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« Le Teil en Ardèche n’est pas cet Eden goguenard, ubuesque et rigolard »

Suite à une tribune publiée sur Le Teil et l’utopie urbaine qui y est dépeinte, nourrie par les projets culturels et sociaux en cours, un habitant de cette commune située en Ardèche a souhaité réagir, se disant « stupéfait ». Il s’agit de Stanislas Waligorski, médecin psychiatre aujourd’hui à la retraite, vivant dans le centre de la ville depuis qu’il a cessé son activité il y a quatre ans.

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Le pont du Teil. DR

Nous avons pu échanger avec lui au téléphone afin de replacer le contexte de publication de la tribune initialement publiée et nous lui avons proposé de rendre public son propre texte, afin que la multiplicité des voix et points de vue soit entendue. Le maire du Teil, Olivier Peverelli a été ré-élu dès le premier tour des élections municipales de mars 2020.

Stanislas Waligorski n’a quant à lui pas été candidat, bien qu’il ait hésité avant de renoncer à rejoindre une liste concurrente, afin de ne pas laisser le champ libre « à la seule liste du maire et à celle du Rassemblement national ». Il nous a par ailleurs expliqué qu’il était sympathisant LFI. Nous avons sollicité le maire du Teil par mail afin qu’il puisse à son tour prendre la parole, ce qu’il a fait dans un texte circonscrit également publié.

« Je précise que j’habite au Teil, en plein centre (dans la vieille rue Kléber), et que je suis médecin retraité.

Où avez-vous été chercher ce tableau idyllico-délirant de la ville de Le Teil ? Où avez-vous cherché ce panégyrique effréné de l’actuelle équipe municipale ? Notre maire serait « l’une des personnalités les plus attachantes du monde » (sic). Nous ignorions en effet qu’il rivalisait avec le Mahatma Gandhi et Nelson Mandela. Sa collaboratrice – Nathalie – est qualifiée de « déesse aux cents bras » ; nous pensions que cela était réservé aux divinités féminines de l’hindouisme.

Plus sérieusement, vous évoquez la création d’une zone commerciale « tout ce qu’il y a d’ordinaire » (sic), en bordure de commune –en fait en bordure de Rhône… Il faut préciser que cette zone n’est accessible qu’en voiture –et tant pis pour ceux qui n’en ont pas (trop vieux, trop pauvres…) ; et tant pis pour l’écologie (on fera tourner les moteurs….) ; et tant pis pour la proximité… Car cette zone commerciale a vidé le centre ville de ses commerces ; il suffit de se promener dans la rue de la République, ou le boulevard Stalingrad, pour voir les vitrines de commerces défunts, ridiculement maquillées d’affiches en trompe l’œil !

Plus grave, cette zone commerciale a entrainé la fermeture de tous les commerces des quartiers Sud du Teil (HLM du Frayol, HLM de la Violette), qui se retrouvent désertifiés.

La Violette ; des tours et des barres de HLM à 2 kilomètres (à vol d’oiseau) du centre ville, 3 kilomètres (à vol d’oiseau) de la zone commerciale, mais bien plus en voiture ou à pied ! La Violette, donc, possédait jadis un Intermarché, bien achalandé, un Brico Marché, une station service, un dépôt de bouteilles de gaz, etc. Tout a disparu ; la promesse d’ouvrir une supérette pour que les habitants du quartier puissent faire un minimum de courses est toujours en souffrance.

Il m’arrive de prendre en voiture de vieilles dames, chargées de cabas, qui s’en retournent à pied à La Violette, après avoir fait leurs courses au centre ville. Trois kilomètres à pied !

Et l’école maternelle de La Violette, où les mamans des HLM pouvaient amener leurs enfants, au bas des tours, est elle aussi promise à fermeture, comme trois autres écoles élémentaires et maternelles – écoles de quartier, écoles de proximité – au profit d’une grande école (en construction), plus de 200 élèves, qui aura – il est vrai – l’immense privilège de jouxter « Ardoise et coquelicot » et « zone 5 ».

Le Teil possède deux QPV (quartiers prioritaires dits « politique de la ville »), donc, par définition, des quartiers pauvres, dans une ville pauvre : le centre-ville (pompeusement appelé « cœur de ville »), et les quartiers sud (pompeusement nommés « Sud-Avenir »). Dans ces quartiers, pendant des années, la collecte des ordures ménagères a été indigne : des bacs débordant de sacs poubelles, des sacs éventrés (par les chiens, les chats) à même le sol ; un sol rarement balayé, ou jamais ; des odeurs insupportables, des rats, de grosses mouches noires…

Tout cela parce que les bacs étaient volontairement laissés ouverts, après chaque collecte, leurs couvercles coincés de telle façon qu’il fût impossible de les fermer.

Photo de poubelles éventrées prise par Stanislas Waligorski.
Photo de poubelles éventrées prise par Stanislas Waligorski.

La faute ? Aux habitants, bien sûr ! C’est ainsi que pour quelques individus ne respectant pas les règles d’hygiène (et il en existe, il est vrai), des quartiers entiers étaient contraints de vivre en contact étroit avec leurs ordures. Les pauvres – c’est bien connu – ça vit dans les ordures ! (Ailleurs, au Teil, les couvercles des bacs étaient fermés ; les sols balayés…).

J’ai fait d’innombrables courriers à la mairie, à la communauté de communes, à la préfecture, à l’ARS (agence régionale de santé) ; et plus d’une centaine de photographies.

Alors non, Le Teil n’est pas cet Eden goguenard, ubuesque et rigolard que vous décrivez. »

 

 

 


#Ardèche

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