Une salle avec belle fresque, un panneau « servez-vous » avec du café à disposition, des messages en tout genre qui recouvrent les murs…
C’est la salle d’accueil de « Santé commune », proche du Grand Mas, à Vaulx-en-Velin. Dans la multitude de messages muraux, les informations sur la vaccination contre le Covid-19 sont rédigées en « Falc » (facile à lire et à comprendre) avec des dessins. Sur la théière, le mot « thé » est écrit en plusieurs langues. Pour s’adresser à toutes les personnes.
Perdu au milieu des immeubles d’un quartier de Vaulx-en-Velin, ce lieu de vie compte une infirmière, une sage-femme et trois médecins généralistes. Il est assez éloigné d’un centre médical classique. Il se situe à proximité des gens, à une porte des appartements de l’immeuble.
« Notre but est de nous adapter à la population, reprend Camille Salmon, chargée de projet à Santé commune. Ici, les gens ne doivent pas passer par un standard et taper 1, ou 2, suivant leur situation, pour entrer en contact avec l’équipe. Ils viennent, on les accueille, et on voit. »
À Vaulx-en-Velin : « Nous sommes des acteurs de notre santé »
Depuis octobre 2018, la jeune femme participe à la vie des lieux qui accueillent les habitants de Vaulx-en-Velin et des publics vulnérables (souffrant de handicaps, public du centre d’accueil de demandeurs d’asile, etc.) À ses côtés, elle nous présente deux Vaudais, habitués des lieux. Des « usagers », pour reprendre ses mots, bien plus investis que de classiques « patients ».
« Nous sommes des acteurs, souligne Kheloudja Haroun, 45 ans. Il s’agit de nos enfants, et de notre santé. »
Mère de trois enfants, cette Vaudaise d’adoption a franchi pour la première fois la porte de Santé commune il y a six mois, pour rencontrer une sage-femme.
« J’ai été accueilli par des gens qui prennent le temps de vous écouter », commente-t-elle.
Dans la salle de réunions, où praticiens et habitants se retrouvent pour parler de l’avenir du centre, elle revient sur un point fort des lieux : les secrétaires médicales rebaptisées « les accueillantes ». Responsables de l’accueil du public, ces dernières parlent plusieurs langues dont l’arabe et l’anglais. Un plus qui facilite la communication et donne confiance à certains habitants, en difficulté avec le Français.
Lors des consultations, des interprètes peuvent être mobilisés par visioconférence pour faire la traduction entre patient et médecin. Le temps de consultation est également doublé par rapport à une séance classique, pour prendre le temps avec la personne malade. Dans le même esprit, le tiers payant est toujours fait de manière complète afin de faciliter les remboursements, pour les personnes en difficulté.
Les habitants de Vaulx-en-Velin au cœur du fonctionnement de Santé commune
Dans le quartier, une population vieillissante et isolée, qui a tendance à se sentir abandonnée. Peu à l’aise avec Internet, éprouvant parfois des difficultés avec le Français, cette dernière peuvent vite se retrouver perdu face aux démarches à faire ou face au langage technique des docteurs.
« Quand j’amène ma mère à l’hôpital, si je ne suis pas là pour l’aider, elle ne comprend rien, commente Kheloudja. C’est une aide essentielle. »
Convaincue par les lieux, elle se rend régulièrement au 14 avenue Voltaire pour voir son médecin, donner des coups de main et monter des projets. Récemment, elle a lancé une initiative sur la précarité menstruelle avec l’équipe. Des boites vont être installées pour collecter, notamment, des serviettes hygiéniques. « Preuve que les idées viennent souvent des habitants », commente Camille Salmon.
Cet été, Kheloudja va venir donner un coup de main, secondée notamment de Touhani Kenzari, un autre habitant habitué des lieux, pour créer un « espace détente » à destination de personnes en forte précarité, voire sans-abris.
À l’entrée, celui-ci a aménagé un espace avec des petites annonces en tout genre. Coiffeur pas chère, épicerie sociale… « Evidemment, il s’agit à chaque fois de venir en aide à ceux qui n’ont pas les moyens. », précise le « presque » retraité de 63 ans.
« Un rapport de pouvoir basé sur la connaissance et l’expérience, mais pas sur la domination »
Loin des hôpitaux aseptisés, surchargés, Santé commune veut être un lieu ouvert aux habitants comme à leurs inspirations. Le centre revendique un fonctionnement au sein duquel le médecin a autant de poids dans les décisions générales que les accueillantes ou la médiatrice santé, chargée d’accueillir les patients.
Un symbole ? Toutes les tables des lieux sont rondes. « J’y tiens, ajoute Camille Salmon. Ça évite les face-à-face. » Les prises de décisions sont toujours prises à dix, de façon collégiale.
« Ici, on a tendance à dire qu’il y un rapport de pouvoir basé sur la connaissance et l’expérience, mais pas sur la domination. Tout peut donc être questionné. Même la connaissance académique. », indique-t-elle.
De cette façon, Santé commune répond à un double besoin : celui d’être accompagné dans la prise en charge et celui d’être pris en charge.
À Vaulx-en-Velin, un manque important de spécialistes
À l’image de ce qui peut se passer au Tonkin, à Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, souffre d’un manque de médecins. Souffrant d’une mauvaise image, la ville a du mal à accueillir des spécialistes, préférant la ville voisin.
« Je suis obligé d’amener mon fils chez l’orthophoniste à Villeurbanne, soupire Kheloudja Haroun. Il y a un pédiatre, plus de pédopsychiatre, un seul ORL… Bref, dès que l’on veut voir un spécialiste, il faut aller voir ailleurs ! »
Dans un quartier où les familles monoparentales occupent une place importante, le fait de bloquer des après-midi entières pour aller faire soigner ses enfants reste difficile.
« La santé, quand tu es une maman solo, c’est un travail à plein-temps », souffle Kheloudja Haroun.
Récemment, le collectif Enfants en souffrance de Vaulx-en-Velin a lancé un message d’alerte aux autorités. Lors de leur dernière manifestation, le collectif faisait état de 178 enfants sans prise en charge d’un centre médico-psychologique. 200 enfants sont en attente d’une place chez l’orthophoniste et 87 enfants sont en attente de place en Sessad (structures d’accueil spécialisées pour les enfants en difficulté). Un grave manque dans une ville de 50 000 habitants où les moyens de transports ne sont pas toujours.
« Pour trouver un orthodentiste, c’est aussi la croix et la bannière, râle Kheloudja Haroun. Idem, quand on commence à parler de la CMU (complémentaire santé solidaire), c’est niet. »
Pour pallier ce manque, Santé commune cherche à recruter un orthophoniste et un psychologue. Un premier pas, certes, mais qui restera insuffisant face à l’étendue des manques.
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