
Les enfants sont omniprésents dans le quartier. Crédit : Leïla Piazza
Quand des Roms ouvrent un squat dans un quartier, l’accueil réservé aux nouveaux habitants n’est généralement pas très bon. Ils sont mêmes parfois violemment rejetés par les riverains du squat, comme on le voit actuellement dans un quartier pavillonnaire de Vaulx-en-Velin. Dans le quartier de la Guillotière, la situation est tout autre. Au lieu de pétitionner et d’écrire à la mairie pour les faire dégager le plus vite possible, un grand nombre d’habitants d’un secteur du quartier appelé « l’îlot Mazagran » se mobilise pour les faire rester.
Autour de cet « îlot Mazagran », deux squats de Roms, rassemblant une centaine de personnes, sont en effet sous le coup d’une procédure d’expulsion. Pourtant, alors que l’intervention des forces de l’ordre est possible depuis plus ou moins longtemps selon les cas, les familles n’ont pour le moment pas encore été délogées. Et la mobilisation des riverains y est sans doute pour quelque chose. En effet, mi-juillet, un collectif d’habitants et d’associations a fait tourner une pétition, rassemblant une centaine de signatures individuelles et de structures associatives, envoyée au Grand-Lyon et à la ville de Lyon.
Des squats soutenus par les habitants
Il faut dire que les Roms se sont implantés dans le quartier de Lyon où il doit y avoir l’une des plus fortes concentrations d’associations et de militants de la ville. Des associations qui ont pris possession des lieux laissés vacants suite au gel du projet de créer une grande artère, prolongeant l’avenue Félix Faure jusqu’au quai du Rhône.
On y trouve des zones de compostage collectifs, un café coopératif, une association de plantation de verdure, un local (les Locaux Motiv’) rassemblant 17 associations et artistes. Surtout le jardin partagé d’Amaranthe, créé en 2003, a émergé au centre de ces délaissés urbains. Adossé à une placette arborée, c’est devenu l' »îlot Mazagran ».
Autant dire que ce secteur de la Guillotière est hyper actif au niveau associatif, dans un contexte de mixité sociale, alliant populations issues de l’immigration, étudiants, classes moyennes intellectuelles, artistes ou SDF du Père Chevrier, le plus gros centre du Foyer Notre-Dame des sans abris.
La différence avec les autres quartier s’est tout de suite fait sentir, relève Julien, militant de Demeurant Partout, l’association qui a « réquistionné », il y a un an, un immeuble devenu le premier squat de la rue Montesquieu :
« Dans ce quartier, il n’y a pas eu d’attitudes de gens excédés, comme on a pu le voir ailleurs. On a reçu des mails pour nous dire que c’était bien d’avoir ouvert ce squat et proposer de donner des meubles. »
Gilberte Renard de l’association CLASSES (Collectif Lyonnais pour l’Accès à la Scolarisation et le Soutien des Enfants des Squat), confirme :
« Ici, on les aide. On leur apporte à manger. Les enfants participent aux activités. Et ils sont assez discrets. Du coup, les habitants les ont accepté. »
Ainsi, parmi les familles Roms menacées d’expulsion, nombreuses sont celles qui aimeraient ne pas partir trop loin de la Guillotière.
Une des familles dans son appartement squatté dans le secteur de l’îlot Mazagran. Crédit : Leïla Piazza
Cohabitation ou intégration ?
Ici, il se raconte que certains riverains ont donné des cours à des enfants, que d’autres, aident les parents dans la gestion de démarches administratives et la lecture de courriers.
Sur la place de l’«îlot Mazagran », les enfants Roms jouent et n’hésitent pas à venir alpaguer les passants.
« Lorsque je passe le matin, il n’y a quasiment que les enfants dehors, raconte Christian, le facteur. Ils me disent bonjour, me courent après. Parfois certains disent qu’ils vont me voler mon vélo mais c’est sur le ton de la rigolade. »
Grâce aux enfants, le contact entre habitants et squatteurs s’est noué, notamment dans le jardin partagé d’Amaranthe, géré notamment par l’association Brind’Guill. C’est ce que raconte Emma Lidbury, militante de l’association et et co-présidente de Locaux Motiv’, une pépinière regroupant 17 associations du quartier :
« J’ai rencontré ces familles par le biais du jardin où les enfants sont très présents. Dès qu’on l’ouvre, ils nous sollicitent pour jardiner avec nous. Du coup, on commence à bien connaître les familles. Ils sont vraiment intégrés dans le quartier. »
Et à l’occasion des évènements du quartier, les Roms participent de plus en plus.
« Lors de Maza’Grand Événement, on a diffusé des films sur la place, raconte Francis de l’association Les Inattendus. Les Roms sont venus et ont été un très bon public. Il y avait peu de paroles alors ils ont pu comprendre et étaient captivés. »
La vie du quartier s’est organisée autour du jardin d’Amaranthe, un jardin partagé, créé en 2003 et désormais ouvert à tous, lorsqu’un jardinier de l’association est présent. Crédit : Leïla Piazza
« Pas d’angélisme »
Les acteurs associatifs qui se battent pour le maintien des familles dans le quartier ne veulent pas faire dans la naïveté :
« Il ne faut pas être dans l’angélisme non plus, poursuit Francis. Ce n’est pas toujours évident. Ils sont très nombreux dans de petits espaces donc il y a forcément des tensions. »
« Des problèmes, il y en a bien sûr », reconnaît Emma Lidbury :
« Mais comme on commence à bien connaître certaines familles, on peut parler. Par exemple, au jardin, il est arrivé que des choses disparaissent. On en a discuté. C’était surement pas eux directement, mais comme c’est un peu comme une grande famille cette communauté, les choses ont fini par revenir. Et maintenant, ils surveillent en quelque sorte le cabanon à outils… »
« Quand ça se passe bien, il y a un véritable échange. Surtout avec les enfants qui sont très entreprenants. Avec les parents, c’est plus compliqué car il y a la barrière de la langue », ajoute sa collègue Maura.
Même constat de la part d’Elodie, serveuse du bar coopératif de la place, le Court Circuit :
« Le grand-père de la famille P., il vient nous voir, il commande son café et il essaie de discuter avec nous. Mais on ne comprend pas grand chose alors c’est difficile d’avoir un échange. »
Le bar coopératif situé au centre de cet îlot, a d’ailleurs dû apprendre à faire cohabiter sa clientèle avec les Roms régulièrement présents sur la place, où se situe sa terrasse.
« Il y a une forte précarité et beaucoup d’inactivité. Du coup, c’est dur à vivre, surtout pour les plus jeunes qui s’ennuient. Ils viennent jouer sur la place, sans faire attention aux clients. Ce n’est pas si facile de cohabiter. »
Corinne Iehl est habitante du quartier et membre de l’association Cré’Avenir qui participe à la concertation habitante. Elle nuance encore un peu plus le tableau :
« Dire que les Roms sont intégrés, c’est un peu abusif, même si on a sympathisé avec beaucoup de familles. C’est compliqué. Ils sont dans le désarrois, la survie quotidienne. Et il y a souvent des tensions entre les différentes familles. Ils sont tolérés, acceptés. Et il y a des formes de charité par contre. »
La place au centre de l’îlot Mazagran accueille de nombreuses festivités et la terrasse du bar coopératif. Crédit : Leïla Piazza
Lutter contre l’ « embourgeoisement »
La peur de la disparition des spécificités sociales de ce bout de quartier est forte. Au printemps 2011, la Ville de Lyon a relancé un projet de renouvellement urbain pour le quartier. Compte tenu de la forte densité militante, les élus ont tout de suite concerté les habitants. Dès les premiers temps, de nombreux habitants et associations se sont activement impliquées dans la concertation, notamment au sein du collectif Mobilizagran. Avec une revendication principale : la résistance à la gentrification, à savoir l’embourgeoisement d’une zone urbaine :
« Depuis le début de la concertation, les habitants et associations ont affirmé qu’ils voulaient garder une mixité sociale. On craint vraiment une gentrification, qui est déjà en train de se mettre en place », analyse Corinne Iehl de Cré’Avenir.
Autant dire que le départ des Roms du quartier, signifierait, dans l’esprit de nombreux habitants le début de la disparition de la mixité sociale. Un argument largement mis en avant dans la pétition du collectif d’habitants en direction des élus lyonnais :
« Nous, Collectif d’habitants et d’associations de l’îlot Mazagran (Lyon 7e), avons eu connaissance de la situation concernant le relogement des familles Roms du quartier. […] Il n’est pas question pour nous de voir le quartier se gentrifier avec, pour conséquence, la flambée des prix de l’immobilier et l’exclusion de populations en situation d’extrême précarité. Nous ne pouvons accepter que la rénovation du quartier se fasse au prix de l’élimination de familles déjà en situation d’exclusion sociale ».
Les pétitionnaires demandent donc que « les familles soient relogées dans le quartier comme le Grand Lyon s’y était engagé » (selon les termes de la pétition). Contacté, le Grand Lyon botte en touche en rappelant que la compétence d’hébergement (en cas d’expulsion des squats) relève de la préfecture.
La question du relogement se pose aussi pour une famille rom logée légalement par Habitat et Humanisme dans un immeuble voué à la destruction (dans le cadre de la rénovation urbaine) et qui a eu une promesse de relogement de l’association. Seulement, pour le moment, seul un studio à Villeurbanne a été proposé au couple de grand-parents :
« Je préférerais rester ici, esquisse dans un Français hésitant Léontina, la doyenne de la famille P. Ca fait 8 ans que je suis dans le quartier. Un de mes petits-enfants va à l’école Gilbert Dru. Et ça se passe très bien avec les gens. Certains viennent boire le café. Et puis on nous amène des vêtements, des meubles ou de la nourriture. »

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il résume bien la situation de notre quartier.
J'ajouterai juste ceci : il me paraitrait important que les pouvoirs publics se responsabilisent un peu sur la gestion de ce type de cas, et cessent de se défausser sur les associations qu'ils ne soutiennent même pas financièrement.
Les associations et les habitants font un travail formidable, il serait normal que leurs efforts soient relayés par la mise en place de services municipaux : médiateurs, travailleurs sociaux, ilotiers ...
sans quoi il se pourrait que certains s'usent un peu à agir sans aucun soutien, se formant sur le tas à la tâche difficile de faire se cotoyer toutes les communautés qui font la richesse du quartier ...
Il me semble qu'une action concertée avec les acteurs locaux soulageraient certains (qui se reconnaitront) que je remercie d'ailleurs pour leur dévouement désintéressé.
Il ne vous est pas venu à l'esprit que certains de vos concitoyens considèrent comme révoltant de détourner les crédits dévolus à l'action sociale au profit d'étrangers et au détriment de nos semblables les plus défavorisés? Car, comme toujours, cela se traduit en demandes de subventions, d'aides financières ou logistiques qui pèsent sur les budgets de l'Etat et des collectivités. Budgets non extensibles, calculés souvent au plus juste, motivés par le tableau des besoins de notre population. Ne vous semblerait-il pas plus logique, plus sain, que les protecteurs des roms assument à leur frais l'entretien de cette population: personne ne vous le reprocherait, on vous qualifierai même d'"ami du genre humain". Et on pourrait consacrer l'argent des contribuables à soulager l'infortune des Français pauvres, qui existent et se font moins remarquer, certes...
Il est un peu fort après s'être engraissé sur le dos de nos colonies militaires, puis de nos colonies économiques, en bénéficiant de main d'oeuvre presque gratuite, de se laver les mains de la misère du monde.
Ici, il n'y a pas de bienfaiteurs de l'humanité, il y a des humains tout court, qui ont envie de vivre avec leur congénères, conscient du fait qu'une citoyenneté française ou autre ne reflète qu'une ou deux générations d'immigration d'écart tout au plus. (à pardon vous faites partie des 3% de français de souche depuis plus de 5 générations ... désolé)
Quant au poste de médiateur auquel je fais référence, il couterait beaucoup moins cher que de nouveaux musées grandiloquents ou des éclairages nocturnes princiers, et serait utile pour tous les habitants, y compris l'immense majorité qui a la nationalité française dans le quartier.
ET croyez bien que les français pauvres comme vous dites se font très bien entendre. Je vous assure que le centre pour sans abris à 100 m d'ici nous fournit tout le panel de personnes en difficulté qu'il faut, dont la plupart sont français, et qui savent tout aussi bien donner de la voix et de la canette vide sur l'espace public ... nettoyé aussi en partie par les habitants "bienfaiteurs de l'humanité", soyez rassurés !
Mais nous ne serons jamais d'accord, parce que nous ne rêvons pas au même présent, c'est tout.
Du coup on ressent un peu une sorte de mépris de classe dans l'article: regardez les gentils bobos du centre par rapport aux méchants prolos de la banlieue.
En bref je pense que la comparaison n'était pas bonne à faire au vu des conditions totalement différentes (à la lecture de votre article, ou bien vous n'avez pas tout dit).
HA,HA .......!!!!
http://www.youtube.com/watch?v=265WonEpfBY&feature=player_embedded
- Les familles roms occupent des immeubles, certes en les squattant, mais ne vivent pas dans des camps. Non seulement cela évite de nombreux problèmes sanitaires, mais en plus cela "normalise" leur situation : ils habitent un logement vacant, donc un lieu dédié à l'habitation. Il ne détournent pas un espace dont ce n'est pas l'usage.
- Il s'agit d'une centaine de personnes au sein d'un tissu urbain dense (le 7ème arrondissement compte 70 000 personnes dont au moins 10 000 dans la quartier de la Guillotière). Cela évite le sentiment d"'invasion" qui peut naître chez les riverains dans les zones pavillonnaires bien moins densément peuplées où les Roms sont rapidement beaucoup plus nombreux que les habitants.
- Les enfants sont les meilleurs vecteurs d'intégration. En les scolarisant et en les associants aux activités du quartier, on leur donne les moyens de s'intégrer (langue et connaissances de certaines pratiques culturelles) et on leur permet de s'ouvrir aux gadjos (non-roms). Ce dernier aspect est à mon sens primordial mais souvent passé sous silence car on est vite taxé de racisme quand on évoque le fait que l'intégration des Roms est parfois rendus compliqué par leur défiance vis-à-vis des étrangers (bien entendu cette défiance est souvent réciproque).
- En n'acceptant pas les vols ou incivilités, on fait passer un message positif : on en attend pas moins de vous que des autres, vous n'êtes pas des citoyens au rabais.