Un motif d’espoir pour le Lyon-Bordeaux ? Abandonnée depuis 2018, la ligne de train Lyon-Nancy sera relancée en décembre 2024, à raison d’un aller-retour par jour. La région Grand est l’a confirmé début avril, dans un communiqué commun avec le ministère des Transports.
Pourquoi le ministère ? Car l’État a décidé de mettre la main à la poche dans le cadre d’un train d’équilibre du territoire (TET), ces lignes intercités qui n’utilisent pas la grande vitesse. Il va contribuer à hauteur de 25 millions d’euros à la relance de la liaison directe entre la Lorraine et la cité des gones.
Avant son abandon en 2014, le Lyon-Bordeaux était également conventionné dans le cadre de ces « TET ». Minée par une infrastructure vieillissante et un manque d’entretien, la ligne directe n’aura finalement pas survécu face aux coûts exorbitants de restructuration. Un classique dans le monde ferroviaire, après 40 ans de « tout » TGV. Cela pourrait-il changer ?
Pour rappel, la société Railcoop devrait être liquidée, ce lundi 15 avril. En difficulté structurelle depuis longtemps, comme vous l’expliquait Rue89Lyon, la coopérative qui promettait de relancer la ligne dès 2022 est actuellement empêtrée dans un contentieux judiciaire avec un prestataire. Après une première défaite devant le tribunal de Clermont-Ferrand, elle a annoncé faire appel de cette décision. Son histoire risque fort de s’arrêter aujourd’hui.
Son échec a rappelé la nécessité de rouvrir des lignes structurantes ne passant pas par Paris. Une question qui motive particulièrement l’exécutif écologiste de la Métropole de Lyon, soucieux de développer les mobilités vertes à grande échelle. « L’échec de Railcoop est une déception, mais ce n’est pas fini. Le message reste clair : il faut que cette ligne soit relancée, estime Matthieu Vieira, élu écologiste à la Métropole de Lyon, qui avait versé 80 000 euros dans Railcoop. Mais on a besoin d’une politique forte. Il faut que l’État se bouge. »
Lyon-Bordeaux : une ligne abandonnée par l’État et la Région
Pour cela, il faudrait surtout rattraper des années d’abandon et de manque de maintenance de l’infrastructure. À l’inverse du Lyon-Nancy, le Lyon-Bordeaux traverse des zones escarpées et peu densément peuplées, rendant techniquement difficile et peu rentable son exploitation.
« C’est la continuité de la politique du désert ferroviaire, lâche Matthieu Vieira (EELV). Lyon n’est même pas relié à Montluçon (dans l’Allier), et toutes les petites gares du massif central ont fermé les unes après les autres ». Précisons d’emblée que la Métropole de Lyon n’as pas la main sur le ferroviaire, dont l’autorité régulatrice reste l’État ou la Région. « On est reparti pour 20 ans d’inaction publique », prophétise encore l’élu écolo.
Il faut dire que ni l’État, ni la Région n’ont fait quoi que ce soit pour sauver le Lyon-Bordeaux. SNCF Réseau (au financement public) n’a pas fait les travaux nécessaires à une desserte efficace. Les collectivités territoriales n’ont pas fait mieux. En 2016, selon La Montagne, les quatre régions de la ligne n’étaient pas parvenues à s’entendre sur l’organisation des « sillons », ces créneaux horaires sur lesquels les trains ont l’autorisation de circuler [la ligne est partagée avec de nombreux TER, ndlr]. Cela avait enterré de facto la relance de la liaison.
En 2021, la France investissait 45 euros par an et par habitant dans le ferroviaire, selon l’association allemande Allianz pro Schiene. C’est moins que (presque) partout en Europe, et près de trois fois moins qu’en Allemagne. Un déficit structurel qu’il est aujourd’hui difficile de combler.
Lyon-Bordeaux : avec la libéralisation, qui exploitera des lignes moins rentables ?
Pas sûr que la libéralisation du secteur ferroviaire améliore la situation. Même sur le très rentable segment Lyon-Paris, l’italien Trenitalia, aux reins pourtant solides, a annoncé début 2024 être dans le rouge. Alors sur les petites lignes ?
« La plupart des gros acteurs vont sur des sillons rentables, jamais sur des lignes de dessertes du quotidien, constate l’écologiste Matthieu Vieira. L’enjeu est d’avoir un État fort, qui définit le ferroviaire comme une priorité. Ça fait des années que les collectivités se battent pour ça et qu’elles ne sont pas entendues. »
D’autant que le réseau est loin d’être au mieux… Les investissements à faire pour remettre en route une ligne de cabotage comme le Lyon-Bordeaux sont énormes. Alors que faire ? Pour la CGT Cheminots, il n’y a qu’un seul responsable à cette situation. Et il s’agit de l’État.
« On est pas à la hauteur des enjeux en termes de développement du ferroviaire », souffle Laurent Aubeleau, représentant régional du syndicat. Depuis le début de l’aventure Railcoop, il le dit à qui veut l’entendre : le chemin de fer coûte cher et ne laisse pas de place à l’improvisation…
Finalement, la situation actuelle lui donne raison. La priorité aujourd’hui pour lui : maintenir le réseau, grâce à un investissement de public. « C’est l’État qui doit être là, au nom de l’égalité de traitement et l’aménagement du territoire », marque-t-il. Une chose est sûre : difficile à présent de penser qu’une société privée s’installera sur ce tracé sans aides de l’État.
À l’appel de l’État et des Régions…
D’accord oui… Mais à condition d’embarquer la Région. Cette dernière est en effet compétente sur les TER depuis le début des années 2000. Quelle position adoptera-t-elle sur le Lyon-Bordeaux ? À la veille de la fin de son premier mandat, le président de la Région Auvergne Rhône-Alpes (LR) Laurent Wauquiez avait été durement jugé sur ses choix en matière ferroviaire.
À l’époque, il était sorti de ses compétences en mettant 234 millions d’euros pour faire une belle RN 88 en Haute-Loire, alors que les petites lignes TER fermaient sur son territoire. Pas sûr qu’il soit convaincu par l’alternative ferroviaire.
D’autant plus qu’il n’est pas le seul impliqué dans l’affaire. Pour initier un mouvement, il faudra négocier avec les autres présidents de Région concernés par le tracé, notamment celui de la Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset (PS). Si volonté politique il y a, cela annoncerait encore de beaux conciliabules.
Bref, on n’est pas sorti des ronces. « Pour l’heure, la réouverture du Lyon-Bordeaux n’a pas l’air d’être à l’ordre du jour », croit encore savoir Laurent Aubeleau, le syndicaliste CGT. À l’origine, Railcoop prévoyait de rouvrir la ligne en 2022. On ne se prononcera pas sur une nouvelle date.
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