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« L’impact des ressources naturelles sur le développement » en débat à Lyon

L’École urbaine de Lyon a lancé sa deuxième saison de rendez-vous intitulés les « Mercredis de l’Anthropocène », dont Rue89Lyon est partenaire. Nous publions les tribunes et productions éditoriales des invités de ces conférences qui interrogent notre époque à l’aune de leurs spécialités et champs d’expertise.

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Extraction pétrole

Retrouvez  la tribune de Mathieu Couttenier, économiste à l’École Normale Supérieure de Lyon. Il est l’invité de ce « Mercredi », aux Halles du Faubourg, à l’occasion d’une conférence intitulée « L’impact des ressources naturelles sur le développement». A ses côtés interviendra Jérémie Chomette, directeur général de la Fondation Danièle Mitterrand – France Libertés. 

Comprendre les déterminants des différences de développement économique entre les pays est un enjeu majeur de la recherche en sciences économiques. A ce titre, les différences de dotation en ressources naturelles des pays ( que cela soit en pétrole, en gaz ou encore en diamant) ont fait l’objet d’une attention toute particulière.

Jusqu’au milieu des années 2000, un consensus scientifique et politique se dégage autour de l’idée que les ressources naturelles sont un fardeau pour la croissance économique, et pour un développement économique profitable à tous. Richard Auty sera le premier en 1990 à utiliser le terme de « malédiction » des ressources naturelles.

Les ressources naturelles, bénéfices ou « malédictions » ?

L’idée que les ressources naturelles sont intrinsèquement associées à des comportements humains en inadéquation avec la croissance économique n’est pas récente. Ainsi Harold Hotelling déclarait en 1931 :

« Les grands gaspillages qui résultent de la soudaineté et de l’imprévisibilité des découvertes en ressources minières, ont conduit à des ruées sauvages, extrêmement onéreuses sur le plan social, pour mettre la main sur ce précieux bien ».

Les explications principales qui sont avancées pour expliquer les effets négatifs sur le développement économique sont les suivantes. Tout d’abord, les ressources naturelles, qui représentent une manne financière considérable, génèrent des comportements de captation, de corruption et de luttes de pouvoir. Ces comportements déstabilisent l’activité économique. De plus, la forte volatilité des prix des ressources entraîne des incertitudes et des risques, qui nuisent à la croissance économique. En outre, l’exportation des ressources minières provoque une hausse du taux de change, qui a pour conséquence de détériorer la compétitivité du secteur manufacturier.

Si ce tableau pessimiste peut en partie expliquer le faible niveau de développement d’un pays riche en ressources pétrolières tel que le Nigéria par exemple, dont le PIB par habitant était de 5 927 dollars en 2017, il peine à justifier la réalité du succès économique norvégien, autre grand producteur de pétrole dont le PIB par habitant était de 70 590 dollars la même année. Apparait dès lors une vision moins déterministe, qui souligne le rôle des institutions et du politique dans la gestion des ressources. En présence d’institutions économiques et politiques de qualité, les ressources naturelles peuvent se révéler être une chance pour la croissance économique et le développement d’un pays.

Un impact local positif

Cette dernière décennie a été marquée par un accès croissant à des données micro-économiques, issues d’enquêtes ménages ou de données spatiales par exemple, qui ont permis aux chercheurs d’aller plus loin dans la compréhension de l’influence des ressources naturelles et d’investiguer des mécanismes que seule la théorie économique avait pu souligner. Nombreux sont les travaux de recherche qui estiment, grâce aux outils économétriques, l’impact local de l’activité minière sur les ménages et les entreprises, ou les gouvernements.

Ainsi, de nombreuses études indiquent que les ressources naturelles ont eu des effets positifs sur le développement économique local à travers l’augmentation des salaires réels, la baisse du chômage et de la pauvreté, et l’augmentation de l’activité économique en dehors de la production minière. En parallèle, de nombreuses études ont mis en exergue les effets négatifs de l’exploitation des ressources naturelles sur la pollution, la santé, la déforestation, l’augmentation du clientélisme ou des détournements de fonds publics dans les municipalités ou elles sont exploitées.

L’effet négatif certainement le plus connu est son rôle dans l’émergence et la persistance des guerres civiles. Les récits historiques comme contemporains sur les liens entre les ressources naturelles et les guerres civiles sont nombreux. Cette relation est confirmée par la recherche en sciences sociales, abondante sur la question. A nouveau, l’accessibilité à des données micro-économiques riches a permis une évaluation économétrique rigoureuse du rôle des ressources.

Entre 1997 et 2010, le prix mondial de nombreuses ressources minières a triplé, créant ainsi un effet de richesse formidable dans les régions productrices de ces ressources. Ainsi, une étude récente montre que cette augmentation des prix des ressources naturelles contribue à expliquer jusqu’à 25% des conflits locaux en Afrique sur la période. L’effet, quantitativement important, peut s’expliquer par différents éléments.

Quel lien entre ressources naturelles et conflits ?

L’accroissement de la valeur des ressources naturelles extraites permet de faciliter la mise en place d’organisations rebelles, (notamment en relâchant leurs contraintes financières) d’accentuer les activités de recherche de rentes, d’affaiblir la capacité étatique à travers une détérioration de la qualité institutionnelle, d’exacerber les griefs des communautés proches de l’activité minière ou encore de réduire le coût d’opportunité du recrutement de rebelles en rendant la production plus intensive en capital. Cependant les initiatives visant à accroitre la transparence et la traçabilité des ressources promues par la communauté internationale ont permis d’atténuer (modestement) le lien entre ressources et conflits.

Aujourd’hui, le message délivré par la recherche académique est relativement clair. Les ressources naturelles, en l’absence d’une gestion politique et institutionnelle rigoureuse, transparente et de long terme, peuvent fortement compromettre la stabilité politique et économique d’un pays. A contrario, lorsque le contexte institutionnel est favorable, ces mêmes ressources représentent une manne financière providentielle, à même d’accompagner une croissance pérenne et un développement économique des régions concernées.

« L’impact de ressources naturelles sur le développement», le mercredi 16 octobre aux Halles du Faubourg (Lyon 7è) de 18h30 à 20h

Avec :
– Jérémie Chomette, directeur général de la Fondation Danièle Mitterrand – France Libertés. Il était auparavant chargé des programmes au Kurdistan et du partenariat entre la Fondation France Libertés et la Fédération d’éducation populaire Léo Lagrange.
– Mathieu Couttenier,
économiste en poste à l’École Normale Supérieure de Lyon. Ses recherches se concentrent sur questions microéconomiques, notamment dans le domaine de l’économie politique appliquée.


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