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Handicap à Lyon : « On a mis 5 ans à trouver une place pour notre fille »

Laly, 9 ans, est atteinte du syndrome de Rett. Cette maladie altère le développement du système nerveux central et touche principalement les petites filles. On estime qu’elles sont environ 500 à en être atteintes en France. La mère de Laly, Cécile, raconte les difficultés à trouver une place à sa fille dans les structures adaptées à son handicap à Lyon.

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Cécile raconte 5 ans d'attente avant que sa fille Laly, atteinte du syndrome de Rett, puisse avoir une place dans une structure adaptée à son handicap à Lyon.

Témoignage.

Cécile raconte 5 ans d'attente avant que sa fille Laly, atteinte du syndrome de Rett, puisse avoir une place dans une structure adaptée à son handicap à Lyon.
Cécile raconte 5 ans d’attente avant que sa fille Laly, atteinte du syndrome de Rett, puisse avoir une place dans une structure adaptée à son handicap à Lyon.Photo : OM/Rue89Lyon

Laly est née normalement. Je n’ai pas eu de problème pendant la grossesse, aucune suspicion de handicap, les échographies et autres ne montraient rien de particulier.

A 18 mois, un de ses genoux a enflé et était très chaud. J’ai pensé à un problème rhumatologique. Effectivement, après des examens on nous a dit qu’elle avait une arthrite juvénile. Dans le même temps, elle commence à avoir un regard un peu ailleurs, un peu comme les enfants autistes. Mais quand on lui parlait ou qu’on jouait, elle prenait les jouets, elle s’amusait… Puis son développement a ralenti. La rhumatologue nous a dit à mon mari et moi que c’était peut-être à cause des douleurs des rhumatismes.

De ses 18 mois à 3 ans, nous sommes restés dans le vague. La marche n’était pas acquise, elle ne se déplaçait que sur ses fesses. Elle disait quelques mots, « papa », « maman »… La pédiatre se montrait rassurante, mais le regard de Laly, un peu ailleurs, l’inquiétait.

Un peu avant ses 3 ans, Laly a commencé à se triturer les mains tout le temps. Elle n’arrivait plus à prendre ses jouets, ni à boire le biberon toute seule. Avec mon mari, nous sommes allés voir la rhumatologue et quand nous lui avons dit ça, nous avons vu son visage changer. Là, ils ont lancé des examens pour chercher une cause génétique et neurologique.

Quand on nous a dit que c’était le syndrome de Rett, j’ai dit qu’il n’y avait pas d’handicapés dans ma famille, ni dans celle de mon mari. Le syndrome de Rett est une maladie génétique mais pas héréditaire. Il n’y en aura donc pas forcément d’autres dans la famille. Notre fils aîné, qui a 14 ans, n’est pas touché.

Sur le moment, je me souviens que mon mari a dit à la généticienne :

« J’aimerais juste que ma fille ait une vie un peu normale, peut-être qu’elle puisse travailler un jour. »

Dans le regard de la généticienne, on a vite compris que ce ne serait pas le cas.

Laly ne peut ni parler ni marcher. Le gène qui est touché est celui qui produit la protéine nous permettant de tout faire.

Laly, 9 ans, est atteinte du syndrome de Rett. A Lyon, ses parents ont attendu 5 ans avant qu'une place se libère dans une structure adaptée à son handicap. DR
Laly, 9 ans, est atteinte du syndrome de Rett. On estime que 500 petites filles sont touchées en France. Photo issue de la page Facebook de l’association « Le sourire de Laly ».

« Il n’y a pas de place dans les centres de rééducation pour enfants handicapés à Lyon »

Au quotidien, Laly a besoin d’aide pour tout : lui donner à manger, l’habiller, l’amener aux toilettes… On ne peut pas la laisser toute seule. Mon mari et moi avons dû changer d’activité. On était tous les deux dans la restauration, je travaillais au Sofitel de la place Bellecour. Je suis devenue assistante maternelle et mon mari est devenu gardien dans l’immeuble où nous habitons à Lyon.

Au niveau de l’école, ça a été compliqué. A un an, Laly allait à la halte-garderie mais c’est l’entrée en maternelle qui a été compliquée. Elle n’avait pas de dossier à la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH). Or nous en avions besoin pour demander une place dans une structure adaptée. Son dossier n’était pas passé parce qu’il y avait un an de retard à la MDPH du Rhône.

Une fois que le dossier MDPH est passé, ils ont accepté qu’elle aille à l’école maternelle. Au début, elle y allait six heures par semaine. A côté, j’avais l’orthophoniste, le psychomotricien, le kinésithérapeute… J’ai tout trouvé en libéral dans le quartier. Normalement, il y a des centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) pour enfants, où il y a tout pour leur rééducation. Ces centres ne prennent les enfants que jusqu’à 6 ans. Pour Laly, comme on avait eu un diagnostic tardif et qu’on arrivait sur ses 4 ans, il n’y avait pas de place. Il y en a plusieurs à Lyon, dont un rue de Marseille, donc je voulais aller dans celui-là. Mais on m’avait dit que de toute façon, s’il y avait eu une place, j’aurais dû aller à celui de la Duchère…

« En septembre, Laly n’avait plus d’école maternelle ni de place en institut médico-éducatif »

Laly est rentrée à l’école à 4 ans, directement en moyenne section puisqu’elle avait 4 ans. Ça se passait bien, elle aimait bien et était contente d’y aller. Dès le premier rendez-vous, la neurologue nous avait dit qu’il lui faudrait un institut médico-éducatif (IME) [structures qui accueillent les enfants et adolescents atteints de handicap mental, ndlr]. Ils peuvent prendre les enfants à partir de 3 ans, mais il n’y a pas de place à Lyon. Selon l’adresse du domicile, on ne peut pas aller partout.

J’habite à Gerland, alors quand j’ai téléphoné à l’IME de Francheville, ils m’ont dit que j’étais du mauvais côté du Rhône.

En septembre de l’année dernière, on n’avait plus rien. La MDPH avait décidé qu’en raison de son âge, Laly ne pouvait plus aller à l’école maternelle, mais elle avait l’autorisation d’aller au CP. Je m’y suis opposée. Ce n’était pas adapté pour elle.

C’était juste pour dire qu’on ne la laissait pas sans structure puisque maintenant on n’a pas le droit de déscolariser un enfant. Laly a donc fait 4 ans de maternelle et quelques mois où je l’ai gardée à la maison.

« On avait des copains dans l’Ain, ils sont partis en Bretagne et leur fille a eu une place en structure tout de suite »

J’appelais tout le temps les IME pour lui trouver une place mais ils avaient des listes d’attente d’une dizaine d’enfants et ils n’en faisaient rentrer que deux par an environ. Après, il y a eu le confinement et malheureusement des adultes et des ados sont décédés du covid-19, des familles ont déménagé à la campagne ou ont eu peur de remettre leur enfant à cause du virus… Ils ont fait rentrer huit enfants d’un coup, dont Laly en octobre 2020.

On a donc mis cinq ans à trouver une place à notre fille dans un IME de Lyon.

Dans l’IME de Lyon 8e, ils ne les gardent que jusqu’à 11 ans. Certains ont 13, 14 ou 15 ans et ils y sont toujours parce que c’est bouché dans les structures pour les plus âgés aussi. On nous dit de bien anticiper les départs parce que sinon ça bloque mais c’est pas à nous de le faire. Il faut ouvrir des centres !

Il y a des régions où il n’y a pas de problème, parce qu’il y a moins de monde, donc certaines familles déménagent parce qu’elle savent qu’elles auront une place tout de suite. On a des copains qui étaient dans l’Ain, ils sont partis en Bretagne et leur fille a eu une structure tout de suite.

« On nous a demandé pourquoi on voulait mettre Laly dans une structure puisque tout ce qu’on pouvait avoir en libéral serait mieux »

Laly revient de l’IME avec le sourire. C’est vraiment adapté pour elle. Il y a une musicothérapeute, de la médiation animale… Mais les équipes disent que c’est compliqué. Le salaire n’est pas intéressant, les postes ne sont qu’à temps partiel, à 20%, 40%… Il n’y a pas les budgets pour du temps plein.

Je ne pensais pas que ce serait si difficile pour ma fille handicapée à Lyon. Je pensais qu’en habitant dans une grande ville avec tous les hôpitaux, tous les spécialistes qu’on a, ça allait être facile, mais non. J’avais bien compris que Laly n’aurait pas le même cursus scolaire que les autres, mais je ne pensais pas que ce serait si long pour avoir des places. Quand on n’est pas dedans, on ne peut pas imaginer. Il y a beaucoup d’enfants handicapés et pas assez de structures. La politique actuelle, ce n’est pas d’ouvrir de nouveaux centres. Il n’y a pas d’argent pour ça.

En tant que parent, on nous pousse vers le libéral. On nous a déjà demandé pourquoi est-ce qu’on voulait mettre Laly dans une structure puisque tout ce qu’on pouvait avoir à côté, en libéral, ce serait mieux que dans la structure ?

On sait très bien que Laly ira en structure quand elle sera plus grande, elle dormira là-bas. On aura pas la force. Le jour où on tombe malade ou quand on sera trop âgés, qui c’est qui s’occupera d’elle ? Chez les adultes aussi, c’est compliqué d’avoir des places.

Laly a kiné deux fois par semaine, orthophoniste deux fois par semaine, psychomotricien une ou deux fois par semaine… Quand il fait beau, je l’emmène au poney pour faire de l’équithérapie, on l’emmène à la piscine, on se balade…

Une partie des soins financée grâce à une association de Mornant, près de Lyon

Tout ça a un coût. C’est grâce à l’association « Le sourire de Laly » qu’on peut financer l’équithérapie. Elle a été créée par des gens qu’on ne connaissait pas du tout. La mère d’un camarade de classe de notre fils aîné nous a mis en contact avec son beau-frère, Sébastien, qui faisait partie de l’organisation du Téléthon à Mornant, au sud de Lyon. En décembre 2017, nous y sommes allés et nous avons parlé du syndrome de Rett.

Un mois plus tard, Sébastien nous a appelés pour nous dire que tout Mornant avait été touché par le discours de mon mari, qu’ils voulaient des nouvelles de Laly et monter une association pour nous aider. Au début, on a refusé parce que tout le matériel de Laly est pris en charge par la Sécu, c’est rare qu’il y ait des dépassements.

Laly est suivie à l’hôpital de Necker, à Paris, qui est spécialisé dans le syndrome de Rett. Comme elle avait un bon tonus, sa neurologue nous a recommandé d’aller faire des stages intensifs en Espagne. Un Français y a monté un centre spécialisé dans le suivi du polyhandicap. Le cerveau est vachement stimulé. Quand Laly revient de ces stages, il n’y a pas de régression.

Si elle tient debout, c’est grâce à eux. On y va une fois par an. C’est 1000 euros la semaine, plus le logement à côté… On en a parlé aux gens de Mornant et l’association « Le sourire de Laly » est née. Un loto a très vite été mis en place, qui a levé 9000 euros. C’était dingue, tout ce monde-là.

Pour le moment, ça nous permet de financer les stages et le logement en Espagne, l’équithérapie…

« On espère une avancée avec la méthode de l’ARN messager utilisée dans les vaccins contre le covid-19 »

Et pourquoi pas la recherche, ultérieurement.

On espère une avancée avec la méthode de l’ARN messager utilisée dans les vaccins contre le covid-19. On sait quelle protéine manque, donc il suffit juste que l’ARN messager ordonne au corps de la produire. Il manque des sous pour que ça avance. En France, ils en sont encore à faire des tests sur les souris.

Au Canada, ils ont carrément un institut dédié au syndrome de Rett où ils font des tests sur des êtres humains. Les femmes atteintes du syndrome de Rett vivent en général jusqu’à 50 ans environ.

Ils ont fait des tests en leur injectant la protéine manquante pendant des mois et des mois, et elles étaient comme nous !


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