros coup de neuf pour un quartier quelque peu oublié à l’est de Villeurbanne. Pendant longtemps, le secteur a surtout été connu (en mal) pour sa proximité avec le périphérique. Ce secteur dit des « Buers nord » abrite 1700 âmes – 8000 personnes dans tous les Buers. Dans le grand projet mené, un bâtiment au nord a été détruit à… 1,5 mètre du périph. À la place, un pôle économique doit être construit avec 5 000 m2 de bureaux et d’activité. 

Les Buers Villeurbanne
La barre F, dans le quartier des Buers à Villeurbanne, attend d’être réhabilitée.Photo : PL/Rue89Lyon.

Quand les travaux seront « finis », le travail sur la mixité

« Une fois fini, ce sera très beau. En attendant, ça dure… », constate Vacene, 61 ans. Ce jeune retraité connaît les Buers depuis 1981. Il regrette un temps où celui-ci était plus « mixte » en termes de populations. « Aujourd’hui, il n’y a plus que des misérables », commente son voisin. Dans leur discours, un air de déjà vu. Le centre-ville de la commune aurait tendance à accueillir une population plus aisée, au détriment de la périphérie proche. Bref, une peur de la paupérisation est bien présente.

Derrière les nouveaux bâtiments, ils gardent une sorte de petite rancune, et de la méfiance. « C’est un projet qui a été compliqué et qui l’est toujours », semblait leur répondre le maire de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael, lors du point presse.

Les Buers Villeurbanne
Au nord des Buers, à Villeurbanne, le quartier sent déjà le neuf.Photo : PL/Rue89Lyon.

Ancien patron d’EMH, l’élu note les difficultés à monter ce projet. Il a connu son lot d’oppositions et, par conséquent, de retards… Du reste, il est debout. « Il faut déjà célébrer ces victoires pour avoir l’énergie de poursuivre », déclarait-il, au milieu des nouvelles résidences. Côté Métropole de Lyon, Béatrice Vessilier (EELV) mettait en avant « l’arrivée de trois voies lyonnaises » et du tram T9. En 2026, ce dernier permettra de relier Charpennes en 12 minutes. « C’est vrai que pour les gens qui n’ont pas de voiture, cela pourra être pratique », reconnaît Carmélia, une habitante du coin, tout en admettant ne pas être très « transports en commun. »

Reste cette fameuse barre F. « lls n’ont même pas commencé la destruction », maugrée encore le patron du café de la paix. Il risque de s’en plaindre encore un certain temps. Les travaux, pour la restructuration de 117 logements, devraient se terminer en 2026. La barre accueillera une centaine de logements étudiants. Une amorce de mixité dans un quartier en cours de restructuration. 


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