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Étudiants « sans facs » à Lyon : état des lieux à la rentrée

De nombreux étudiants, appelés « sans facs », se retrouvent sans affectation à l’université alors que la rentrée a déjà eu lieu à Lyon.

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Chaque rentrée depuis quatre ans, des étudiants dits "sans facs" se retrouvent sans affectation dans une université. À Lyon, une trentaine d'entres eux se mobilisent pour obtenir une place à Lyon 2. ©MA/Rue89Lyon

Cette année, les « sans-facs » ont pris un peu d’avance. Le 2 septembre, avant même la rentrée universitaire, le comité des sans-facs a organisé une manifestation dans une cour de l’université de Lyon 2. Banderoles, slogans scandés au mégaphone, petits déjeuners partagés et visite d’élus lyonnais ont ponctué la mobilisation, réitérée le 16 septembre.

Soutenus par le syndicat Solidaires étudiants et l’UNEF Tacle (une section de l’UNEF), les étudiants sans fac ont demandé à être reçus par la présidence de l’université, afin de lui présenter une trentaine de dossiers.

« La campagne des sans-facs a pour but d’inscrire les étudiant•es refusé•es à l’université, mais aussi d’exiger l’exonération des frais d’inscription des étudiant•es étranger•es hors UE qui ne peuvent pas se permettre de payer cette somme (2 770€ pour une année de licence et 3 770€ en master, ndlr) », écrit le comité dans un communiqué.

La sélection à l’université pénalise les étudiants lyonnais

Depuis quelques années, ces mobilisations de rentrée sont légion, à Lyon comme ailleurs. En 2021, deux étudiants avaient mené une grève de la faim devant l’Université Lyon 2. Puis, les bureaux de la présidence de Lyon 2 avaient été occupés une journée pour demander l’inscription d’une quinzaine d’étudiants non-inscrits.

Plusieurs réformes sont responsables de ce phénomène. Une plus forte sélection à l’entrée en licence ou en master expliquent en partie que des étudiants se retrouvent à la porte des universités. La situation a aussi été aggravée par l’augmentation du nombre d’étudiants. La France a observé un pic de naissances autour des années 2000, un pic qui n’a pas été suivi par l’ouverture de places supplémentaires en université.

En 2016, une première réforme a instauré une sélection entre la troisième année de licence et la première année de master, laissant plusieurs milliers d’élèves sans affection à chaque rentrée en France. En contrepartie de cette décision, un « droit à la poursuite d’études » est instauré en 2017 (puis modifié par décret en 2021). Mais il n’est, en pratique, pas appliqué pour tous.

La plateforme « Parcours Sup » est lancée en 2018. Celle-ci instaure une concurrence encore plus rude entre les élèves pour l’entrée en licence et laisse des candidats sur le carreau.

En France, 94 187 candidats n’ont pas reçu d’affectation de Parcours Sup à la mi-juillet 2022, alors que venait de débuter fin-juin une phase complémentaire, proposant de nouvelles places aux étudiants. Le nombre de candidats sans affectation, qui ont abandonnés, ou qui n’en ont eu aucune après cette seconde phase n’est pas encore connu.

« On est légitimes à avoir ces places car on a validé notre L3 ou notre bac »

L’absence d’affectation, et donc de vision sur leur futur scolaire et professionnel, a plongé bon nombre d’étudiants dans la détresse. Sana, étudiante en droit à Lyon 2, n’a pas pu entrer en master de droit social. Par dépit, elle a accepté une place en licence professionnelle de droit, qui ne correspond pas à son projet professionnel :

« Cela fait 5 mois que je me rends malade. J’ai atteint un niveau d’anxiété que je n’ai jamais eu auparavant. Cela s’aggrave quand je vois qu’en face on ne fait rien pour résoudre le problème. On nous dit d’attendre ou d’aller en licence professionnelle. »

Du côté de l’université Lyon 2, on déplore un manque de moyens qui les empêche d’accueillir plus d’élèves dans certaines filières. Une de leurs solutions, assumée, est donc de réorienter certains élèves :

« On essaye de leur trouver des alternatives qui restent dans le même champ professionnel. On comprend bien qu’un étudiant qui veut faire du droit n’acceptera pas une licence de sciences politiques. »

Chaque rentrée depuis quatre ans, des étudiants dits "sans facs" se retrouvent sans affectation dans une université. À Lyon, une trentaine d'entres eux se mobilisent pour obtenir une place à Lyon 2. ©MA/Rue89Lyon
Chaque rentrée depuis quatre ans, des étudiants dits « sans facs » se retrouvent sans affectation dans une université. À Lyon, une trentaine d’entres eux se mobilisent pour obtenir une place à Lyon 2.Photo : MA/Rue89Lyon

En attendant une place en master, Sana trouve du réconfort auprès des autres étudiants du comité des sans-facs. Elle ne s’était jamais mobilisée avec un syndicat ou une organisation étudiante auparavant.

« On ne se connaissait pas et on s’est tous réunis pour la même raison. Nous sommes solidaires et on ne lâchera pas. Nous nous savons légitimes à avoir ces places car nous avons validé nos années. »

Pour trouver une place en fac : un recours possible auprès du rectorat de Lyon

À ses côtés dans la lutte se trouve Rayane, 26 ans, qui a décroché sa licence de Sciences politiques à Lyon 2 et n’a pas non plus trouvé de place en master de sciences politiques ou de sociologie.

« J’ai déposé 10 candidatures à Lyon, Rennes et Saint-Étienne et j’ai été refusé. J’ai fait un recours auprès du rectorat en juin et je n’ai à ce jour aucune réponse positive. Je suis un peu démoralisé, je ne sais pas quoi faire. On me dit que j’aurai peut-être une place ailleurs mais chercher un appartement dans une autre ville en dernière minute, c’est compliqué. »

Boursier, il sera contraint de renoncer à cette aide si il perd son statut d’étudiant. Comme Rayane, nombreux sont les étudiants à tenter un recours au rectorat, qui est censé leur garantir une place en fac, prioritairement dans leur université d’origine. En 2021, 1 400 étudiants ont effectué un recours dans la région. Deux filières sont principalement en tension : le droit et la psychologie.

L’université Lyon 2 : épicentre de la mobilisation des étudiants sans fac

À Lyon, la mobilisation des sans-facs se concentre sur l’université Lyon 2 car les organisations syndicales et étudiantes y sont plus actives. La présidence est également perçue comme plus sensible aux mobilisations étudiantes, et est réputée pour son ancrage historiquement à gauche.

Depuis, la première mobilisation des sans-facs le 2 septembre, le nombre de dossiers a grandi. Ils sont à présent plus d’une quarantaine à demander une inscription ou une exonération de frais pour les étudiants étrangers hors Union européenne (voir ci-dessous).

Ils ne sont pas les seuls à attendre une place. L’université Lyon 2 a reçu 179 demandes venues du rectorat, qui leur a transmis les recours des élèves qui l’ont saisi. À cela s’ajoute aussi les étudiants qui ont fait des recours directement auprès des doyens et responsables de filières, sans passer par le rectorat.

« On essaye de trouver des solutions pour les dossiers communiqués par le comité des sans-facs mais on ne peut pas les faire passer en priorité. On souhaite maintenir l’égalité d’accès à l’université et même ceux qui ne sont pas passés par les organisations étudiantes ont des droits. »

Les étudiants étrangers hors UE demandent une exonération à Lyon 2

Au problème des étudiants sans-affection s’ajoute celui des étudiants étrangers issus de pays extérieurs à l’Union Européenne, qui ont une affection mais qui ont eu la désagréable surprise de voir leurs frais de scolarité exploser.

Une réforme nommée « Bienvenue en France » pouvait être mise en place dès la rentrée 2019 mais s’est vue appliquée plus récemment en fonction des universités qui gardaient une marge de manœuvre. Celle-ci prévoit que ces élèves déboursent 2 770 euros pour une année de licence ou 3 770 euros pour un an en master. C’est le cas de Mohammed Asnad, en licence 2 de Sciences politiques.

« Je suis comorien. J’étais inscrit à l’université de l’île de la Réunion où il n’y avait pas ces frais là. J’ai fait le choix précipité de venir à Lyon, et c’est en m’inscrivant à Lyon 2 que j’ai découvert que je devais payer 2 770 euros. Je ne peux pas sortir cette somme car je n’ai pas encore trouvé de travail à côté de mes études, et mes parents ne peuvent m’aider que de temps en temps. »

Dès le 2 septembre, les sans facs se sont mobilisés avec les syndicats étudiants pour obtenir une place à l'université Lyon 2. ©MA/Rue89Lyon
Dès le 2 septembre, les sans facs se sont mobilisés avec les syndicats étudiants pour obtenir une place à l’université Lyon 2 ou une exonération pour les étudiants étrangers hors UE.Photo : MA/Rue89Lyon

À l’université Lyon 3, il a été choisi d’exonérer totalement les étudiants de ces frais pour l’année 2022-2023. À Lyon 2, les frais ont été appliqués pour cette rentrée, avec une exonération possible :

« Notre université s’engage comme elle le peut. On a établi un tableau et des conditions pour que les étudiants puissent être exonérés. Avant, cette exonération était prise en charge par l’État, maintenant elle se fait sur le budget de l’université », explique l’université Lyon 2.

La lutte des sans-facs se poursuit à Lyon

Pour l’heure, le comité des sans-facs demeure insatisfait et dénonce le fait qu’aucune solution n’a été trouvée par la présidence pour la trentaine de dossiers. Sana affirme craindre d’être « menée en bateau », en dépit des réunions hebdomadaires entre le comité et l’administration de Lyon 2 sur le sujet.

Une commission spéciale a eu lieu le mercredi 21 septembre dernier en présence de la présidence et de représentants de plusieurs organisations étudiantes, au sujet des étudiants sans affectations. Une mobilisation a aussi été organisée à cette occasion par le comité des sans-facs.

Quelques jours auparavant, les sans-facs de Lyon ont reçu le soutien de deux députés du Rhône, issu de la Nupes : Gabriel Amard (Villeurbanne) et Hubert Julien-Laferrière (2eme circonscription de Lyon). Tous deux ont réalisé une courte vidéo d’encouragement sur leurs réseaux sociaux. À défaut de pousser les murs des universités pour accueillir les sans-facs, peut-être souhaiteront-ils pousser pour plus de moyens à l’université entre les murs de l’Assemblée nationale.


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