Tout semble bien calme devant l’ancien hôpital Charial de Francheville, ce lundi après-midi de septembre. À quelques pas de la porte du tiers-lieu « Les Grandes Voisines », difficile de deviner que près de 700 personnes vivent ou travaillent dans les locaux de l’ancien centre hospitalier. Une véritable fourmilière où se mêle un hébergement d’urgence, des activités culturelles, une épicerie sociale et solidaire, des entreprises et… un hôtel équivalent trois-étoiles.
Rembobinons. En novembre 2020, la préfecture du Rhône signe une convention temporaire de trois ans avec les Hospices civiles de Lyon (HCL) pour occuper les locaux de l’ancien hôpital Charial. Objectif : faire de l’hébergement d’urgence pour un public précaire, au grand dam des maires de Francheville, Craponne et Tassin-la-Demi-Lune, furibonds.
La gestion du site est alors confiée au Foyer Notre-Dame des Sans-Abri (FNDSA) et à l’Armée du salut. 475 personnes sont hébergées dans les anciennes chambres de l’hôpital, dont 180 enfants.
« Ce projet avait trois buts, reprend Céline Provost coordinatrice de Plateau Urbain. La mise à l’abri de personnes en difficulté, ramener des personnes vers l’emploi et proposer à des entreprises des prix moins chers que ceux proposés sur la métropole lyonnaise. »
À Francheville : des activités économiques au rez-de-chaussée d’un tiers-lieu plein de solidarité
Deux ans plus tard, la référente de Plateau Urbain, la structure en charge de l’organisation des Grandes Voisines, explique comment les lieux se sont remplis en fonction de ces objectifs. Entre le sous-sol et le rez-de-chaussée de l’hôpital, une quarantaine d’entreprises ont pris place. Il faut dire qu’il y a de la place. En tout, le tiers-lieu est composé de 22 000 m2 de bâtis, sur 8 ha de terrain.
Depuis janvier 2022, l’atelier économad de Christoph Guillerm, qui récupère du verre pour en faire des nouveaux objets, s’est installé dans un pan de l’hôpital. Les anciennes cuisines ont été réaménagées pour accueillir le laboratoire de La Petite syrienne, une entreprise de restauration qui se développe à vitesse grand V. L’ancienne morgue accueille, cela ne s’invente pas, un brasseur produisant la bière « En Haut ».
Côté économie : on compte également une entreprise d’éco-construction, une couturière, un réparateur de robot de piscines… Le tout cohabite à côté d’artistes ou d’associations comme SoliVet, une structure spécialisée dans le soin pour les animaux « défavorisés » de Lyon. Toutes payent une redevance permettant de financer la coordination des lieux.
Un hôtel équivalent trois étoiles au dessus d’un hébergement d’urgence
Dans les étages supérieurs, la partie hébergement d’urgence, gérée par l’Armée du salut et Foyer Notre-Dame des Sans-Abri , accueille plusieurs centaines de familles. Puis, au dernier étage, l’hôtel « Grand Barnum » devrait ouvrir ses portes prochainement, lorsque les lieux auront obtenu l’autorisation officielle pour devenir un ERP (établissement recevant du public).
Plutôt chic, cet hôtel, équivalent trois-étoiles, est sûrement l’un des seuls de France à résider au-dessus d’un site d’hébergement d’urgence. Sa particularité ? Ne faire travailler que des personnes éloignées de l’emploi dans un processus d’insertion.
« Il n’y en a que deux en France », précise Céline Provost.
Dans la même démarche, la rénovation de l’ancienne hôpital a également été faite par une entreprise d’insertion. La maintenance, la buanderie et l’épicerie sociale et solidaire, présente au rez-de-chaussée, font également travailler des personnes éloignées de l’emploi. Malgré les étoiles, la solidarité n’est donc jamais bien loin.
Faire un véritable « lieu de rencontre » et de solidarité pour dépasser les préjugés à Francheville
Une bonne manière de brasser différentes populations.
« L’idée est de faire des Grandes Voisines un lieu de rencontre », expose Céline Provost.
À côté de l’ancien Ehpad de l’hôpital, accueillant des femmes isolées avec enfants, un pôle de santé solidaire a ouvert. Des personnes du territoire, comme de l’hébergement d’urgence, vont pouvoir consulter des soignants. Côte à côte dans la salle d’attente, ils pourront peut-être casser quelques clichés, tout comme les clients de l’hôtel, croisant des personnes sans-abri au rez-de-chaussée des Grandes Voisines. Dans cette logique, les différents services du tiers-lieu, tels la ludothèque et l’épicerie sociale et solidaire, seront ouverts, à terme, sur l’extérieur.
« On a tendance à fantasmer ce genre d’endroits, reprend la coordinatrice, Céline Provost. Au moins, via ces rencontres, les habitants du secteur pourront se dire : « Moi, je l’ai vraiment vu ». L’idée, c’est de changer les représentations qu’ont peut avoir de ces lieux. »
Un lieu de vie avec un programmation culturelle complète
Suivant le fil de cette réflexion, Les Grandes Voisines veulent proposer une programmation culturelle. Outre les artistes travaillant sur place, l’endroit a déjà accueilli, en extérieur, la fanfare Sopa Loca ou la compagnie des Sœurs goudrons.
« On a rassemblé jusqu’à une centaine de personnes, dont une trentaine de résidents de l’hébergement d’urgence », précise Céline Provost.
Les entreprises Coopawatt et Oïkos ont également proposé des conférences. Pour poursuivre cette dynamique, des travaux vont être effectués dans l’ancienne chapelle de l’hôpital, histoire de se mettre au chaud pour des concerts cet hiver. Bref, les projets vont dans tout les sens. Pour coordonner le tout, un « comité de vie » se rassemble régulièrement pour gérer les différentes vies de l’ancien hôpital gériatrique.
Un lieu qui veut offrir une plus-value à Francheville et à l’Ouest lyonnais
Se faisant, les Grandes Voisines souhaitent offrir une réelle « plus-value » au territoire de l’Ouest lyonnais. Un sacré défi quand l’on connaît les réserves des élus sur le projet. Par communiqué, le maire de Francheville, Michel Rantonnet, a de nouveau fait part de son opposition au projet d’hôtel cette semaine.
Pour les protagonistes de l’opération, l’enjeu est donc de taille. Il s’agit de réussir à prolonger la convention prévue avec l’État jusqu’en août 2023. Et après ? Le conventionnement ne pourra être renouvelé qu’une fois. L’expérience prendra donc fin, au maximum, en août 2026.
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