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Démocratie locale et presse indépendante : le modèle économique du média Rue89Lyon

Remettre régulièrement à plat un modèle et, par cette occasion, ré-expliquer le contexte de création de votre site d’information locale (lancé par des journalistes lyonnais en 2011) nous semblent nécessaires. Voici donc quelques nouvelles (fraîches) de Rue89Lyon et de ses perspectives, soit un prétexte pour parler des enjeux de la presse locale aujourd’hui.

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Notre site est édité par une petite SARL -Six Neuf Médias, laquelle n’a pas été rachetée par le NouvelObs puis par Le Monde, contrairement au site national Rue89. Elle est détenue par deux de ses journalistes cofondateurs.

On nous a un jour dit que nous étions depuis 2011 en plein dans le modèle “start-up”, ce qui, au-delà du fait que cela nous fasse sourire, recouvre la réalité d’un modèle économique toujours mouvant (le mot start-up étant d’ailleurs totalement obsolète, faisant référence à de la création d’entreprise faite en sous-sol par des personnes portant baskets aux pieds et nuits blanches sur la figure). Disons plutôt que cela désigne un format qui concilie boîte à idées, microstructure contrainte de s’adapter en permanence et société à petit capital et au potentiel… variable.

Le constat est que cela marche pas mal puisque le site existe depuis huit ans et qu’il trouve son équilibre.

Invités au Festival de l’info locale, une nouvelle initiative professionnelle que l’on salue (il se tient cette semaine à Nantes), nous intervenons autour de cette idée ainsi présentée : « Comment se diversifier tout en conservant ses valeurs« . Voilà une formule qui peut paraître présomptueuse ; Rue89Lyon ne compte pas faire la leçon ni décréter que tel choix serait le bon ou bien encore serait le plus éthique, alors que tel autre beaucoup moins.

Nous ne sommes les gardiens d’aucune “valeur” à proprement parler si ce n’est celle de la cohérence -en considérant que c’en est une. Nous avons un contrat avec le lecteur et le citoyen qui est de lui fournir une info locale produite de manière totalement indépendante ; qui est aussi d’animer l’espace public avec du débat. Et pourquoi pas avec de très bonnes choses à boire mais on vous en parle un plus tard, ci-après.

Du vin naturel et des élections municipales

Il est dans l’ADN de Rue89Lyon d’avoir plusieurs cordes à son arc pour exister, pour se rendre visible dans la ville et produire de l’info -aux côtés de nombreux autres titres de presse locaux, pour certains indépendants et avec lesquels nous entretenons de très bons rapports.

Lors de la création du site, lequel a présenté jusqu’à il y a peu un modèle d’accès uniquement gratuit, nous avons envisagé un modèle publicitaire adossé à une activité de formation (autour de la révolution numérique, des nouveaux usages, dispensées dans les universités, les écoles et les filières de journalisme, des organismes privés…). C’est ce qu’avait réalisé Rue89 à son lancement, en 2007.

Puis nous avons assez vite eu l’opportunité d’organiser des événements : ils devaient être nécessairement liés à la production éditoriale du site. Il y a eu une journée de réflexion festive autour de la consommation de la viande, un festival de la bière artisanale, la collaboration à des événements relatifs au numérique, au débat d’idées, etc.

Et un salon des vins naturels que nous organisons depuis six ans à Lyon, avec l’éditeur de livres et d’événements Nouriturfu (qui produit également « Sous les pavés la vigne » à Paris, et à Bordeaux avec nos cousins de Rue89 Bordeaux). Il nous permet non seulement de parler d’agro-écologie, d’économie alternative, d’artisans et de vignerons passionnants, mais aussi de créer un événement unique à Lyon, et de générer des moyens financiers.

Le prochain aura lieu les 16 et 17 novembre au Palais de la Bourse (Lyon 2è). Prenez date. Une très bonne édition en perspective, pour continuer à parler de cet univers étonnant, fer de lance d’une révolution agricole…

L’opportunité des événements représente une source d’idées dans laquelle nous n’avons cessé de puiser tout en cherchant à conserver un équilibre, entre un intérêt éditorial fort et une réussite économique.

Nous souhaitons continuer à vous rencontrer dans les mois qui arrivent, autour de thèmes d’actualité aussi importants pour le débat démocratique que les prochaines élections localesÀ suivre.

Du datajournalisme et de l’éducation aux médias

En 2015, nous avions obtenu le soutien d’un fonds pour l’innovation dans la presse lancé par Google qui nous avait permis d’embaucher un journaliste et de lancer une activité de datajournalisme -compétences qui sont donc commercialisées. Nous avons depuis travaillé avec des structures culturelles, ou encore avec l’INTEFP (Institut National du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle), par exemple.

Notre volet formation quant à lui s’est peu à peu transformé en une activité d’“éducation aux médias”. Après avoir été sursollicités en 2015, suite aux attentats, par différents interlocuteurs (les enseignants notamment) pour faire des interventions, nous avons décidé de structurer nos ateliers en allant chercher les subventions et soutiens dédiés, afin de poursuivre ce travail et en faire un axe de développement.

Nous avons travaillé avec les centres sociaux, les MJC, des établissements scolaires, ou encore dans un établissement pénitentiaire pour mineurs.

Nous lions ainsi une dimension économique et une mission qui nous paraît fondamentale dans la presse aujourd’hui, c’est à dire parler de la fabrique de l’info, expliquer nos métiers, le remettre au cœur du débat citoyen et démocratique.

Partageons un camembert et soutenez votre média

Depuis moins d’un an, nous avons lancé une opération de membership, c’est à dire que l’on propose au lecteur de soutenir son média local.

L’accès à l’info peut être gratuit ou non, selon les modèles économiques choisis, mais la production de cette info a évidemment un coût. Certains articles présentent donc désormais un accès payant ; les lecteurs sont invités à adhérer à Rue89Lyon pour, d’une part, lire l’ensemble des contenus et, d’autre part, soutenir le projet de presse afin qu’il reste indépendant.

Le modèle de Rue89Lyon n’a ainsi jamais uniquement reposé sur la publicité. Laquelle n’a jamais, par ailleurs, été un barrage à notre indépendance.

Notre prochain exercice s’achèvera en août et on peut déjà s’attendre à ce que, aujourd’hui, la publicité représente 30% dans le chiffre d’affaire global. Ci-après, le camembert qui vous montre tout.

La presse indépendante ou la garantie d’une démocratie locale maintenue

Nous travaillons à trouver un équilibre entre l’ensemble de ces aspects et de axes, il s’agit d’une mise en musique délicate qui demande depuis huit ans de rester en veille en permanence.

Il serait difficile de l’ériger en modèle car ce fonctionnement tient beaucoup aux personnalités qui portent le projet depuis le début ou qui l’ont rejoint en route. La discipline économique dans laquelle nous évoluons, par convictions, est si instable qu’il est compliqué de se visser dans des certitudes. Les axes sont repris, certains projets abandonnés au profit d’autres et jamais à regret : à chaque fois nous avons trouvé de nouvelles idées, de nouveaux partenaires qui nous ont permis d’avancer.

La presse locale connaît bien des difficultés : plus d’un poste de journaliste sur dix a été supprimé entre 2009 et aujourd’hui, au sein des journaux de presse quotidienne régionale et départementale, a calculé Médiacités dans un article paru ce jeudi.

Une intéressante étude américaine avait par ailleurs démontré que la santé économique des journaux locaux influe sur l’offre politique lors des élections municipales. Les deux scientifiques à l’œuvre ont ainsi expliqué la thèse de leur publication :

« […] La perte d’expertise professionnelle sur l’actualité locale a des conséquences néfastes sur la démocratie locale. Les données montrent un lien entre les niveaux de dotation et la participation électorale : plus les dons sont faibles, moins il y a de participation.

Nous pouvons également conclure que les villes couvertes par des journaux connaissant une baisse relativement marquée de l’effectif journalistique ont, en moyenne, considérablement réduit la concurrence politique dans les circonscriptions électorales. »

Notre principal objectif est, comme dit au début, de maintenir avec cohérence le contrat tacite entre nous et le lecteur, le citoyen, mais nous ne connaissons pas toujours à l’avance les chemins que nous empruntons, parfois nous les inventons.

Cette année, la petite entreprise devrait afficher des comptes à l’équilibre et nous espérons pouvoir nous développer d’ici deux ans, rendre le travail plus confortable pour tous ceux qui participent au projet et agrandir aussi l’équipe, avec plus de journalistes, plus de formateurs, plus d’experts du web.

 


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