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PLU-H à Lyon : une visioconférence à 400 personnes et autant d’idées

La Métropole de Lyon a lancé ce mardi 13 avril une concertation publique au sujet d’une modification à venir du PLU-H (plan local d’urbanisme et d’habitation). Près de 400 personnes ont participé mardi soir à une réunion publique organisé par les élu·es, en visioconférence. Une première expérience de « démocratie participative », brouillonne et enthousiaste.

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Perspective de la rue des Girondins depuis l'avenue Jean-Jaurès. La rue sera prolongée depuis la rue Félix Brun jusqu'à la station de métro. C'est sur cette portion que des commerces devraient être implantés en pied d'immeubles.

Perspective de la rue des Girondins depuis l’avenue Jean-Jaurès. La rue sera prolongée depuis la rue Félix Brun jusqu’à la station de métro. C’est sur cette portion que des commerces devraient être implantés en pied d’immeubles.

Ce mardi 13 avril, la Métropole de Lyon a ouvert une concertation publique autour de la dernière modification en date du Plan local d’urbanisme et d’habitat (PLU-H). Cet épais document fixe les règles en vigueur et les orientations du schéma d’urbanisme des 59 communes de la métropole de Lyon, jusqu’en 2026.

Il s’agit cette année de la 3ème modification du PLU-H, auquel le nouvel exécutif à majorité écologiste de la Métropole souhaite donner une direction plus cohérente avec son projet politique : du logement social, des modes doux, plus de nature en ville et alentour.

Cette dernière modification doit être soumise aux critiques des habitant·es jusqu’au 20 mai. Et ils comptent bien se saisir de l’occasion pour faire entendre leurs voix.

Près de 400 personnes connectées une visioconférence

Ce mardi soir, pour le lancement de cette concertation publique en visio, ils et elles sont près de 400 à vouloir faire entendre leurs doléances aux vice-présidents de la métropole présents : Pierre Athanaze pour l’environnement, Renaud Payre pour le logement, Béatrice Vessiler pour l’urbanisme et enfin Laurence Boffet chargée justement de la participation citoyenne.

Dans le public, quelques professionnels de l’immobilier mais, en très grande majorité, des habitant.es d’horizons divers : retraité·es du centre-ville de Lyon, jeunes du 3ème ou du 7ème arrondissement, habitant·es de toujours du quartier États-Unis, personnes âgées de Lissieu… Tous soudés par l’envie de s’impliquer dans des décisions qui les concernent.

Béatrice Vessiller, vice-présidente à l’urbanisme, ouvre le bal en présentant les deux axes principaux de cette 3ème modification du PLU-H : la solidarité et l’environnement. Alors que ses collègues détaillent brièvement ce qu’impliquent ces deux termes, à côté de la caméra, le chat s’enflamme. Sur la préservation de l’environnement, les habitant·es seront particulièrement vigilant.es. A l’instar d’un certain Saïd, qui trouve visiblement cet engagement un peu mou :

« Sur Meyzieu, il y avait un magnifique champ qui a été remplacé par des immeubles et le centre de formation de l’OL ! »

Yannick, un autre habitant, a trouvé la solution :

« Peut-on garder les arbres où il y en a ? »

En lettres capitales et nombreux points d’exclamation, Anton prévient d’emblée le nouvel exécutif :

« L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage ! »

Pendant ce temps, plusieurs personnes demandent sans cesse comment se connecter et tentent de régler leurs webcams. Des têtes apparaissent les unes après les autres sur les écrans, souvent coiffées de cheveux blancs et aux visages ridés.

« Ça devient verbeux, ça parle pour ne rien dire »

Souriant derrière son masque, Renaud Payre, vice-président à l’habitat, au logement social et à la politique de la ville, tente de calmer les esprits :

« Il va peut-être y avoir des questions un peu vives, c’est le but. »

Et d’embrayer sur les enjeux et le rôle de la métropole de Lyon, ainsi que sur sa volonté de « développer une politique de solidarité et de logement social ». Peu réceptif à un cours de politiques publiques, sur le chat, Philippe grogne à l’intention du vice-président :

« Ça devient verbeux, ça parle pour ne rien dire. »

D’autres proposent de mettre en place une université citoyenne pour les aider à décrypter ce fameux PLU-H, qu’ils jugent trop complexe pour le moment. Laurence Boffet, vice-président à la participation et aux initiatives citoyennes en convient, c’est une première en matière de démocratie participative :

« C’est la première fois qu’on met ce document à la concertation des Grands Lyonnais, la première fois qu’on met en place une plateforme de participation. On s’engage à reprendre toutes vos propositions et à les regarder. Là aussi, c’est une première. »

Des idées en pagaille

L’exécutif va avoir du pain sur la planche : pour peu qu’on se donne la peine de les écouter, les citoyen·nes ont beaucoup à dire. Sur le chat, les doléances défilent. Nombre d’entre elles sont très précises et concernent une commune ou un quartier précis. Certain·es réclament des mesures pour lutter contre les voitures, d’autres contre les vélos, c’est selon. Des habitants du centre-ville de Lyon s’inquiètent de la présence de nombreuses locations Airbnb qui fait perdre son âme à leur quartier, estiment-ils. A plusieurs kilomètres de là, les ruraux insistent sur le fait que « la métropole, ce n’est pas que Lyon ! ».

Les habitant·es ne sont pas non plus en manque d’idées pour résoudre ces problèmes : créer davantage d’espaces verts et de parcs canins, planter des arbres dans les trous du goudron, mieux répartir les logements sociaux sur la métropole, jeter en prison les gens qui coupent des arbres, mieux encadrer les loyers sur la Presqu’île…

Les vice-président·es tentent de ramener la discussion sur l’aspect environnemental de cette 3ème modification du PLU-H. Béatrice Vessiller annonce que les zones agricoles censées être transformées en zones d’activité resteront des zones agricoles, qu’il faut favoriser l’urbanisation autour des gares des communes périphériques de Lyon et des dessertes de transports en commun, qu’il faut privilégier les modes doux en augmentant la part de stationnements vélo dans les nouvelles construction tout en diminuant les places de parking des voitures…

Plus de nature, de WC et de bancs publics

De son côté, Pierre Athanaze, en charge de l’environnement justement, tente d’insister sur la nécessité de rendre la ville perméable à l’eau avec des espaces boisés classés et de nouveaux espaces verts en pleine terre. Il enfonce également le clou sur la pollution atmosphérique et sonore dans la métropole de Lyon.

Mais certain·es habitant·es, comme Marie-France, ont d’autres préoccupations, plus concrètes :

« Il faut davantage de WC, de fontaines et de bancs publics ! »

Et un certain Romain d’enchaîner :

« A quand une réglementation sur les climatiseurs qui rejettent l’air chaud sur les voisins ? »

Toutes et tous sont d’accord pour prendre soin de la planète, mais estiment qu’on ne leur en donne pas les moyens. De nombreux·ses habitant·es fustigent les parking-relais pleins ou les espaces verts détruits pour construire des immeubles à la place. A Lissieu, une vieille dame pleure un chêne centenaire coupé récemment près de chez elle.

6000 logements abordables d’ici 2026

Renaud Payre essaye de réorienter le débat sur le logement. Il annonce la construction de 5000 logements sociaux d’ici 2026, ainsi que le passage de 1000 autres en « bail réel solidaire » (BRS), qui permet de dissocier le foncier du bâti. En clair, les ménages sous plafond de ressources peuvent devenir propriétaire d’un logement sans débourser le prix du terrain, dont ils restent locataires.

Au passage, Renaud Payre pointe du doigt les communes carencées en logements sociaux (-25 % de logements sociaux) et frileuses à l’idée d’en faire construire davantage. Il met également en avant sa volonté de lutter contre le logement indigne, « en particulier sur les communes d’Oullins, de Saint-Fons et de Givors ».

Christine, une habitante, prend la parole pour promouvoir l’habitat coopératif comme moyen de lutte contre la spéculation immobilière. Sans s’engager sur le sujet, Renaud Payre affirme que la métropole y est « très favorable ».

Pour Anton, toujours en lettres capitales, cette présentation de la politique du logement de la métropole ne suffit pas :

« Comment allez-vous encourager la réhabilitation des logements existants ? »

La question vise les « passoires thermiques », ces immeubles vétustes et mal isolés comme ces HLM de Lyon 9ème, véritables gouffres financiers et écologiques. Renaud Payre l’a bien compris :

« Pour lutter contre les passoires thermiques, nous avons un outils qui s’appelle Ecoréno’v. Nous allons aussi être attentifs à la végétalisation des toitures… »

Anton ne semble pas convaincu :

« Ça, c’est du jardinage ! »

« De bonnes orientations générales » et des « incantations »

Il n’est pas le seul à être sceptique. Alors que la fin de la visio approche, les questions s’enchaînent dans le chat :

« Pourrait-on saisir les mètres carrés de bureaux inutilisés ? »

« La Petite Guille a besoin qu’on s’intéresse à elle. »

« Et le boulevard des États-Unis ?? »

Dans le chat, un certain Bernard résume l’état d’esprit des participants à cette visio de lancement de la concertation publique :

« Pour l’instant, beaucoup de bonnes orientations générales et incantations exprimées avec des périphrases un peu complexes à comprendre, mais peu d’explications concrètes des actions qui vont être menées. »

Resté·es sur leur faim, les habitant·es se renseignent sur la suite des événements : comment s’assurer que leurs propositions soient remontées et prises en compte ? Laurence Boffet joue l’apaisement : celles-ci seront affinées lors d’ateliers prévus le 6 mai et toutes seront remontées jusqu’au 20 mai, date de fin de la concertation publique. Un bilan des modifications retenues sera fait à l’automne 2021, puis une enquête publique sera ouverte dans la foulée.

En attendant, les habitant·es, enthousiasmé·es par cette première expérience de démocratie participative, ont montré un grand désir de démocratie participative. Au point d’être entendu·es ? Affaire à suivre.


#démocratie

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