
« Le vélo comme unique totem à Lyon peut être contreproductif »
Reno Bistan, qui se présente comme éco-anxieux et tient, à ce titre, une chronique sur Rue89Lyon, nous parle cette semaine du risque pris par la Métropole écologiste de Lyon, à favoriser le vélo sans accompagner cette politique d’une offre complète et accessible de transports en commun. Colonnes ouvertes.
R.E.V et R.E.M
Dans la communication de la Métropole, à travers les pages de son journal notamment, comme dans l’image que les élu.e.s aiment donner d’elles/eux mêmes : il y a le vélo !
Un certain contraste bien appréciable par rapport à une ancienne mandature où les « vroomers » étaient plutôt légion, mais qui peut laisser craindre que cette manière d’utiliser la bicyclette comme unique totem ne devienne contre-productive si elle n’est pas assortie d’une réflexion, de projections et d’une communication au moins aussi importante concernant les transports en commun.
Il ne s’agit évidemment pas de dire qu’on en fait trop pour le vélo. Lyon reste, malgré tout, loin d’être une ville réellement « cyclable » en terme de continuité des pistes et il demeure beaucoup de chantiers à mettre en route notamment pour le stationnement, l’accès aux établissements scolaires, la promotion auprès des entreprises et des plus jeunes, les rues entièrement cyclables, voire l’aide à l’acquisition d’un cycle pour les personnes sans ressources…
Ajoutons que transports en commun et vélos ne sont pas en concurrence en terme d’infra-structures et même bien souvent des alliés, le vélo pouvant bénéficier, par exemple, des aménagements en « site propre » pour le bus ou le tramway.
Le Réseau Express Vélo devrait être accompagné d’un réseau de transports collectifs global
Le vélo a, en outre, cet avantage de dessiner des parcours à « hauteur de personnes », de matérialiser, en quelques sortes, ce qui, dans une société écologique et conviviale, pourrait être souhaitable en termes de distances pour nos déplacements quotidiens de travail, de loisir, de courses…
La création d’un Réseau Express Vélo semble portée par une réflexion globale sur l’usage, qui concerne l’ensemble des communes et des liaisons, et qui serait à même de sortir la pratique cycliste de cette niche de « nantis » de centre ville à laquelle elle est souvent associée.

On sent dans cette réflexion un apport important des associations de promotion du vélo, mais, si ce Réseau Express Vélo peut faire rêver, il est fort dommage de ne pas percevoir un même enthousiasme à parler d’un réseau de transports collectifs global sur la Métropole en s’appuyant notamment sur les réflexions menées par les associations comme Darly qui planchent depuis des années sur la question.
Le tram-train réalise déjà le trajet Tassin – Lyon en 10 minutes
Des réflexions qui recoupent peu ou prou l’incompréhension d’usager.e.s quand au fait que ne soit pas opéré un réel rapprochement entre tous les modes de transports collectifs à disposition (tram-trains, TER, cars du Rhône, Rhônexpress voire cyclopolitains…) pour qu’ils soient entièrement accessibles sur le territoire de la Métropole avec un seul et même ticket, renseignées comme le reste des lignes, en terme d’horaires, sur le site TCL, et surtout intégrés à la réflexion globale sur le développement des transports dans la Métropole.
Ainsi, pendant qu’élu.e.s de l’ouest lyonnais arc-boutés sur la construction d’un métro E et promoteurs du téléphérique s’empoignent, il est étonnant que ne soit quasiment jamais évoquée cette ligne pratique et confortable de tram-train qui rejoint Sain Bel d’un côté et Brignais de l’autre.
Etonnant que ne soit pas rappelé à l’ex-président de la Métropole qui défendait cette ligne de métro E au prétexte qu’elle relierait « Tassin au centre de Lyon en 10 minutes », qu’en fait le tram-train réalise déjà cette performance sans qu’il y ait à attendre plusieurs décennies et que les aménagements qui permettraient de le rendre plus cadencé et usité encore seraient certainement bien moins lourds que ceux nécessaires à la construction d’une ligne de métro.
Le train cher pour des communes qui se ressentent déjà reléguées
De même, il semble absurde que pour se rendre dans le centre de Lyon depuis Givors, pourtant partie intégrante de la Métropole, les TCL proposent un trajet aller-retour de… 4h.
Dans le même temps, on peut consulter la SNCF, constater qu’un train relie les deux villes plusieurs fois par heure pour un temps de trajet d’une vingtaine de minutes. Malheureusement cette solution qui fait largement préférer le train coûte plus de 10 euros aller-retour (alors même que la portion d’autoroute sur ce tronçon est gratuite).
Rappelons que Givors est une commune particulièrement déshéritée, excentrée et que cette situation ne peut qu’aggraver le sentiment de relégation.
Evidemment cet exemple n’est pas isolé et concerne nombre de villes de l’agglomération qui sont connectées à un réseau ferroviaire qui semble totalement ignoré des aménagements en termes de transports collectifs, quand des lignes ne sont pas carrément doublées par le métro alors que d’autres endroits manquent cruellement de modes de desserte pratiques.
Cette subsidiarité souhaitée entre toutes les lignes de transports ne représente pas une innovation incroyable. Elle est même la règle dans de nombreuses villes européennes. En France, on la connaît à Paris bien sûr avec le R.E.R mais elle sera bientôt une réalité à Strasbourg, à Lille le ticket unique est acté dans la Métropole… Et globalement, l’idée que l’optimisation de lignes de trains existantes est une alternative intéressante à la construction longue et laborieuse de nouvelles lignes de métros a plutôt le vent en poupe.
« Une politique des petits pas »
Dans les quelques projets de transports en commun qui ont été rendus publics pour ce mandat, les lignes de tramway proposées pour relier notamment des quartiers de Villeurbanne ou Vaulx-en-Velin ont, bien sûr, toute leur utilité, tout comme les lignes de bus HQS sur les M6/M7 qui auraient tout lieu d’être largement développées un peu partout.
Pour autant lorsque, pour beaucoup de trajets encore, le temps de parcours à l’intérieur même de la Métropole est jusqu’à trois fois plus long en transports en commun qu’en voiture, il semble urgent d’envisager tout ce qui existe comme options pour faciliter ces trajets vers le centre mais également d’un point à l’autre de l’agglomération.
Et lorsque des élu.e.s EELV, pourtant plutôt au fait de ces questions, n’évoquent « que » les 4 lignes de tram supplémentaires, le prolongement du métro voire le transport par câble comme alternative à la voiture individuelle, il reste comme une impression d’une politique des petits pas.
« La Région présidée par le fort peu écologiste Wauquiez ne facilite pas les choses »
Un des arguments opposés à la mutualisation des réseaux est, évidemment, le fait que les TER dépendent de la Région présidée par le fort peu écologiste Wauquiez, ce qui ne facilite pas les choses. Mais bien des équipements sur le territoire associent les deux collectivités et nécessitent une concertation entre la Région et la Métropole. Et puis, dans la perspective très prochaine d’élections régionales, un projet de ce type pourrait être d’autant plus un argument en faveur d’une Région passant au main des écologistes.
Libérer nos vies de l’omniprésence de la voiture est un formidable défi écologique, non seulement par ce qu’elle est une considérable source directe et indirecte de pollution atmosphérique et d’émissions de gaz à effets de serre mais aussi par ce que son usage inconsidéré est étroitement lié à l’artificialisation des sols, à un étalement accéléré des zones d’habitations, commerciales de plus en plus loin de bourgs souvent réduits à peau de chagrin.
A l’inverse, tout comme la présence de pistes de vélo sécurisées, celle de gares et lignes de train régulières, pour peu qu’on encadre cet étalement urbain, peuvent contribuer à rendre le centre des communes plus vivants et « désirables », elles ajoutent une possibilité de déplacement non seulement vers la ville centre mais aussi vers d’autres destinations et notamment les communes voisines.
Les villes pro-vélo en Hollande ou au Danemark sont fortement motorisées
On cite souvent les villes du Nord de l’Europe comme des modèles écologiques du fait de leur grande cyclabilité, mais plus que la seule part modale du vélo, il est intéressant de regarder dans chaque agglomération la part de la voiture dans les déplacements, ce que propose de manière très pratique la plateforme Epomm.
On se rend alors compte que les villes où la voiture est la moins présente ne sont pas forcément celles que l’on pourrait croire et que celles très cyclables de Hollande ou du Danemark sont finalement aussi assez fortement motorisées.

En revanche, les agglomérations européennes les plus « vertes » en terme de déplacements sont celles qui combinent le mieux toutes les alternatives à la voiture individuelle : transports publics, cyclabilité et marchabilité.
Le vélo est évidemment une alternative plus que crédible à la voiture dans beaucoup de cas, il permet souvent dans la Métropole un temps de parcours intermédiaire entre l’auto et les transports en commun, sans compter ses effets bénéfiques pour la santé voire la sociabilité.
Un risque à se complaire dans une posture uniquement vélo
Ainsi, le développement de la cyclabilité est un objectif qui doit rester permanent. Pour autant, il y a clairement un risque à se complaire dans une posture uniquement cycliste, à même de prêter le flanc à la caricature, et à ne pas exprimer d’aussi grandes ambitions pour les transports en commun qui incarnent plus que toute autre chose l’équité et l’accessibilité pour tou.te.s.
Et pour concrétiser cette ambition, outre des mesures vraiment ambitieuses en terme de fréquence, de prix et de fiabilité, l’utilisation exhaustive de l’existant dans le cadre d’un réseau métropolitain semble incontournable.

À Rue89Lyon, on assume un journalisme engagé. Notre rôle, en tant que journaliste, c’est d’alerter, de demander des comptes, parfois d’égratigner celles et ceux qui nous gouvernent, souvent de donner la parole aux personnes à qui elle est confisquée.
Pour que ce journalisme continue de vivre à Lyon, dans sa banlieue, mais aussi dans la proche ruralité : parlez de nous autour de vous, offrez un abonnement à vos proches, ou faites un don à Rue89Lyon.
La base EPOMM n'est pas totalement fiable.
Elle montre par exemple que les habitants de Bratislava en Slovaquie ne se déplaceraient qu'en voiture ou transport en commun, jamais à pied ou en vélo.
Il doit y avoir d'autres données bizarres, mais moins apparentes (et la collecte des données n'est sûrement pas faite partout de la même façon)
.
On constate cependant, si on veut croire les chiffres, et comme vous le faites remarquer, que Copenhague - qui se targue d'être ville de vélos - est bien aussi une ville de voitures.
La statistique est sur la ville centre d'environ 600 000 hab : marche 17%, vélo 30%, transport public 20 %, voiture 33 %
.
Les chiffres pour Lyon + Villeurbanne (env. 600 000 hab), tirés de l'enquête déplacements 2015 (et pas d'Epomm qui donne les chiffres pour l'agglo lyonnaise 1,37 million habitants) : marche 47 %, vélo 2 %, transport public 26 %, voiture 25 %
.
Évidemment les distances parcourues par les divers moyens de déplacement ne sont pas les mêmes.
.
C'est la raison essentielle pour laquelle il faut viser les déplacements automobiles longs, en tentant de les remplacer aussi souvent que possible par :
- un combiné mode doux + TC + mode doux,
- ou par un déplacement plus court
(j'ai souvenir d'avoir accompagné un automobiliste de ma famille sur 40 km en voiture et fait plusieurs magasins d'ameublement en banlieue pour dégoter le meuble à chaussures le moins cher possible, mais bon, on ne refait pas son beau frère).
.
Se déplacer plus court, c'est autant une question d'urbanisme (faire en sorte que presque tout, magasin de meubles pas chers compris, soit proche), que de transports.
.
Mais on sait aussi que les gens roulent moins voiture quand ils sont sûrs d'avoir du mal à la garer.
.
Donc remplaçons des places de stationnement par des plantations, les parkings de grandes surfaces par des bois, et mêlons davantage les habitats, les emplois, les commerces, services.
Il faut absolument abandonner le "zoning" basé sur l'utilisation des bagnoles.
Et tentons de faire baisser les prix des logements (je n'ai pas la méthode, hélas) qui chasse les gens pauvres "loin de tout" et crée une ville régie par le niveau de vie et le fric.
.
Crdt