Consultés entre le 16 mai et le 5 juin, les conseils d’école de la ville de Lyon ont rendu leur avis sur l’emploi du temps proposé par le maire PS Gérard Collomb. Soit l’école le mercredi matin et le vendredi après-midi dédié à toutes les activités péri-éducatives préconisées par la réforme des rythmes scolaires. La mairie a rapidement communiqué le résultat. Très serré (81 pour et 78 contre).
Mais depuis, il bruissait de plus en plus fort que l’addition n’était certainement pas la bonne.
« Scandaleux »
Le Progrès a fait son propre compte et affirme ce jeudi matin que la mairie s’est sans doute laisser aller à un « bidouillage ». Dans ses comptes, le quotidien arrive à un statut quo avec 79 conseils d’école pour et 79 contre (notamment en dissociant les votes d’une école maternelle et une école élémentaire qui n’avait présenté qu’un seul vote).
Lors du conseil municipal de ce lundi 16 juin, des élus avaient réclamé le détail des votes, qu’on leur a refusé. Ce jeudi matin, l’un d’eux confirme :
« Il nous faudra bien ce détail, les chiffres du Progrès ne sont pas nécessairement justes, c’est incroyable ce déni de démocratie. »
Françoise Chevallier, conseillère municipale EELV et l’entourage de Michel Havard, conseiller municipal UMP, ont employé le même terme ce jeudi : « scandaleux ». Pour eux, Gérard Collomb et son équipe entretiennent une opacité inadmissible.
Toutefois, la mairie a déjà fait valider sa « semaine lyonnaise » par le rectorat. Elle a également lancé le recrutement des animateurs pour les activités du vendredi après-midi (entre 1500 et 1600 postes).
Les bons chiffres et le point d’étape
Du côté du rectorat, on confirme les chiffres donnés par la Ville de Lyon :
« L’inspection académique a bien eu les chiffres qu’elle a validés. Nous confirmons ce résultat : 81 conseils d’école pour, 78 contre. »
Certainement pas de rétropédalage en vue, l’expérimentation lyonnaise est amendée.
Le choix de cet emploi du temps particulier (activités ramassées sur le vendredi après-midi), autorisé par le gouvernement dans le cadre d’une dérogation qui devait surtout servir aux communes très rurales, en difficulté pour faire venir chaque jour des animateurs, avait suscité une levée de boucliers. De la part d’élus, d’une partie des personnels éducatifs, d’associations, et des parents d’élèves représentés par la FCPE : jugée trop chère, pas dans l’esprit de la réforme qui voudrait que les activités péri-éducatives soient des respirations quotidiennes, etc.
Françoise Chevallier estime que la question qui se pose désormais est celle de la rentrée 2015 :
« Nous sommes à 15 jours des vacances scolaires, les familles se sont organisées pour la prochaine rentrée avec les annonces déjà faites. la réforme va avoir lieu dans les conditions que la mairie a voulues. Nous demandons maintenant à ce qu’un point d’étape soit fait en janvier 2015, qu’une nouvelle consultation ait lieu, pour proposer autre chose pour la rentrée 2015. »
Incompréhensible que l'adjointe en charge de ce dossier annonce aux élus de la ville lors du conseil municipal que s'ils souhaitaient avoir un résultat détaillé par école, il fallait qu'ils aillent le chercher eux même auprès de chaque école !
On assiste à un déni de démocratie sur le dos des intérêts des enfants ! c'est grave !
Rappelons, tout d'abord le bien fondé de cette réforme : les écoliers français subissent des journées plus longues et plus chargées que leurs camarades européens ; un volume horaire annuel d'enseignement de 864 heures par an, contre 774 heures à 821 heures en moyenne dans les autres pays, l'année scolaire étant concentrée sur 36 semaines, soit 144 jours contre 187 jours chez nos voisins.
Le Professeur Hubert Montagner spécialiste reconnu des rythmes biopsychologiques des enfants considère qu'à partir de 8 h 30, heure d'entrée en classe, il faut entre 30 et 60 minutes pour que l'enfant développe une attention et une réceptivité optimale ; un pourcentage important d'enfants bâillent entre 8 h 30 et 9 h 30. La mi-journée se caractérise par une dépression de la vigilance corticale. Après 16 h 30, on constate une augmentation du métabolisme, de la température corporelle et de la force musculaire, ce qui favorise les activités physiques. Les enfants qui ont des difficultés de sommeil et des troubles du rythme veille-sommeil comme ceux qui vivent dans l'insécurité affective subissent encore plus mal les horaires de travail actuels, leur vigilance et leur attention restant faibles entre 14 h et 16n h 30.Dans un rapport de janvier 2010, l'Académie nationale de Médecine soulignait que l'altération du fonctionnement de l'horloge biologique des enfants quand celle-ci n'est plus en phase avec les facteurs de l'environnement, entraine fatigue et difficultés d'apprentissage.Ce rapport recommandait aussi d'avoir une approche globale du temps de l'enfant en tenant compte des trois temps d'une journée, à savoir les temps familiaux, les temps scolaires et les temps récréatifs, sociaux, sportifs, artistiques et culturels. L'académie de Médecine nous invite à penser l'école comme un lieu de vie et d'éducation pour qu'elle aide chaque enfant à révéler ses possibilités et ses aspirations grâce à des interactions complémentaires et une écoute mutuelle de l'ensemble des acteurs ( enseignants, familles, éducateurs et autres partenaires).Cette réforme devrait permettre de mieux répartir les heures de classe sur la semaine, d'alléger la journée de classe et de dispenser l'enseignement à des moments où la concentration des élèves est la plus grande. Ainsi les 24 heures d'enseignement hebdomadaire s'étaleraient sur neuf demi-journées, incluant le Mercredi ou le Samedi matin, avec une journée de 5 h30 maximum et une demi-journée de 3 h 30 ; la pause méridienne étant de 1 h 30 minimum. Les T.A.P. (temps d'activité périscolaire) pourraient commencer dès 15 h 30.Ces dispositions n'ont pas été retenues par le Maire de Lyon et par son adjointe aux affaires scolaires qui ne paraît pas avoir la lumière à tous les étages ! Ce qu'ils imposent dénaturent complètement l'esprit et le but de cette réforme et aggravent même les rythmes scolaires actuels.
Ils veulent maintenir les mêmes horaires d'enseignement, ajouter le Mercredi matin et grouper les activités périscolaires le Vendredi après-midi !! Ces activités seraient payantes (2 à 19 € par mois, selon le quotient familial) et seraient facultatives ( ce qui permettra à certaines familles qui le peuvent de partir en W.E. prolongé!!) C'est à la fois une aberration et une tromperie. Voilà un bel exemple d'une attitude méprisante de la part d'un élu qui abuse de son pouvoir et qui se permet de saboter une réforme jugée pertinente par la plupart des spécialistes.
Philippe Meirieu, spécialiste des Sciences de l'Education et de la pédagogie, écrivain, lyonnais, mondialement connu – qu'on a curieusement « oublié « de consulter - pense depuis longtemps que cette réforme était nécessaire ; pour mieux équilibrer la semaine, il souhaitait même que le mercredi reste un jour de repos et que le samedi matin soit « scolaire » pour éviter une trop grande coupure en fin de semaine.La majorité des conseils d'Ecole de Lyon n'a pas adopté les dispositions voulues par G. Collomb ; et il n'y a pas eu de véritables concertations avec les personnels, les familles et les Enseignants. Le conseil d'arrondissement du 1 er a repoussé à une très forte majorité les dispositions de la Mairie centrale et demande au rectorat de pouvoir mettre en place sa propre réorganisation de la journée scolaire en respectant l'esprit de la réforme.
En septembre 2013, plus d'1 million d'élèves ont bénéficié de cette nouvelle réforme ; 32 villes de plus de plus de 50.000 habitants comme Brest, Angers ou Nevers l'ont déjà expérimentée avec des résultats concluants. A Toulouse, les élèves sortent à
16 h les après-midi et sont accueillis après la classe dans des centres de loisirs associés à l'école qui leur proposent des activités diversifiés et encadrés. A Paris, la mise en place de la réforme est effective depuis la rentrée 2013 et quand on connait l'engagement d'Anne Hidalgo et ses choix pour favoriser une bonne scolarité aux enfants, on peut augurer d'une réussite dans l'application de cette réforme.
Beaucoup s'inquiète du financement de cette réforme. Un fonds spécifique d'au moins 250 millions d'€ permet d'aider les communes à mettre en place la réforme et une dotation de 50€ est allouée par enfant. Les communes urbaines ou rurales les plus en difficulté peuvent bénéficier de 40€ supplémentaires par élève. Il reste que chaque commune doit mettre en œuvre tous les moyens pour faire réussir cette réforme. Lorsqu'il s'agit de l'éducation de nos enfants, les élus doivent faire des choix budgétaires clairs. L'argent public est trop souvent gaspillé ou mal utilisé, à Lyon, les exemples ne manquent pas.. Mais, je crois que Gérard Collomb a trouvé la solution pour financer cette réforme : il a déclaré que la prochaine fusion Courly-Conseil général prévue pour créer la Métropole générerait des économies substantielles !
Alors, souhaitons que le maire de Lyon descende de son fauteuil et « consente » enfin à dialoguer !
Jean-Paul GAUTHIER ; membre du G.R.A.M
(groupe de réflexions et d'actions métropolitaines)