une conférence de presse ce jour, pour évoquer la pollution aux particules fines et sa principale cause, le chauffage au bois non-performant. Un petit exercice de fact-checking, en somme.
Par Laurent Burlet et Guillaume Bernard
Dans le cadre du plan de protection de l’atmosphère (PPA) de l’Ile-de-France, les feux de cheminée en « foyers ouverts » devaient être interdits au 1er janvier 2015, en vertu d’un arrêté préfectoral de mars 2013.
Mais ce mardi matin, sur France 2, Ségolène Royal a dénoncé une mesure « excessive » qui « ne va pas dans le bon sens » et a annoncé vouloir revenir sur cet arrêté préfectoral digne de « l’écologie punitive » (sic). Elle suggère même qu’elle aurait été trompée, si l’on en croit les propos repris dans une dépêche AFP (ils ne sont pas dans la vidéo ci-dessous) :
« J’ai été moi-même très surprise, surtout des chiffres qui ont été utilisés. On nous a fait croire que les feux de cheminée polluaient plus que les voitures diesel ».
Ségolène Royal, lisez-vous les études sur l’origine de la pollution aux particules fines ?
Le constat que dresse Ségolène Royal est des plus étonnants puisque les études de la DRIEE, en Ile-de-France, montrent bien que la pollution aux particules fines est due en grande partie aux chauffages individuels au bois non-performants. Ce qui veut dire :
- Les feux de cheminée en « foyers ouverts »
- Les poêles et cheminées (datant d’avant 1996)
- La combustion du bois dans de mauvaises conditions : bois traité ou humide plutôt que non-traité et sec.
Il en est de même en Rhône-Alpes, où la pollution des cheminées devance la pollution au diesel. L’observatoire Air Rhône-Alpes rappelle que les particules fines sont à l’origine de plus de 80% des épisodes de pollution en 2013. Et que la majorité d’entre-elles proviennent précisément de ces chauffages au bois non-performants.
La ministre de l’écologie semble négliger ces études et axe davantage son discours sur l’idée convenue (mais fausse) selon laquelle un produit naturel est forcément bon, comme le rappelle Marie-Blanche Personnaz, directrice d’Air Rhône-Alpes :
« Parce qu’il est « naturel », on pense que le bois ne peut pas polluer. Or en matière de pollution atmosphérique, ce qui est naturel ne veut pas dire bon. Les particules venues du sable du Sahara retrouvées dans l’air lyonnais en octobre dernier sont nocives, quoique que naturelles. Idem, l’irruption du volcan islandais en 2010 a impacté la qualité de l’air dans les régions du Nord de la France ».
Une déclaration contre productive ?
En jugeant cet arrêté préfectoral « ridicule » Ségolène Royal ne s’exprime pas seulement sur un problème proprement parisien : elle jette le discrédit sur tous les organismes qui non seulement surveillent la qualité de l’air mais travaillent aussi à proposer des idées pour réduire les émissions de particules fines (et qui sont d’ailleurs bien souvent agréés par le Ministère de l’écologie).
Car, même si les polluants sont globalement en diminution, ils restent à des niveaux qui ne permettent pas de respecter les normes, particulièrement pour les particules fines. La France qui a pulvérisé les seuils journaliers dans plusieurs régions, notamment en Rhône-Alpes, se retrouve assignée par l’Union européenne devant la Cour européenne de justice. De gros efforts sont donc à faire.
Et parce que la pollution ne connaît pas de frontière, le projet AERA a été mis en place, notamment à l’initiative d’Air Rhône-Alpes, en Italie et en France (régions de Ligurie, le Piémont, la Vallée d’Aoste et les régions PACA et Rhône-Alpes) pour élaborer deux scénarios anticipant l’évolution des émissions de particules fines :
- Scénario tendanciel qui présente une situation future des émissions si aucune mesure particulière n’est prise.
- Scénario volontariste qui évalue les émissions de particules fines si, en 2020, de nombreuses mesures sont prises concernant les appareils de combustion, à savoir le remplacement de 100% des cheminées ouvertes et des appareils anciens par des cheminées ou poêles performants.
Encourager le secteur du bois comme dans la vallée de l’Arve
Pour Air Rhône-Alpes, l’amélioration de la qualité de l’air doit passer par du coercitif (interdire les foyers ouverts) mais, surtout, par la promotion, via des subventions publiques, du renouvellement de ces cheminées non-performantes.
Une expérimentation unique en France a été menée dans la vallée de l’Arve (Haute-Savoie) avec le fonds Air Bois pour aider les habitants à renouveler leur chaudière à bois.
Selon le Monde, c’est sur le modèle de cette expérience que Ségolène Royal a annoncé, à l’issue de la conférence environnementale des 27 et 28 novembre, que le gouvernement mettrait en place en 2015 des aides à la conversion des vieux appareils de chauffage au bois dans les zones polluées.
Malheureusement, le coup d’éclat de ce mardi matin réduit la portée des annonces de la ministre. Annonces qui, pour le moment, ne sont toujours pas assorties d’une enveloppe financière.
En France, on estime, en 2005, à 42 000 le nombre de décès anticipés par an du fait d’une exposition régulière à la pollution aux particules fines (PM2,5).
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