Christophe Guilloteau (LR) avait-il peur que l’on oublie le Département ? Alors que les évènements s’enchainent à Lyon sur les dix ans de la création de la Métropole, le « Nouveau » Rhône a du mal à se faire entendre.
Héritage de Gérard Collomb et de Michel Mercier, sa collectivité fait partie des rares de France à n’avoir aucune opposition en son sein : 20 conseillers départementaux affiliés LR, UDI, avec un seul ex-macroniste, plutôt branche Gérard Collomb (sur la fin et sa période de rapprochement avec LR).
Avec cette composition, les éclats de voix ont tendance à se faire rare dans l’hémicycle du Conseil départemental. Alors, pour se faire entendre, l’ancien Département a décidé de sortir la sulfateuse, le 4 avril dernier.
Lors de la présentation d’un rapport sur les Espaces naturels sensibles (ENS), Christophe Guilloteau a fait voter un amendement pour retirer 80 000 euros à trois associations de protection de l’environnement, la Ligue de protection des oiseaux (LPO), France nature environnement (FNE) et l’association naturaliste Arthropologia, comme l’avait repéré Le Progrès.
À l’heure où les finances publiques des collectivités ne sont pas au beau fixe, Christophe Guilloteau aurait pu justifier cette décision par les finances difficiles de la collectivité. Il a choisi une autre option.
Pour Guilloteau, les associations écologistes sont des « danseurs aux pieds nus »
L’objet de son courroux ? Une lettre de ces trois associations « s’en prenant », selon lui, aux maires. Le président du Département leur a d’abord reproché d’être des « donneurs de leçon », et de demander un projet inclusif – « je ne sais pas ce que c’est » a pesté l’élu. Il s’est ensuite fait plus virulent : « J’en ai assez des associations de danseurs aux pieds nus qui viennent nous expliquer ce qu’on doit faire sur notre territoire. »
Dans le courrier, que Rue89Lyon s’est procuré, les structures se disent en effet « préoccupées » par le potentiel impact du projet de port de plaisance à Anse sur la biodiversité locale.
« Nous comprenons que le développement économique et l’amélioration des infrastructures sont des enjeux importants pour notre région. Cependant, ce projet ne semble pas répondre à une analyse fine des besoins du territoire », écrivent-elles.
Elles mettent en avant l’impact écologique du projet du fait de l’artificialisation d’une surface équivalent à « 30 terrains de foot ». « Ne serait-il pas plus judicieux de réorienter ces fonds vers des initiatives qui répondent directement aux besoins des citoyens et qui favorisent un développement durable et inclusif (éducation, santé, transition écologique) ? », demandent les associations.
Charge contre des associations écologistes : Christophe Guilloteau se trumpise
Dans le côté « donneur de leçon », on a vu pire. Réponse du Président : « Je ne suis pas prêt à ce que mes enfants mangent des graines et fassent de la bicyclette tous les jours. »
Le bingo des clichés sur les écolos en une phrase, sans rapport avec le fond du dossier. « Pour nous, il s’agissait simplement de formuler une alerte par notre courrier », souffle Stéphane Teyssier, directeur régional de la LPO Auvergne Rhône-Alpes.
Fondée en 1912, la Ligue de protection des oiseaux travaille, notamment, à la réalisation d’inventaires pour répertorier les espèces, menacées ou non, au sein d’Espaces naturels sensibles. Un travail de « conseil » et « d’expertise », qui sera dorénavant plus difficile à faire dans les forêts du Rhône.
Outre les 28 000 euros perdus par sa structure, il s’inquiète des propos « méprisants » pour des associations « d’intérêt public » qui travaillent à la préservation de la biodiversité. Par le passé, des subventions avaient déjà été coupées par le Département à des associations de protection de l’environnement.
« Mais là, très clairement, une étape a été franchie. On est sur une tendance politique venant des États-Unis qu’on retrouve jusqu’à nos collectivités… », souffle-t-il. Des accents provoc’ et « caricaturaux » pour le reprendre qui ne sont pas sans rappeler quelques sorties du président de Région, Laurent Wauquiez (LR) sur les questions environnementales. Une trumpisation de la vie politique locale.
Si la décision ne met pas en danger la LPO, France nature environnement, elle, n’en mène pas large. Déjà en grande difficulté en fin d’année, l’ancienne Frapna perd 29 000 euros, soit « 45 jours de travail », selon Anthony Chane, administrateur et référent du réseau juridique de FNE Rhône. Elle a lancé un appel aux dons.
« C’est le jeu de la démocratie de ne pas être d’accord, mais en faisant cela, on écarte le débat de fond. »
Sur le fond, la question de l’avenir du « plus grand port de plaisance de France »
Car ce projet de port fluvial n’est pas aussi consensuel qu’il n’y paraît. La construction du « plus grand port de plaisance de France » au nord de Lyon, crée des remous sur place. Vieux de 30 ans, le projet semble pour nombre d’associations peu adapté. En charge du dossier, la SERL s’était fait taper sur les doigts, notamment par la préfecture, comme nous l’avions révélé.
Le motif ? Des non-conformités dans les mesures compensatoires environnementales mises en place lors de la première phase des travaux de création de la ZAC du Bordelan, en 2020. La Métropole de Lyon, initialement dans le projet, s’en est retirée. Résultat : le projet traîne encore.
Bref, il y a de quoi débattre sur le fond. Ce qui n’est visiblement pas l’avis du président du Département. « Ce n’est pas comme ça que marche notre démocratie », lance-t-il aux associations qui l’ont sollicité.

Au conseil départemental, des associations écologistes sans défense
Au sein de l’hémicycle, la proposition d’amendement de Christophe Guilloteau n’a en tout cas pas fait débat. Seul Frédéric Pronchéry (UDI), vice-président délégué Environnement aux nouvelles mobilités, s’est abstenu. « On retrouve ces mêmes associations dans les comités qui sont mis en place par les préfectures et qui valident nos projets. Je préfère maintenir un bon rapport et influer positivement auprès d’elles », a voulu se justifier le maire de Belleville-sur-Saône.
Contacté, Christophe Guilloteau nous a indiqué ne pas « faire de déclaration presse » à ce sujet. « Les trois associations seront rencontrées dans les prochains jours », précise-t-il tout de même. Tout comme les associations, qui se disent dans une démarche « constructive ».
Au passage, l’ancien député signale que « 300 000 euros » ont été votés pour les Espaces naturels sensibles pour 2025. Une somme qui était de… 471 000 euros en 2024, selon les mots de son vice-président, Frédéric Pronchéry. Pas de quoi jouer la carte « ami de la nature ».




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