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« Le conventionnement de deux squats par la Métropole de Lyon n’est-il qu’une vitrine ? »

Après la publication d’un article sur Rue89Lyon annonçant la possible signature d’une convention entre la Métropole et deux squats de Lyon, le collectif « Intersquats exilé⋅es Lyon et environs » nous a contactés. Nous publions le texte issu de nos échanges, sous forme de tribune.

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L'entrée d'un des nouveaux squats de la métropole de Lyon, rue Élie Rochette, à Sans Souci, en novembre 2020. © Pierre Lemerle

« Dernièrement, de nombreux articles ont fait état de futures ouvertures de centres d’hébergement et de l’arrivée d’«une vraie politique de l’hospitalité» de la part de la nouvelle majorité, notamment concernant les squats. Dans l’article de Rue89Lyon, la Métropole projette de signer une convention avec les occupant⋅es de deux squats, pour en faire des «maisons de l’hospitalité».


Il y a plusieurs dizaines de squats dans l’agglomération permettant la mise à l’abri de plusieurs centaines de personnes, dont des familles avec enfants.

Après plusieurs années de batailles juridiques et médiatiques pour dénoncer le scandale des personnes à la rue, après la lutte menée par les squats de Lyon et de ses environs pour faire reconnaître le droit au logement pour toutes et tous, cette annonce peut sonner comme une première victoire vers le respect des droits des habitant⋅es (voir encadré).

« La proposition de conventionnement laisse sur le carreau des centaines de personnes »

La proposition de conventionnement pour deux squats est un premier pas, certes, mais elle laisse sur le carreau des centaines de personnes qui restent soumises au froid et aux mêmes difficultés qu’avant. Aujourd’hui la Métropole, le Vinatier ou Lyon Métropole Habitat continuent leurs procédures juridiques :

  • Des pratiques d’intimidation de la part des huissiers au squat le Maria (à la Guillotière), bâtiment appartenant au Grand Lyon Habitat (un bailleur social de la Métropole), continuent à ce jour.
  • Malgré les dispositifs d’hébergement proposés aux anciens habitants du collège Maurice Scève, l’opération policière d’ampleur, permise par la demande de la Métropole de Lyon du concours de la force publique, a poussé à fuir de nombreuses personnes qui sont aujourd’hui sans solution d’hébergement.
  • Le squat de Lafayette fait toujours l’objet d’une procédure en appel de la décision du tribunal lui accordant deux ans de délai. La question n’est pas que l’appel « nous effraie » comme le dit M. Renaud Payre, ce qui interroge c’est pourquoi un répit de deux ans (accordé par un juge) pose problème à la Métropole et à sa « vraie politique de l’hospitalité » ?

Le squat d’Oullins a fait l’objet d’une demande d’expulsion immédiate

Notre lettre du 20 octobre adressée à la Métropole, restée sans réponse, soulevait déjà ces problèmes. Depuis de nouvelles questions se posent.

À la maison Sans Souci, où une trentaine de personnes dont des familles avec enfants ont trouvé refuge depuis le mois d’octobre, les habitant⋅es et soutiens du lieu sont particulièrement inquièt⋅es d’apprendre dans l’article de Rue89Lyon que, « ici, pas question de conventionnement a priori. Les occupants vont devoir partir ».

Si aucune procédure d’expulsion n’a été lancée pour l’instant, ce dont nous pouvons nous réjouir, le fait que toute perspective de conventionnement soit écartée plonge de nouveau les habitant⋅es dans une grande incertitude quant à leur avenir.

Leur volonté, pourtant déjà bien mise en œuvre, est de faire leur maximum pour entretenir d’excellentes relations de voisinage et de tisser du lien avec les habitant⋅es du quartier à travers divers projets (composte, jardinage, atelier, etc). Ces liens sont précieux pour leur insertion et s’inscrivent pleinement dans une démarche d’hospitalité, ne pas envisager que ceux-ci se pérennisent nous interpelle.

Plus récemment et en plein mois de décembre, le squat d’Oullins a fait l’objet d’une demande d’expulsion immédiate de la part de la Métropole de Lyon qui en est propriétaire, demandant la suppression de la trêve hivernale et de tout délai pourtant prévu par la loi. Si M. Renaud Payre explique que demander l’expulsion est une obligation légale, il dit aussi :

« Je comprends que cela effraie. Mais, comme nous sommes propriétaires, nous n’avons pas le choix. »

Exiger que l’expulsion soit immédiate sans même le respect de la trêve hivernale n’est en rien une obligation. De plus, le fait que les nouveaux efforts de la Métropole concernant le logement soient utilisés comme argument face au juge pour demander que l’expulsion soit immédiate à de quoi effrayer.

Nous ne pouvons accepter la distinction entre les « bons » squats, conventionnés, et les « mauvais » squats qui font l’objet de demandes d’expulsion ou d’intimidations. Le conventionnement de certains squats ne délégitime pas l’existence des autres squats et ne saura justifier leur expulsion ou les menaces qui pèsent sur eux, car ils restent malgré tout un dernier rempart avant la rue.

À juste titre, les chiffres du 115 sont rappelés dans l’article de Rue89Lyon :

« Au 18 novembre, 1458 personnes n’ont pas trouvé de solution d’hébergement en appelant le 115 ».

Tant que les logiques d’accueil seront conditionnées aux catégories de l’État, laissant de côté de nombreuses personnes lorsqu’elles sont déboutées de l’asile, lorsqu’elles deviennent majeures ou lorsqu’elles ne répondent pas aux critères et tant que les dispositifs d’accueils seront saturés, nous ne pourrons nous passer des squats.

La politique de petits pas veut-elle dire donner des gages ?

Il convient enfin de clarifier que l’Intersquats n’est pas à l’origine des occupations mais que celle-ci fédère des soutiens de divers collectifs et des habitant⋅es dans leur quotidien et dans leurs revendications. À ce titre, plusieurs questionnements émergent :

  • La politique de petits pas veut-elle dire donner des gages à certains tout en appliquant l’ancienne politique répressive en même temps ?
  • Le conventionnement de deux squats ne tient pas lieu de réponse à celles et ceux qui restent en dehors ; ces bonnes résolutions, malheureusement partielles, ne sont-elles qu’un effet de vitrine ou traduisent-elles une nouvelle politique réellement audacieuse qui aurait donc vocation à se généraliser?
  • Enfin, qu’est-ce qu’une maison de l’hospitalité ? Si c’est une transformation des squats, la Métropole tiendra-t-elle compte de l’expertise des habitant⋅es dans ce domaine, de leurs avis et de leurs besoins ? Un squat conventionné n’en reste-t-il pas moins une occupation temporaire et imparfaite ou peut-il être qu’une étape vers un logement réellement pérenne ? Quant au choix du séduisant terme de « maison de l’hospitalité » ne risquerait-il pas à la longue de cacher toute la précarité restante ainsi que la politique d’accueil indigne des demandeurs d’asile en France ?

Nos demandes concernant les squats

Nous demandons donc à la Métropole, à la Mairie de Lyon, ainsi qu’à Grand Lyon Habitat et au Vinatier de :

  • Ne pas aller au-devant de procédures juridiques qui mettent en situation de risque les habitant⋅es des lieux, notamment en adoptant une posture de dialogue avec les squats de Oullins, de Caluire et de Sans souci ;
  • Ne pas recourir à la force et ne pas imposer la présence de la police, de compagnies de sécurité ou d’huissiers dans les lieux de vie ;
  • De clarifier leur posture vis-à-vis des squats dont les discussions sur un possible conventionnement n’ont pas encore eut lieu, notamment en s’engageant à ne pas demander leur expulsion.

Enfin, après plusieurs rencontres encourageantes avec les élu⋅es de la Métropole au début de l’été, nous déplorons n’avoir pu obtenir depuis mi-juillet de nouveau rendez-vous pour travailler sur cette nouvelle politique de l’hospitalité. Nous réitérons donc notre demande à ce sujet.

L'entrée d'un des nouveaux squats de la métropole de Lyon. Propriété de la Ville de Lyon, il se situe rue Élie Rochette, à Sans Souci, en novembre 2020. © Pierre Lemerle
L’entrée d’un des nouveaux squats de la métropole de Lyon. Propriété de la Ville de Lyon, le bâtiment se situe rue Élie Rochette, à Sans Souci, en novembre 2020. © Pierre Lemerle

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