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Fin de l’Alter Hostel : la fermeture d’un “refuge solidaire” à Lyon

Le 21 mai, l’Alter Hostel (Lyon 9e) a définitivement fermé ses portes, faute de moyens. Au fil des années, cette auberge de jeunesse “écolo et solidaire” est devenue une solution de repli pour des personnes mal-logées. Sa disparition laisse plusieurs d’entre elles à la rue.

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Fermeture de l'Alter Hostel
Maela et Alix sont co-gérantes de l’Alter Hostel depuis 4 mois. Elles ont du liquider la SCOP, faute de moyens.

Sur l’air mélancolique de When I see you again, Alix et Maela zigzaguent entre les cartons, déjà bien remplis. Ce mercredi 21 mai, l’auberge indépendante « Alter Hostel » a définitivement mis la clé sous la porte. Elles étaient cogérantes depuis seulement quatre mois quand elles ont dû demander la liquidation.

« On a repris un navire qui était déjà sous l’eau, et là, on a touché le fond », souffle doucement Alix. En cause, un emplacement trop excentré (quai Arloing dans le 9e arrondissement), un nombre de lits pas assez élevé (une cinquantaine), et plusieurs prêts accumulés. « L’entreprise arrivait à son terme, on ne générait plus assez pour rembourser les dettes et payer tout le monde », explique-t-elle.

Quand le tourisme laisse la place à l’urgence sociale

À son ouverture en 2017 l’Alter Hostel se voulait un repaire pour voyageurs écolos. Fondée par deux amis, cette SCOP (société coopérative et participative) misait sur le slowtourism. Les touristes profitaient – pour une trentaine d’euros la nuit – d’un « écolieu » au menu bio ou en circuit court, et étaient invités à consacrer quelques heures de leur séjour à des associations partenaires.

À la suite de la crise sanitaire, le lieu s’est mué en une sorte de « refuge solidaire ». Alter Hostel logeait de plus en plus d’ »habitués » sur un temps plus long, allant de quelques semaines à parfois quelques années. « L’auberge a changé au rythme d’une société où les pauvres sont de plus en plus pauvres », assure Alix.

Des habitués de l’Alter Hostel à la rue : “Je vais retourner dormir à Perrache”

Ces derniers temps, une majeure partie des lits étaient occupés par des personnes en situation de logement instable : demandeurs d’asile, en recherche d’emploi, au RSA, ou sans logement fixe. Mehdi dormait à l’Alter’ depuis janvier, et venait à peine de trouver un lieu où dormir. « Si cet endroit n’avait pas existé, j’aurais dû retourner en Roumanie », explique-t-il. 

Maria, elle, est arrivée en France il y a deux ans. Depuis, elle a jonglé entre la rue et les logements temporaires. Arrivée sur le territoire sans enfants, elle a fait plusieurs demandes d’asile, en vain. Après de lourdes opérations, l’association L’ouvre porte partenaire de l’auberge – a financé son séjour à l’Alter Hostel. Pour les associations, le tarif s’élève à 18 euros par nuit, dans un dortoir de 18 lits. 

« Avec le personnel, on a appelé le SAMU et pleins d’asso’, raconte Maria. Il n’y a de place nulle part. Je vais retourner dormir à Perrache ». Souffrante, Maria se déplace en béquilles, un petit sac sur le dos. Maela la salue, le regard inquiet : « Désolée que ça se finisse comme ça… Ça va aller ? », « Non, mais pas le choix » réplique-t-elle, un sourire amer aux lèvres.  

Fermeture de l'Alter Hostel
Après lui avoir fait ses adieux, Maela raccompagne Maria dehors. Elle fait partie de ceux qui n’ont pas retrouvé de solution d’hébergement. Photo : Lisa Seyvet

L’Alter Hostel : symptôme de la crise de l’hébergement d’urgence à Lyon

Lucie, réceptionniste, raconte une épreuve « personnelle et politique » : « notre métier a dû, par défaut, développer un côté travailleur social. C’est complexe, car on n’y est pas formé·es ». Face à ce défi, les salarié·es ont dû créer une cellule « santé mentale » dédiée aux hébergé·es comme aux salarié·es.

Au fil des années, l’Alter était devenu un lieu identifié comme plus sécurisant que le circuit classique d’hébergement d’urgence. Lucie regrette alors la disparition d’une confiance difficilement acquise par bouche-à-oreille, notamment pour les femmes victimes de violences conjugales. « Le pire serait que le lieu reste vacant, ou qu’il soit racheté par complètement autre chose… « , soupire-t-elle.

Fermeture de l'Alter Hostel
Mehdi, habitué de l’Alter Hostel, a un emploi mais pas de logement fixe. Suite à la fermeture, il a dû quitter les lieux et retrouver un toit pour quelques jours.Photo : Lisa Seyvet

Improvisée dans un hostel et sans aides de l’État, l’existence même de cette alternative aux solutions d’hébergement d’urgence est symptomatique des « failles de ce système ». Dans ces dernières semaines « teintées de colère et de tristesse », Lucie évoque un maigre espoir de l’équipe : que des collectivités locales rachètent le lieu pour en faire à nouveau un lieu d’accueil. La fermeture de l’Alter laisse un vide, reste à savoir si les services public sauront le combler.


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