
Baisse de la subvention au CCAS, suppression de programmes sociaux … L’action sociale est-elle devenue une variable d’ajustement budgétaire de la majorité grenobloise ? C’est la question posée avec insistance depuis quelques mois par l’opposant socialiste Olivier Noblecourt.
« Je vous demande de faire gaffe au social »
Au terme d’une vigoureuse intervention au conseil municipal de septembre dernier, l’ancien adjoint aux affaires sociales Olivier Noblecourt apostrophait Eric Piolle pour déplorer plusieurs des choix politiques de sa majorité :
« Vous êtes dans une logique qui ne sait que couper les services et augmenter les tarifs, c’est-à-dire une politique antisociale. […] Alors, je vous demande de faire gaffe au social ».

Olivier Noblecourt, élu d’opposition socialiste et ancien adjoint aux affaires sociales de Grenoble, lors du conseil municipal de septembre 2016.
Crédit : Ville de Grenoble.
Depuis, il multiplie les attaques, ici, sur les réseaux sociaux pour critiquer un « choix antisocial » ou, là, dans des tracts pour « dénoncer la politique antisociale ». Un seul mot à la bouche, une formule bien sentie, efficace comme un gimmick publicitaire, qui interroge et pointe à la fois du doigt -sans compter que cela fait inévitablement atterrir dans tous les esprits le refrain de Trust (vous aussi, avouez).
Dans sa croisade contre la politique sociale d’Eric Piolle, Olivier Noblecourt charge notamment la diminution de la subvention au centre communal d’action sociale (CCAS) et la suppression pure et simple de plusieurs programmes sociaux qu’il avait instauré quand il était aux manettes, tels que le dispositif « Parler Bambin » ou l’allocation municipale d’habitation.
Une baisse historique de la subvention au CCAS
En 2017, la subvention de la ville de Grenoble à son CCAS devrait s’alléger de 5% par rapport à 2016, soit une économie de 1,2 million d’euros pour une enveloppe totale de plus de 24 millions d’euros allouée à l’établissement public.
Ce n’est pas un acte isolé, l’association de gestion des centres de santé doit aussi composer avec une diminution de sa subvention de 40 000 euros par an jusqu’en 2018.
Un élagage budgétaire qui révèle « une désertion du social » par Eric Piolle, selon Olivier Noblecourt :
« En 2016, il nous expliquait que le gel de la subvention du CCAS à hauteur de 25,5 millions d’euros dans un contexte de restriction était la marque de son engagement social. Diminuer l’enveloppe, c’est donc aussi un choix politique ».
Dans la majorité, l’écologiste Maryvonne Boileau, réplique aux attaques de l’élu socialiste, par ailleurs directeur de cabinet de la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem :
« C’est facile de dénoncer la situation grenobloise quand on participe de l’intérieur à la casse sociale menée par le gouvernement. Les collectivités locales sont sous pression des baisses des dotations de l’Etat. Pour Grenoble, c’est une nouvelle perte de 17 millions d’euros en 2017 qu’il nous faudra encaisser ».
Une telle coupe budgétaire dans la contribution financière de la ville à l’action sociale serait historique. Sous la mandature précédente, elle avait augmenté de près de 25% en six années, à la grande fierté d’Olivier Noblecourt.
« Les socialistes veulent une politique infantilisante pour les familles »
Cette dynamique budgétaire avait permis à Grenoble de se doter « du deuxième CCAS de France, derrière Paris, en terme de moyens ».
« Nous avions fait le choix d’ouvrir les actions du CCAS à de nouveaux publics, comme les familles monoparentales où les jeunes précaires, alors que la nouvelle majorité fait peser les efforts d’économie sur les plus fragiles ».
Maryvonne Boileau admet un changement de logique politique :
« Les socialistes veulent une politique réparatrice, parfois intrusive ou infantilisante pour les familles, alors que nous sommes pour une politique de répartition directe des richesses grâce à la tarification sociale et solidaire que nous avons instaurée dans les transports en commun, pour les établissements culturels municipaux ou le stationnement automobile ».
Selon la grille de lecture des écolos grenoblois, le CCAS était devenu « le marche-pied politique des ambitions nationales » d’Olivier Noblecourt.

Mondane Jactat, adjointe au maire de Grenoble déléguée à la santé et à la politique de prévention. Crédit : VG/Rue89Lyon.
Des tarifications solidaires à la lutte contre la pollution de l’air « qui affecte plus fortement les foyers fragiles », en passant par l’inscription de clauses sociales supplémentaires dans les marchés publics, Mondane Jactat, l’adjointe à la santé d’Eric Piolle défend une action sociale désormais plus « transversale » :
« Là où la municipalité socialiste avait un seul « Monsieur Social », nous en avons 42 pour porter une action collective. C’est plus facile de communiquer sur quelques mesures ostentatoires que sur un changement global qui place l’enjeu social et environnemental au cœur de l’ensemble des décisions. Mais nous avons fait le choix du durable ».
L’allocation municipale d’habitation défendue puis supprimée
Pourtant, c’est bien par mesure d’économie que le dispositif de l’allocation municipale d’habitation (AMH) a été supprimé. L’annonce figure au listing du plan de rigueur présenté par la mairie en juin dernier pour « éviter la mise sous tutelle de la préfecture ».
Ce programme créé en 2009 accordait de 50 à 100 euros par mois aux foyers dont le « reste à vivre », une fois le loyer et les charges versés, ne dépassait pas 500 euros. 311 familles en bénéficiaient en 2012, elles n’étaient déjà plus que 231 en 2015 pour un montant total évalué à 184 000 euros par an.
En campagne électorale, Eric Piolle voulait pourtant agrandir l’assiette et l’enveloppe de l’AMH « dans le but d’élargir son champ d’action ».
Mais Alain Denoyelle, adjoint à l’action sociale, trouve aujourd’hui un autre argument à la suppression de ce dispositif :
« La caisse d’allocations familiales identifiait les familles bénéficiaires et leur versait directement le montant sans que les services municipaux n’aient de visibilité sur la situation de ces foyers pour leur proposer un accompagnement ».
Le programme « Parler Bambin » : un « copyright socialiste » à abattre

Un atelier « Parler bambin » dans la crèche 3 Pom du quartier Malherbe à Grenoble, en 2014. Crédit : Ville de Grenoble.
C’est le même destin qui a été réservé au programme « Parler Bambin », une méthode scientifique venue du Canada consistant à faire la conversation à des enfants défavorisés de moins de trois ans pour limiter l’échec scolaire.
D’abord expérimenté dans deux crèches grenobloises de quartiers sensibles en 2008 puis généralisé, le projet était devenu l’étendard de la politique sociale de la ville au nom de la lutte contre les inégalités.
Puis, encouragé par le thinkthank socialiste TerraNova quand Olivier Noblecourt présidait son groupe de travail sur la petite enfance et financé par la fondation élyséenne « La France s’engage », le dispositif a essaimé dans plusieurs villes de France.
Mais à Grenoble, le projet n’a pas été reconduit à l’arrivée d’Eric Piolle et de son équipe.
« Faute de financements, mais le personnel reste formé », justifie Alain Denoyelle.
Mais d’autres figures de la majorité évoquent « un copyright socialiste » trop marqué politiquement pour être prolongé.
Le glissement vers « une charité de confort »
Autant d’abandons qui font dire à l’opposition socialiste que « Grenoble n’est plus à la hauteur de la tradition d’expérimentation sociale » qui fît naître dans la ville le premier planning familial de France en 1961, les premiers centres de santé dans les années 1970 ou, plus récemment, des programmes d’accompagnement des familles de malades d’Alzheimer.

Alain Denoyelle (au centre), adjoint à l’action sociale, lors du « Grand Repas » organisé par le CCAS de Grenoble, les Restos du cœur, la Banque alimentaire et le Secours populaire, le 19 novembre 2016. Crédit : VG/Rue89Lyon.
Alain Denoyelle se veut rassurant :
« Fidèles à cet héritage, nous portons à notre tour des projets innovants, comme l’organisation le 17 février 2017 du « Forum du non-recours aux droits » lors duquel nous annoncerons des mesures expérimentales ou encore l’amélioration de l’accompagnement des enfants porteurs de handicap dans les crèches municipales ».
En effet, la caisse d’allocation familiale de l’Isère a dégagé une enveloppe de 35 000 euros par an pour ce projet. 23 contrats-aidés formés ont été recrutés pour proposer un accueil individualisé à ces enfants dont l’admission est prioritaire. Les jeux, les repas et les gestes du quotidien étant adaptés à leur handicap.
Pas convaincu, le socialiste Olivier Noblecourt désespère du « manque d’ambition » de cette équipe :
« Ils tombent soit dans des choix budgétaires de gestionnaires, soit dans une charité de confort, comme avec le « Grand Repas » de bienfaisance du mois de décembre, mais ils perdent l’essence de l’action sociale qui est de proposer des outils aux plus fragiles pour améliorer leur condition et réduire les inégalités ».
Partisan d’une fusion des socialistes avec la liste d’Eric Piolle entre les deux tours de l’élection municipale en 2014, Olivier Noblecourt n’a désormais « aucun regret » face à ce qu’il appelle des « trahisons des valeurs de la gauche ».
Le charismatique élu d’opposition sera bientôt libéré de ses services auprès du gouvernement et prépare un retour à plein-temps à Grenoble. Il pourrait tenter de prendre le leadership du groupe socialiste à Jérôme Safar, héritier socialiste battu en 2014 vivant désormais à Villeurbanne, où il a pris au printemps la direction du cabinet du maire, Jean-Paul Bret.
Cette opération est d'ailleurs à mettre en perspective avec le "dîner gastronomique" organisé par cette même municipalité :
http://www.ba38.banquealimentaire.org/revues-de-presse/diner-gastronomique-pour-celebrer-la-solidarite-001296
http://france3-regions.francetvinfo.fr/alpes/repas-200eu-alimenter-caisses-restos-du-coeur-plusieurs-autres-associations-caritatives-861875.html
Est-ce du "mécénat d'entreprise" ou de la charité organisée ? Ce type d'évènement démontre-t-il que ce n'est pas l'impôt (la solidarité) qui sert à une meilleure répartition des richesses, mais que c'est le bon vouloir de certains "riches" qui permettrait éventuellement d'obtenir l'obole (la charité) ?
Les pauvres ont-ils droit au repas de la cuisine centrale de la ville de Grenoble pendant que les nantis se tapent un repas 3 étoiles ?
Drôle de "politique sociale"...
Oui. Un repas a été servi pour 1000 personnes en difficultés. C'est même écrit dans le premier article dont vous donnez le lien.
La "politique sociale" de la ville de Grenoble ça a été aussi de ne pas augmenter les impôts locaux, contrairement à ce qu'a fait la très grande majorité des villes, en difficulté "grâce" au traitement social du gouvernement dit "de gauche" qui a baissé toutes les subventions aux collectivités territoriales.
Il a aussi participé à l'endettement de la ville avant l'arrivée d'E. Piolle, puisqu’il faisait partie de la municipalité Destot.
Le CCAS fait ce qu'il peut pour pallier aussi les manques flagrants du nouveau Conseil départemental, dont le service social est devenu une enveloppe vide (cf l'encart sur le terrain du Rondeau)
Si monsieur Noblecourt sait comment multiplier les billets, qu'il le fasse savoir. Il n'a pas à se vanter de son action au gouvernement et à trop l'ouvrir quand il reviendra à temps complet à Grenoble. Le gouvernement socialiste a été un bel échec, n'ayant plus rien de gauche.
Nous expliquer vos liens avec la municipalité Piolle ?
Sinon, quand on fête les tuiles, on et qu'on soutien "la France insoumise", on pourrait pas faire:
Grenoble la ville insoumise !!!
Allez en 2017 on arrête avec la politique partisane et on gagne en courage ?
Réponse : aucun lien
J'ai déjà écrit que, m'occupant de sans papiers, je suis reconnaissante de l'aide que nous apporte la municipalité d'E. Piolle. Je ne soutiendrai jamais ceux du PS qui ont voté le nouveau CESEDA, pure machine à expulser ou qui le soutiennent.
"Allez en 2017 on arrête avec la politique partisane et on gagne en courage ?"
Enfin, une vraie politique de gauche dans un gouvernement pour l'instant complètement pourri, auquel appartient Noblecourt du cabinet de Najat Belkacem ?
3 étrangers ont été embarqués et ont reçu une OQTF. L'avocat de l'un a gagné lundi au TA, son OQTF a été levée, mais ... la préfecture n'aime pas perdre et peut encore faire appel.
Qu'ont fait les élus PS à la mairie, dont Noblecourt ? RIEN
Qu'ont fait les élus PS au Parlement ? RIEN
Qu'on fait les élus EELV de la mairie de Grenoble ? une lettre collective signée par plus d'une dizaine d'entre eux pour demander au préfet la levée des OQTF et dénoncer les conditions d'arrestation.
Voilà la différence.
Laissez nous rire, lui qui a dîné régulièrement avec le maire de Grenoble et rencontre certains des ses adjoints dont Mme Boileau, et était en 2014 en faveur d'une fusion?
Lui qu'on voit lors d'un conseil municipal sur 5 parce qu'il est le dir cab adjoint de Najat Vallaud Belkacem (manquerait plus qu'il ait un mot d'excuse pour justifier ses absences)?
Ils en pensent quoi Jerome Saf, Marie-jose Salat, Anouche Agbobian, George Burba et Jeanne Jordanov de ce coup du coucou de M. Noblecourt, qui s'intronise comme le "chef de file" des opposants à Piolle après une absence remarquée de 4 ans?
En revanche le procédé utilisé par le journaliste - Victor Guibert, également vice-président du club de la presse - est particulièrement délétère et parfaitement typique de la manière de fonctionner de la municipalité dont il se fait le passeur de plats.
On prend une personne qu'on sait très facilement critiquable, qui travaille pour le gouvernement actuel, et qui mettra du temps à se défendre du fait de son éloignement. On utilise les politiques du gouvernement comme point d'appui pour simultanément (a) mettre en avant des politiques locales qui n'en sont pas, (b) s'exonérer de toutes ses responsabilités alors que le bilan à mi-mandat de la municipalité est catastrophique pour (c) détourner l'attention des gens de ce qui importe.
Ca permet également de désigner un adversaire politique qui n'en est pas un, puisqu'il a en fait les même intérêts que la municipalité, à savoir le contrôle des dégâts sur sa carrière et monopoliser le débat, s'y placer seul au centre. Autant dire que ça ne fonctionnera pas et l'option du job dans une maison d'édition de livres scolaires et l'abandon de la politique réjouira bcp de monde.
Madame Boileau, vous venez donc de reconnaître que vous et la municipalité dont vous faîtes partie avez menti pendant 3 ans à propos de la baisse de la DGF: vous nous avez répété pendant 3 ans que c'est 40 millions, puis trente, puis 25. Vous avouez qu'il ne s'agit que de 17 millions, soit deux sièges de la CRCA. Les grenoblois apprécieront.
http://www.ades-grenoble.org/wordpress/2016/06/03/dotations-de-letat-aux-communes-une-moindre-baisse-en-2017/
En ce qui me concerne :
- Olivier Noblecourt a été contacté en amont, interviewé à la préparation et informé dès la publication de l'article. Pas de coup bas en prenant "une personne qu’on sait très facilement critiquable, qui travaille pour le gouvernement actuel, et qui mettra du temps à se défendre du fait de son éloignement".
- Il n'est jamais fait mention dans l’article d'Olivier Noblecourt comme "chef de file", comme vous semblez le citer.
VG