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Beaujolais : le #MeToo du vin nature devant la justice ce jeudi

Jeudi 6 avril, Isabelle Perraud, vigneronne dans le Beaujolais, près de Lyon, et présidente de Paye ton pinard, l’association ayant lancé le « #MeToo du vin », comparaît devant le tribunal de Bourges. Elle est attaquée en justice par le vigneron Sébastien Riffault pour diffamation.

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Isabelle Perraud à l'édition 2022 de Sous les pavés la vigne. Une photo par Houcine Haddouche

Ce jeudi 6 avril, le tribunal de Bourges aura à démêler une affaire qui met en émoi le monde du vin nature. Depuis cet été, un conflit dure entre Isabelle Perraud, vigneronne dans le Beaujolais et présidente de l’association Paye ton pinard et Sébastien Riffault, vigneron à Sancerre (Centre-Val-de-Loire). 

Viticulteur « star » dans le milieu du vin nature, il l’accuse d’avoir relayé des propos diffamatoires tenus à son encontre. Dans ces derniers, le vigneron est accusé d’être l’auteur de harcèlement et de violences sexuelles. 

Pour comprendre cette affaire, il faut revenir au Danemark, en février dernier. Sans donner de nom, un témoignage de Lisa Lind Dunbar, publié sur un blog, met en cause un « vigneron français bien connu » pour des faits de harcèlement et d’agressions sexuelles. À la suite de cette publication, la journaliste danoise Maya Tekeli recueille pour le média Frihedsbrevet des témoignages accusant cette « star » viticole de faits similaires, toujours sans nommer le vigneron.

L’affaire s’emballe. Bien qu’il ne soit pas cité, Sébastien Riffault est identifié par ses clients. Certains retirent leurs vins de leurs cartes dont les responsables du Noma, le très prestigieux restaurant de Copenhague, comme l’indique le média spécialisé dans le vin Vitisphere. Sur le réseau social Reddit, des commentaires anonymes mettent en cause directement le vigneron. Enfin, un caviste de New-York l’affiche littéralement sur les réseaux sociaux en reprenant ces accusations et en le citant.

Vignes
Dans les vignes du Beaujolais.Photo : PL/Rue89Lyon.

#MeToo du vin : les articles relayés jusqu’en France par Paye ton pinard

Jusqu’alors à l’étranger, l’affaire arrive en France via Paye ton pinard, en mai 2022. L’association, regroupant une cinquantaine d’adhérent·es, reprend sur ses réseaux le témoignage de la blogueuse danoise. Elle reprend également l’article de la journaliste et la publication du caviste new-yorkais. Une décision « collective », précise la vigneronne Isabelle Perraud à Rue89Lyon. En tant que présidente de Paye ton pinard, c’est elle qui va être attaquée en justice.

En juin, un groupe se monte pour soutenir Sébastien Riffault. Une trentaine de professionnels du vin « donnent l’alerte à propos du lynchage médiatique » que connaît, selon eux, le vigneron. L’avocat de ce dernier met en demeure le caviste new-yorkais pour son post, qui est retiré. Il met ensuite en demeure Paye ton pinard de faire la même chose. L’association refuse alors de retirer sa publication.

« J’ai subi des pressions pour ne pas parler de l’affaire avant qu’elle sorte en France, nous assurait Isabelle Perraud dans un précédent article. C’est ce qui m’a paru louche… »

Après une audience le 1er septembre dernier, le juge des référés (en charge des procédures d’urgence) a demandé le retrait d’une publication le 22 septembre – celle postée par le caviste new yorkais. Il a également condamné Isabelle Perraud à verser 500 euros à Sébastien Riffault. Mais l’affaire n’a pas été jugée sur le fond.

« Est-ce qu’on doit céder et ne plus en parler ? »

Depuis, la tension ne fait que monter entre les deux protagonistes de l’affaire. Confronté à une importante perte de son chiffre d’affaires, Sébastien Riffault met la responsabilité sur les épaules d’Isabelle Perraud.

« Sur les accusations au Danemark, mon nom n’est mentionné nulle part, rappelait le vigneron à Rue89Lyon dans un précédent article. On est seulement dans un rapport de cause à effet. Je ne peux rien faire ! »

Il le rappelle : aucune plainte n’a été déposée contre lui. Il s’agit donc, selon lui, uniquement de « rumeurs » colportées par une « blogueuse ». En face, Isabelle Perraud met, elle, en avant le travail d’enquête de la journaliste Maya Tekeli, à côté du témoignage paru en amont. Elle précise avoir été plusieurs fois en contact avec cette journaliste.

Isabelle Perraud à l'édition 2022 de Sous les pavés la vigne. Une photo par Houcine Haddouche
Isabelle Perraud à l’édition 2022 de Sous les pavés la vigne.Photo : Houcine Haddouche

#MeToo du vin : deux témoins devant la justice pour soutenir Isabelle Perraud

Depuis le début de l’affaire, elle a aussi perdu un nombre important de clients. Si certains se taisent, d’autres prennent position pour le vigneron. Dans ce contexte, elle comprend d’autant plus celles qui n’osent pas prendre la parole contre les agressions sexuelles.

« Est-ce qu’on doit céder et ne plus en parler ? Cette attaque nous dit clairement : taisez-vous ! », nous expliquait-elle il y a quelques mois.

Après plusieurs audiences de procédure, le tribunal devra juger le dossier sur le fond ce jeudi. Dans cette affaire, Sébastien Riffault va tenter de faire condamner la présidente de Paye ton pinard pour diffamation. Isabelle Perraud devra, elle, prouver sa « bonne foi ». 

De nouveau contactée avant la parution de l’article, elle précise que deux témoins de Suède et du Danemark seront présentes. Une lanceuse d’alerte et une femme ayant directement eu à faire au vigneron. Des preuves qui, elle l’espère, seront suffisantes pour la faire sortir de « l’enfer » qu’elle connaît depuis plusieurs mois.

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