Un centre d’hébergement d’urgence. Crédit : Maxppp.
Sont encore hébergées douze familles (70 personnes), un couple et 2 personnes seules. 6 familles ont un nourrisson de moins d’un an ou d’un an.
Je dois préciser qu’à une exception près, toutes les familles sont en situation régulière sur le territoire français : toutes en possession d’un récépissé de la préfecture attestant du dépôt d’une demande d’asile en cours d’instruction ou d’un recours en demande d’asile du Rhône ou au titre de la santé.
Un programme d’intégration ou un « rêve » inaccessible
Des familles avaient « candidaté » pour intégrer le dispositif Andatu (préfecture du Rhône, DDCS et Forum Réfugié). Aucune n’a été retenue et cela sans aucune justification officielle.
Il s’agit pourtant de familles présentes sur Lyon depuis 3, 4 voire plus de 5 ans, dont les enfants sont tous scolarisés malgré les ruptures d’hébergement successives qu’elles ont pu vivre, qui apprennent le français, qui n’ont aucun soucis de justice, dont les pères – à qui l’accès est interdit – persistent régulièrement à chercher de possibles employeurs. Je ne vois pas ce qui différencie ces familles d’une famille classique. Elles font toutes la preuve d’une volonté d’intégration, sont méritantes vus les efforts quotidiens qu’elles engagent pour survivre.
Tortures… puis traversée de l’agglo pour aller à l’école
Je reste persuadé qu’un retour à la rue sera dramatique : cette famille qui a quitté la Serbie en 2009, la mère qui a vu une grande partie de ses frères, son père, abattus de sang-froid sous ses yeux dans de véritables camps de concentration ; qui cauchemarde tous les soirs, se revoyant les pieds baignant dans le sang, au milieu d’oreilles, de nez, de membres coupés ; ses enfants qui ont subi des tortures.
Eux que je vois chaque matin de la semaine en train de prendre leur petit déjeuner avec leur père ou leur mère pour ensuite traverser l’agglomération et rejoindre l’école : ils ont changé 5 fois d’hébergement en 3 ans et ont « vécu » plusieurs fois – des mois durant – sous le centre d’échange de Perrache mais les parents ont préféré laisser leurs enfants dans le même établissement scolaire… Peut-être la seule continuité qu’ils aient connue jusque-là.
Une impuissance et une colère indescriptibles
Je savais à quoi m’attendre en travaillant dans cette structure, j’avais d’autres expériences de plan froid mais c’en est une de trop. Mon travail fait de la rencontre avec toutes ces personnes, du partage de moments quotidiens, de confidences (parfois insoutenables), d’orientation vers les institutions de droit commun (hébergement, logement, santé, scolarité, défense des droits, etc), d’accord, de prise de bec est riche, réaliste passionnant, motivant mais aussi frustrant, désarmant. Je suis aujourd’hui dans une impuissance et une colère indescriptibles.
A la rue, contrairement à ce que dit la loi
Selon les derniers critères de la DDCS (Direction Départementale de la Cohésion Sociale), seules les personnes présentant de graves pathologies médicales et pour lesquelles une remise à la rue aurait des conséquences vitales seront relogées, soit… une seule famille. Aucun critère d’ordre psychologique ou psychiatrique ne sera retenu.
Jeudi prochain, le 26 juin, la très grande majorité des personnes seront invitées par l’État à rejoindre… la rue ! Au mépris de la loi. En effet, l’article 4 de la loi DALO a instauré le principe de continuité qui stipule que : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adapté à sa situation. »
Qui penserait que dans ce pays aussi riche (la crise a bon dos), ont puissent faire encore faire vivre cela à des hommes, des femmes, des enfants qui n’aspirent qu’à une vie normale finalement ?
Quel représentant de l’État sera présent jeudi prochain pour assister à tous ces départs vers la rue, le dehors ? Et en silence.
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Même problème à Grenoble et dans l'Isère, où, si tout se passe comme le désire la Préfecture, plus de 600 personnes seront à la rue dans le département de l'Isère. Un foyer à l'Isle d'Abeau a déjà été fermé.
Les résidents n'ont pas à partir, ils ont quasi tous signé un contrat d'hébergement, la préf ne peut le résilier unitéralement.
Nous conseillons aux résidents de rester dans les chambres et apparts, car ce sont des lieux privés et il faudrait que la police ait un mandat pour y entrer et les expulser.
Quelle horreur de foutre ainsi en l'air la vie de gens qui essayent de se reconstruire avec leurs enfants.
On peut toujours espérer que la mobilisation soit telle avant la fin du mois que les préf reviennent sur leur décision.
http://grenoble.indymedia.org/2013-06-22-Lettre-ouverte-a-madame-la
Merci
Merci pour votre témoignage. J'espère qu'il servira à conscientiser bon nombre de nos concitoyens qui sont dans l'ignorance de ces réalités douloureuses.
Je partage pleinement votre colère.
Bien à vous
D'ou ma réponse: les lois votées ne servent à rien sans un rapport de force pour les faire appliquées.
C'est dommage me direz vous peut être, mais c'est la société dans laquelle on vie.
Les professionnels de l'urgence sociale savaient très bien et ce depuis le début du plan froid qu'on en arriverait là.
L'Etat via C Duflot s'était engagé à ce que personne ne retourne à la rue, souhait vertueux.
Sauf que, dès le peuplement des structures volet hivernal , peuplement qui s'est fait en commissions, les situations ont soigneusement été sélectionnées en fonction de leurs possibilités de trouver une solution à terme.
En clair, ne prenons pas des gens trop dans la m****, sinon, l'Etat ne pourra tenir ses engagements.
filtres à l'entrée, puis successions depuis le mois de mars de filtres de sortie : on garde seulement les familles avec enfants de 3 - ans puis seulement les - de 3 ans avec problèmes de santé, etc...Un écrémage soigneusement organisé.
In fine, les seules familles qui seront gardées seront celles où une remise à la rue équivaut à une condamnation à mort. Elles seront mises à l'hôtel sans accompagnement social et seront prioritaires pour le prochain Plan Froid, si il y en a un.
Lyon fait un bond de 60 ans en arrière, avec le retour des bidonvilles et des squatt...faut il rêver d'un nouvel hiver 54 ?
Soyez moins naïfs, moins humanistes et soyez réalistes vos agissements mettent à mal la demande d'asile, une réforme urgente est nécessaire du droit d'asile. Je travaille au quotidien pour permettre à chacun de faire valoir ses droits, de défendre son dossier dans les meilleurs conditions, mais je suis réaliste et je leur dit toujours la vérité quand elle doit être dite car les dossiers d'asile et les entretiens ne trompent pas...chaque jour des familles défilent dans nos bureaux (les enfants devants) pour demander un hébergement, c'est difficile de dire non on ne peut pas mais c'est la vérité. Arrêtez de faire croire à ces personnes que la France est un eldorado car vous ne faites qu'entretenir la vision donnée dans leurs Pays. Dites leur la vérité...la France ne peux plus malheureusement...
L'action sociale, voir juste la bientraitance, l'humanité à l'égard de familles et d'enfants doit-elle désormais se faire au mérite ? Qui parle d'eldorado en dehors de ceux qui agitent la théorie de l'appel d'air ! Qui peut croire que l'exil est un acte insouciant conditionné par quelques avantages sociaux que la France distribuerait de manière inconséquente !
C'est vous qui devriez être réaliste et ne pas vous tromper d'ennemi, si ennemi il y a !
La dégringolade économique, la perte de l'autorité au sens politique, la complexité de nos sociétés ne peuvent être des arguments valides pour oublier la seule chose qui nous caractérise : Notre humanité !
Merci pour cet article, au travailleur social qui décrit ces délinquants présumés de moins d'un an.
les constats que je fais sont tirés d'une réalité de terrain. Elle est certes difficile à entendre mais c'est une triste réalité que je constate depuis l'automne 2012. Jamais depuis que je travaille auprès des migrants et des demandeurs d'asile nous ne sommes arrivés à une situation d'urgence comme celle là. Vous parlez d'exil, moi je parle de projet migratoire. En effet, les personnes en exil représente au grand maximum 20% des personnes qui demandent l'asile aujourd'hui. Le reste sont des personnes qui utilisent l'asile à des fins de projets migratoires. Je ne vois pas en toutes ces personnes des ennemies, simplement je suis un fervent défenseur du droit d'asile et voir toutes ces personnes profiter de la demande d'asile à des fins migratoires, cela me scandalise. Oui aujourd'hui le migrant en exil qui doit fuir son pays pour demander la protection de la France car il est persécuté, se retrouve dans la rue faute de place d'hébergement, la plupart du temps sans aucun suivi social car les plates formes d'accueil sont submergées de demande. Je n'ai pas d'ennemi, juste je vous indique une réalité celle de mon quotidien. Je comprends que mon propos puisse choquer, mais actuellement on assiste à un déséquilibre des flux migratoires. Franchement, soyez moins naïf, la théorie de l'appel d'air est loin d'être une théorie c'est une vérité je la constate tous les jours. Une personnes obtient une protection ou tout autre titre de séjour, une majorité de ses connaissances arrivent par la suite. L'humanité est certes une valeur essentielle de notre pays, mais elle ne doit pas nous cacher de la vérité. Voyez la réalité en face, nous n'avons pas les moyens d'absorber un tel flux, vous militants vous avez la bonne place celle des bientraitants, nous aujourd'hui notre quotidien est celui de dire non en permanence à des hébergements en sachant que ces personnes dormiront à la rue ou une fois déboutés nous avons l'obligation de les mettre à la rue. Nous sommes bien loin du suivi de la demande d'asile des années passées, aujourd'hui nous sommes dans une demande d'asile "économique ou sanitaire", et malheureusement le migrant en exil qui n'a pas d'autre choix de quitter son pays car il y est persécuté devient invisible dans ce flux. Je pourrais vous présenter des centaines d'exemples pour illustrer la réalité quotidienne de nos CADA, qui est bien loin de votre vision lointaine du domaine des migrants aujourd'hui, mais je ne souhaite pas brusquer l'opinion publique ni que ces exemples soient repris par des personnes qui utiliseraient ces propos à d'autres fins. Simplement, je suis en soucis pour l'avenir, si notre gouvernement ne prend pas la mesure de la situation qui devient très grave, d'autres s'empareront de cette réalité à des fins électoraliste nauséabond. Je vous assure qu'il est aujourd'hui très facile avec une telle situation de manipuler l'opinion publique.
Je ne souhaite pas polémiquer, je voudrais simplement défendre la demande d'asile qui est en danger aujourd'hui, ma réalité est celle que je constate tous les jours...l'humanité ne doit pas nous empêcher de voir la réalité.