Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

Une régie pour l’eau du Grand Lyon : la fin du pré carré de Veolia

Ce lundi, la majorité du conseil de Métropole a voté la fin de la gestion privée de l’eau du robinet. Avec ce passage en régie de la production et de la distribution de l’eau, c’est la fin du long règne de Veolia.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Lyon, abonnez-vous.

Un chantier de la filiale de Veolia "Eau du Grand Lyon" dans le 8e arrondissement de Lyon en avril 2015. ©LB/Rue89Lyon

C’était une promesse des écologistes, des socialistes, des communistes et des insoumis durant la récente campagne métropolitaine.

Quelques mois après son installation, la nouvelle majorité à dominante verte applique son programme. A partir du 1er janvier 2023, la Métropole de Lyon ne confiera plus la gestion de l’eau au privé.

Depuis de longues années, le passage en régie et donc la fin de l’emprise de Veolia sur la production et la distribution de l’eau de Lyon fait l’objet d’un consensus au sein des différentes forces de gauche et écologistes.

L’exécutif dirigé par Bruno Bernard n’a donc eu aucun mal à faire voter cette délibération qui a fait l’unanimité dans son camp. Et a suscité une levée de bouclier du côté de l’opposition.

La fin du royaume Veolia

La main mise de Veolia sur l’eau du Grand Lyon remonte au contrat signé en 1986 avec la Courly (Communauté urbaine de Lyon).

À l’époque, la Compagnie Générale des Eaux, devenue Veolia avait bénéficié de conditions particulièrement avantageuses. D’une durée de trente ans et avec un prix du m³ si élevé, ce contrat avait fait de l’eau des Lyonnais la deuxième plus chère de France. Le tout, qui plus est, sur fond de pratiques peu transparentes et d’un prix de l’eau prohibitif.

En 2012, ce contrat avait été résilié de manière anticipée mais l’assemblée du Grand Lyon avait voté tout de même pour le renouvellement d’une DSP. Les débats avaient été corsés.

Gérard Collomb avait pesé de tout son poids pour faire adopter une nouvelle DSP et un nouveau contrat avec Veolia.

Par rapport au précédent contrat, les améliorations avaient été notables : une durée de 8 ans seulement, un prix de l’eau en baisse de 20%, l’obligation de réduire les fuites sur le réseau et de créer une société à part – Eau du Grand Lyon – pour gérer ce marché, afin de faciliter les contrôles.
Ce contrat, officiellement démarré le 3 février 2015, arrive à échéance à la fin 2022.

Pour la majorité, les efforts de Veolia ne seront jamais suffisants

Durant et avant la récente campagne pour les élections métropolitaines, la croisade contre la gestion par le privé de l’eau a été menée par le collectif Eau Bien Commun Lyon Métropole (EBCLM), composé de citoyens, d’associations de consommateurs d’eau, de syndicats mais aussi de partis politiques classés à gauche. Parmi lesquels, on retrouve toutes les composantes de l’actuelle majorité, notamment EELV, LFI ou encore le PCF.

L’intitulé de ce collectif fait office de programme.

La délibération votée ce lundi reprend (en gras dans le texte) cette même affirmation philosophique :

« L’eau est, bien plus qu’une ressource, un bien commun vital pour l’humanité et l’ensemble du vivant. »

Par conséquent, les efforts de Veolia pour baisser le prix de l’eau et réparer les fuites seront toujours jugés insuffisants.

Il est reproché naturellement les « marges du délégataires », même si pour un contrat à 91 millions d’euros par an, la rentabilité annuelle pour le délégataire a bien diminué, passant à 6,5% en moyenne de 2015 à 2019.

Autant d’argent que l’exécutif de la Métropole veut réinvestir pour améliorer le rendement du réseau.

La vice-présidente en charge de l’eau, Anne Grosperrin a développé un autre avantage de la régie par rapport à une délégation de service public : la participation des usages « à la définition des politiques publiques relatives à la gestion de l’eau ». D’où le choix d’un passage en régie avec autonomie financière et personnalité morale qui permettra de faire participer des associations d’usagers et des représentants du personnel au conseil d’administration de la régie.

Deux enjeux environnementaux et un enjeu social

Hormis ces deux avantages mis en avant, l’exécutif assume un choix politique issu des élections qui n’a fait l’objet ni d’une concertation avec les autres forces politique, ni d’une étude comparative sur les différents mode de gestion, ni d’une évaluation du coût du passage en régie.

Quelque soit le mode de gestion, ce sont surtout les enjeux liés à la ressource, l’eau, qui risque d’être prégnants dans les trente prochaines années.

Comme nous l’écrivions, deux questions se posent dès maintenant :

  • La diversification de la ressource. Actuellement, l’immense majorité (90%) de l’eau utilisée par les Lyonnais est puisée dans le champ captant de Crépieux-Charmy, situé sur une île au milieu du Rhône au niveau de Vaulx-en-Velin. Pour diversifier les captages et, ainsi sécuriser la ressource, il faudra investir plusieurs dizaines de millions d’euros.
    D’autant que d’ici 2050, les travaux de modélisation mettent en évidence une diminution des débits d’étiage de 10 à 60 % du Rhône. Or c’est la nappe phréatique d’accompagnement du fleuve qui est actuellement pompée.
  • La question des « micropolluants ». Ces substances (de l’ordre du microgramme ou du nanogramme par litre) peuvent provenir d’activités industrielles ou agricoles (par exemple des pesticides), de nos modes de transport (hydrocarbures…) ou des activités domestiques (produits ménagers,…). Et même à de très faibles doses, elles sont susceptibles d’avoir des effets toxiques sur l’environnement, la biodiversité et la santé humaine (par exemple agir comme des perturbateurs endocriniens). La Métropole doit désormais s’attaquer à se problème après avoir largement réglé le problème des « macropolluants » (nitrates et matière organique) que l’on trouvait dans l’eau.

A ces enjeux environnementaux, les écolos ajoute un enjeu social d’accès pour les plus pauvres à la ressource. Cette tarification sociale passera par la gratuité des premiers m3 et une tarification progressive pour que les plus gros utilisateurs payent proportionnellement plus au litre.

Un chantier de la filiale de Veolia "Eau du Grand Lyon" dans le 8e arrondissement de Lyon en avril 2015. ©LB/Rue89Lyon
Un chantier de la filiale de Veolia « Eau du Grand Lyon » dans le 8e arrondissement de Lyon en avril 2015. ©LB/Rue89Lyon

Les héritiers de Collomb et les Républicains votent contre

Tous ces chantiers à venir, une gestion sous la forme d’une délégation de service public aurait pu les mener.

C’est ce que les différents groupes d’opposition se sont efforcés de rappeler, ce lundi, pointant le « dogmatisme » ou « une décision idéologique » du nouvel exécutif.

Le plus remonté, le collombiste Louis Pelaez, a fait une longue intervention au nom du groupe « Inventer la Métropole de demain ».

A lui tout seul, il a rassemblé toutes les interventions de l’opposition, parlant d’une « délibération lunaire » :

« Il fallait en passer par des études évaluant les différents modes de gestion. Vous agissez en dépit du bon sens. Avec un contrat à 600 millions d’euros, il faut prendre quelques précautions. On ne joue pas avec l’argent des Grands Lyonnais. Vous êtes persuadé d’avoir raison sans jamais le démontrer. »

Malgré les votes contre ou les abstentions des membres de l’opposition, la délibération est passée sans difficulté.

Prochaine étape, la définition du périmètre et de la gouvernance de la future régie. Un groupe de travail devrait, cette fois-ci, associer l’opposition. Ambiance garantie.


#Eau du Grand Lyon

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Autres mots-clés :

#Eau du Grand Lyon#Métropole de Lyon#Veolia

À lire ensuite


veolia-eau-Grand-Lyon-2

Photo : Christophe Chelmis / Rue89Lyon

Plus d'options