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À Vaulx-en-Velin, la « dame aux orties » milite pour un retour à la nature

À 60 ans, Dalila Fraihia est une habitante quelque peu atypique de Vaulx-en-Velin.

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Dalila Fraihia, la dame aux orties

« Vous allez voir Dalila ? La dame aux orties ? »

Quand on évoque son nom, quelques sourires apparaissent au centre médical Santé Commune de Vaulx-en-Velin.

« Regardez, elle nous a laissés un peu de tisane aux orties », nous montre une membre du centre associatif médical.

À Vaulx-en-Velin, Dalila Fraihia n’est pas le genre de personne à passer inaperçue. Membre de Santé commune, de l’association Bricologis, de la maison pour Agir, d’Anciela… Cette « hyperactive » associative dénote par son énergie et par sa passion pour une plante bien particulière : l’ortie.

Ce jeudi soir, elle nous accueille au verger des croqueurs de pommes de Vaulx-en-Velin, un autre lieu de ses activités associatives. À l’entrée, les orties ont poussé sur une grande parcelle sous son impulsion.

« C’est une plante qui est sauvage. Mais, si on l’aide à s’exprimer dans un endroit qui lui plaît, elle prolifère », commente-t-elle.

Dalila Frahia, la dame aux orties de Vaulx-en-Velin
Dalila Fraihia est connue à Vaulx-en-Velin comme la dame aux orties.Photo : PL/Rue89Lyon.

La « dame aux orties », une personnalité de Vaulx-en-Velin

Avec son foulard blanc sur la tête et sa robe rouge pétante, elle arpente le verger à vitesse grand V. Les yeux brillants, elle saute d’un sujet à l’autre, d’un plan de tomate à un pommier et d’une espèce d’ortie à une de ses cousines.

Orties des bois, grandes orties… Près de 350 espèces différentes existent.

« Tenez, moi, ça fait longtemps qu’elle ne me pique plus les mains », lâche-t-elle en saisissant une feuille de sa plante fétiche entre ses doigts.

Après l’avoir délicatement pliée en quatre, elle déguste la feuille et nous propose d’en faire de même.

« Celle-ci est un plus citronnée si vous faites attention. L’autre a plutôt un goût de champignon. Vous le sentez ? »

Cette plante, elle lui a donné son surnom à Vaulx : la dame aux orties. Cette grand-mère s’en accommode plutôt bien. Comme elle, elle se revendique libre d’aller où elle veut, piquante, et, surtout, riche en énergie et en fer.

« Un bol d’orties, c’est comme un steak ! »

Végétarienne, cette défenseure de l’environnement, as de la punchline, l’assure :

« Je suis comme la vache qui mange de l’herbe. Pas comme celui qui mange de la vache. »

Des orties à Vaulx-en-Velin
Dans le verger des Croqueurs de pommes, à Vaulx-en-Velin, la « Dame aux orties » a ramené sa plante fétiche.Photo : PL/Rue89Lyon

L’ortie en salade, omelette, cake ou à la poêle

Dans son régime alimentaire, l’ortie a une place centrale. Elle mange la plante en salade, en omelette, en cake ou simplement toute seule. Parfois cuite à la poêle, parfois à la vapeur, parfois crue…

Dans son appartement du sud de Vaulx-en-Velin, elle fait sécher l’herbacée dans des grands paniers en osier le temps nécessaire. « Il faut laisser du temps à la nature ! » À partir de cela, elle fait des soins pour les cheveux, des lotions pour les articulations ou des poudres pour la prostate à partir de racines « pour ceux qui ont des problèmes de tuyauteries », plaisante-t-elle.

Ce savoir, elle le tient de son père, originaire des monts de l’Aurès, en Algérie. Paysan, ce dernier avait l’habitude de cuisiner l’ortie.

Poussée dans les orties par son père

Arrivé en France, il est devenu ouvrier et a commencé à travailler à la Tase, une ancienne usine de textile de Vaulx-en-Velin. « Il y a laissé sa santé », souffle-t-elle. En parallèle, cet immigré algérien a continué à ramasser des orties. Une façon de nourrir sa famille, malgré les difficultés financières.

Depuis le début des années 2010, Dalila s’est remise pleinement dans les pas de son père. Garde-malade à l’époque, elle a commencé à organiser des pousses sur le terrain. Puis, en 2016, la dame aux orties arrête son métier dans le soin qui lui a fait « péter un câble. »

Vivant avec peu de revenus, elle développe sa connaissance de l’ortie. Dans le même temps, elle travaille à vivre en conformité avec sa vision de l’environnement. À 60 ans, elle a laissé tomber sa voiture pour se balader principalement en vélo, ou à pied.

Elle se refuse à vendre sa « poudre d’ortie »

« Entrée en résilience », elle se bat pour « qu’on arrête de faire du béton » en favorisant les jardins.

« Pour cela, je fleuris un peu de partout », sourit-elle, faisant référence à ses multiples activités associatives.

Malgré quelques difficultés financières, elle ne veut pas en faire son entreprise. « La nature n’est pas à vendre », grince-t-elle. Pour elle : hors de question de faire commerce de « la poudre d’ortie ».

Avec son savoir et sa manière d’être atypique, celle que certains surnomment « la sorcière » a bien conscience de passer pour une originale. Qu’importe, le message qu’elle transmet est plus important.

« Mon vœu, c’est qu’on laisse les plantes tranquilles et qu’on vive avec, lâche-t-elle. Il faut qu’on ait conscience qu’elles sont un trésor. »

Parmi celles-ci, l’ortie, plante honnie par beaucoup, a sa place. Sur le bitume de Vaulx-en-Velin, Dalila est là pour rappeler l’importance de vivre avec son environnement, comme le faisait son père avant elle. Au passage, cette fille d’immigré algérien rappelle qu’en arabe, « ortie » (أختي ) signifie « ma sœur ».

Indirectement, elle souligne ce que représente pour elle cette plante : une histoire de famille. On s’en serait douté.


#Environnement

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