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Une journaliste de Rue89Lyon matraquée à la manifestation contre la réforme des retraites

Alors qu’elle documentait la manifestation du 23 mars contre la réforme des retraites, notre journaliste a pris un coup de matraque.

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Alors qu'elle documentait la manifestation du 23 mars contre la réforme des retraites, notre journaliste a pris un coup de matraque.

Ce jeudi 23 mars, une manifestation contre la réforme des retraites s’est élancée vers midi, au départ de la Manufacture des Tabacs. Une manifestation qu’on peut voir comme le point culminant d’une semaine marquée par de nombreuses actions contre la réforme des retraites. À Lyon, on dénombrait 55 000 manifestants selon les syndicats, 22 000 selon la préfecture du Rhône.

C’est au cours de cette manifestation que Laure Solé, journaliste pour Rue89Lyon, a écopé d’un violent coup de matraque sur la hanche. Les faits se déroulent peu avant 13 heures, sur le cours Gambetta, au croisement de la rue Vendôme et de la rue Chavant (Lyon 7e).

Manifestation à Lyon : notre journaliste, identifiée comme telle, crie « presse » et se fait matraquer quand même

Alors que la tête du cortège est à l’arrêt, des groupes de manifestants essaient à deux reprises d’emprunter les deux rues adjacentes, jetant de multiples projectiles sur les forces de l’ordre. Les policiers repoussent les manifestants en bloc, jetant des gaz lacrymogènes dans la foule compacte. Alors que le cortège de tête est enfumé, un groupe retente de forcer le passage rue Chavant.

Notre journaliste Laure Solé est alors penchée sur son téléphone, documentant les événements pour le live de la journée, placée en retrait des affrontements, sur le parking de la placette.

Soudainement, des manifestants hurlent « charge ». Elle tourne la tête vers la rue Chavant, mais les forces de l’ordre viennent de l’opposé, de la rue Vendôme, et déferlent sur la place, pénétrant le cortège matraque à la main.

C’est durant cette charge que les forces de l’ordre confisquent l’une des deux banderoles du cortège de tête. Notre journaliste se plaque contre une voiture, statique, afin d’éviter d’être emportée dans le mouvement de foule. Dans la cohue, un manifestant la pousse entre deux voitures.

Deux policiers de la compagnie départementale d’intervention (CDI) s’engouffrent entre les deux voitures. Le premier passe devant notre journaliste sans s’arrêter, le second frappe violemment le premier manifestant au niveau des hanches, puis notre journaliste de la même façon en s’égosillant : « casse-toi de là », « dégage », « cassez-vous ». Notre journaliste hurle « presse ! » sans succès. Le policier disparaît dans la foule, brandissant sa matraque au-dessus de sa tête.

Aujourd’hui, un hématome, demain quoi ?

Abasourdie, elle reprend ses esprits sous un des arrêts de bus du cours Gambetta avant de reprendre son travail, documentant la manifestation jusqu’à 16 heures passées. Elle écope d’un hématome et de courbatures. Rien de grave. Même si les méthodes de maintien de l’ordre utilisées sur les manifestants comme sur les journalistes nous inquiètent.

Aujourd’hui, un hématome, demain, quoi ? Les journalistes de terrain doivent-ils craindre de recevoir des coups ou d’être blessés à chaque fois qu’ils partent documenter un mouvement social ?

Notre journaliste portait le brassard officiel lors de la manifestation

Laure Solé pense ne pas avoir été identifiée comme journaliste par le policier. Masquée pour ne pas être asphyxiée et aveuglée par les gaz, elle portait pourtant son brassard presse officiel de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP). Le seul signe distinctif reconnu par la profession, uniquement attribué par cette même commission.

Un petit brassard en cuir dans lequel les journalistes glissent leurs cartes de presse, que les forces de l’ordre doivent être formées à identifier.

Alors qu'elle documentait la manifestation du 23 mars contre la réforme des retraites, notre journaliste a pris un coup de matraque.
Le brassard presse de la CCIJP, seul signe distinctif reconnu par la profession, attribuée par la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels

Questionnée à propos de ce coup de matraque, la préfecture du Rhône se dit « navrée » de ce qui est arrivé à notre journaliste mais peine à trouver une solution qui permettrait aux journalistes d’être mieux identifiables par les forces de l’ordre. De plus, celle-ci relativise le bénéfice du port du brassard de la CCIJP :

« Beaucoup de journalistes ne souhaitent pas être identifiés et décident de ne pas en porter. C’est compliqué de trouver une solution qui conviendrait à tout le monde. »

La préfecture rappelle la mise en place récente d’une boucle WhatsApp dans laquelle elle tente de prévenir les journalistes de Lyon des manœuvres des forces de l’ordre ainsi que d’éventuels débordements lors des manifestations lyonnaises.

Un dispositif salué par certains journalistes de Lyon. Cependant, cela ne règle en rien le problème : si les journalistes se mettent en retrait lors de moments potentiellement violents en manifestation, comment les couvrir et documenter les mouvements sociaux ?

La place Antonin Poncet sous les gaz lors de la manifestation contre la réforme des retraites du 23/03 ©LS/Rue89Lyon
La place Antonin Poncet sous les gaz lors de la manifestation contre la réforme des retraites du 23 mars 2023Photo : LS/Rue89Lyon

Depuis l’annonce du 49.3 le 16 mars, Rue89Lyon a déjà recueilli les témoignages de deux journalistes victimes du maintien de l’ordre à Lyon. Maéva, une journaliste indépendante qui couvrait la manifestation sauvage du 20 mars pour un média local, s’est retrouvée prise dans une nasse, rue Sébastien Gryphe (Lyon 7e).

Le même soir, Rodolphe Koller, journaliste pour Tribune de Lyon, a été victime d’un matraquage. Il a reçu un premier coup de matraque sur les doigts et le téléphone, puis un deuxième sur la cuisse.


#Violences policières

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Photo : MA/Rue89Lyon

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