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A Lyon, le ras-le bol des travailleuses du sexe de Gerland face aux polémiques

Depuis plusieurs mois, les travailleuses du sexe de Gerland vivant en camionnettes à côté de la plaine des jeux sont le centre sont au centre de l’activité médiatique lyonnaise. 40 d’entre elles ont décidé de prendre la parole pour être entendu des policiers et des journalistes. 

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Des camionnettes de prostituées à Gerland

Elles sont au centre d’un fatras médiatique où on ne les entend pas. Depuis début novembre, une pétition contre la présence de prostituées à côté de la plaine des jeux à Gerland (Lyon 7e) circule sur les réseaux sociaux. Des parents de jeunes sportifs et les présidents des clubs s’inquiètent de la présence des camionnettes et font valoir des intrusions sur les terrains de sport la nuit.

Sur place, les médias se succèdent pour donner échos à ce mécontentement et ces inquiétudes. La plupart de nos confrères sont venus montrer les camionnettes blanches, installées ici depuis déjà plusieurs années. Chassées depuis 20 ans du centre-ville puis de Perrache, ces filles se sont réfugiées avec leurs véhicules dans un des derniers lieux où leur stationnement est encore autorisé.

Hommes et femmes politiques, riverains, associatifs… Ils sont nombreux à donner régulièrement leur avis sur la question. Chez les anciens proches de Gérard Colomb, on en appelle au retour des arrêtés municipaux anti-camionnette. Chez les écologistes, on évoque une concertation, du dialogue, la construction d’un brise-vue pour que les enfants ne les voient pas, etc. Mais, comme souvent, une voix manque à l’appel. Celle des principales intéressées : les « filles » elles-mêmes.

travailleuses du sexe Lyon
Les camionnettes des travailleuses du sexe se situent à côté du port Edouard-Herriot de Lyon, à Gerland. Crédit : PL/Rue89Lyon.

Travailleuses du sexe à Lyon : « Nous sommes comme vous des femmes, des mères et des filles »

Pour cette raison, une quarantaine d’entre elles se sont rassemblées pour donner une parole groupée. Au cours d’une « assemblée générale », elles ont travaillé sur un communiqué écrit avec l’aide de l’association communautaire d’aide aux travailleuses et travailleurs du sexe, Cabiria. Depuis le départ de Karen, véritable porte-parole des filles de Gerland, une prise de parole commune de ce type était devenu rare. En amont de la journée internationale des droits des femmes, elles posent dans ce texte des revendications et des propositions.

Elles commencent par un rappel :

« Nous sommes comme vous des femmes, des mères et des filles. Nous aussi nous travaillons dans des conditions pénibles et luttons pour soutenir nos familles, nous aussi nous sommes parents. »

Pour la plupart venant de pays pauvres, elles détaillent leur situation et expliquent travailler pour venir en aide à leurs familles :

« Nous empêcher de travailler, c’est nous condamner à la misère »

Elles reprochent notamment aux parents et aux journalistes de les avoir prise en photo à leur insu. Elles affirment que ces photos les « mettent en danger » car elles sont publiées sur les réseaux sociaux, sans leur accord.

« Nous ne voulons pas que nos familles et nos enfants nous reconnaissent et prennent connaissance de notre travail. Parfois même des drones circulent et nous surveillent », affirment-elles.

À Gerland, les travailleuses du sexe pointent des agressions « d’adolescents »

Au passage, les travailleuses du sexe de Gerland veulent rectifier certaines informations véhiculées sur le nombre de véhicules présents à côté de la plaine des jeux. Elles affirment être bien moins que cent travailleuses. 

« Certaines d’entre-nous travaillent le jour, d’autres travaillent de nuit. Les femmes travaillant la nuit ne sont pas visibles des enfants. Quand il y a beaucoup d’enfants au stade, la plupart des femmes couvrent leurs vitres pour ne pas être visibles. Si nous laissons nos camionnettes vides dans la rue du stade de Gerland, même en dehors de nos horaires de travail, c’est parce que lorsque nous nous garons ailleurs, nos camionnettes sont enlevées par la fourrière. »

Dans le même temps, elles accusent la police de les harceler en les empêchant de travailler. Selon elles, les agents montent régulièrement dans leurs camions afin d’arrêter leurs clients. Une disposition possible depuis la loi du 13 avril 2016 dite de « pénalisation du client ». Pour ses détracteurs, cette loi, devant permettre une meilleure sortie de la prostitution, recèle de multiples effets pervers. Elle fragilise notamment certaines d’entre elles, obligées de se cacher et donc de s’isoler pour accueillir leurs clients.

Enfin, elles dénoncent les attaques et agressions commis par des adolescents la nuit tombée.

« Ils viennent après minuit en groupe, nous demandent des prestations alors qu’ils sont mineurs. Ils nous insultent, nous crachent dessus, nous jettent des bouteilles vides de protoxyde d’azote et brisent nos vitres. »

À Lyon, les travailleuses du sexe de Gerland prêtes à rencontrer les parents

De ce fait, elles demandent aux journalistes d’arrêter de les prendre en photo, que cessent les pressions policières ou encore le survol de la zone par des drones. Elles demandent également l’installation de douches et de toilettes publiques, ainsi que davantage de poubelles. Une première réponse à leurs opposants. Ces derniers ciblent notamment la propreté des lieux, avec la présence au sol de préservatifs usagés. Elles aspirent également à une « retraite pour tous afin de pouvoir vieillir dignement. »

Parmi les propositions, elles se disent disposer à payer des impôts « tant que cesse le harcèlement ». Elles sont également disposées à collaborer « concernant les horaires et les jours [de travail] pour que les enfants ne soient pas affectés par notre présence. »

« Nous sommes disposées à faire une réunion avec la police. Nous nous tenons pleinement à disposition pour que notre travail n’affecte pas vos vies quotidiennes », indique le communiqué.

Enfin, elles invitent le collectif des parents à les rencontrer lors d’une réunion.


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