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« Grâce à Dieu » et aux juges, le film de François Ozon sortira au cinéma ce mercredi

Récompensé au prestigieux festival de Berlin ce samedi par le prix du Jury, c’est sur un tout autre plan que le film de François Ozon « Grâce à Dieu » a été évalué ce lundi. Le juge des référés du TGI de Paris, saisis -pour une procédure d’urgence- par les avocats du curé Bernard Preynat, a estimé qu’il pouvait sortir dès ce mercredi dans les salles de cinéma. Et ce mardi, le tribunal de Lyon a débouté la psychologue du diocèse qui demandait que son nom soit changé.

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L'acteur Swann Arlaud incarne Pierre-Emmanuel Germain-Thill de l'association "la parole libérée" (à droite) dans le film "Grâce à dieu" de François Ozon. L'acteur était à Lyon pour une avant-première le 11 février 2019.©MG/Rue89Lyon

"Grâce à Dieu", le film de François Ozon sur l'affaire Preynat
« Grâce à Dieu », le film de François Ozon sur l’affaire Preynat

« Grâce à Dieu » fait le récit ultra réaliste de la naissance de La Parole libérée, l’association de victimes d’un ancien curé lyonnais, le père Bernard Preynat, qui a avoué les actes pédophiles auxquels il s’est adonné de 1980 à 1990.

Un scénario tellement réaliste que le réalisateur a choisi d’y utiliser les vrais noms des personnes rattachées au diocèse de Lyon -mais pas ceux des victimes.

Le cardinal Barbarin apparaît en premier lieu, ayant été a pour sa part accusé de ne pas avoir dénoncé à la justice les agissements de Bernard Preynat ; le curé pédophile en question se retrouve également tout au long du film, ainsi que Régine Maire, une psychologue bénévole du diocèse de Lyon qui joue un rôle sur une première partie de la fiction.

Les avocats du curé ont souhaité que la sortie du film de François Ozon, dans lequel son nom est franchement utilisé, soit repoussée au lendemain du procès qui doit traiter de l’affaire de pédophilie. Un procès dont la date n’est même pas encore connue.

Une question de « proportion »

Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris considère que la demande de report, formulée par les avocats de Bernard Preynat, n’est « pas proportionnée » à l’atteinte à la présomption d’innocence du père Preynat que pouvait représenter le film.

Me Emmanuel Mercinier, avocat du père Preynat, a déclaré « regretter amèrement cette décision, non seulement dans l’intérêt du père Preynat, mais plus largement dans l’intérêt général ». Il dit à l’agence France-Presse (AFP) :

« Présenter durant deux heures comme coupable un homme qui n’a pas encore été jugé comme tel constitue une atteinte à la présomption d’innocence que ne saurait évidemment pas faire disparaître le fait d’écrire ensuite le contraire durant deux secondes ».

Frédéric Doyez, avocat lyonnais du père Preynat, a précisé à l’agence de presse qu’ils allaient faire appel de la décision, même si cela n’empêcherait pas le film de sortir « pour une question de principe ».

Pour lui, « c’est la porte ouverte au parasitage de l’action judiciaire » par des films.

Ce mardi, les juges lyonnais ont rendu leur verdict pour la deuxième demande, celle de Régine Maire, qui souhaitait que son nom disparaisse de la bande-son du film. Elle a été déboutée.

Lyon, un véritable personnage du film de François Ozon

Lors d’une avant-première à Lyon (qui a eu lieu en partenariat avec Rue89lyon), le réalisateur et les comédiens ont pu parler de la genèse de cette fiction, tout en se retrouvant aux côtés des victimes de l’association La Parole libérée.

Cette soirée a pris une tournure particulièrement émouvante et exceptionnelle.

D’abord parce que le contexte judiciaire s’est invité dans la salle (comble). Un huissier a été missionné pour enregistrer la totalité des échanges, avant et après la projection du film.

Ensuite, parce que les comédiens se sont retrouvés pour la première aux côtés des personnes qu’ils ont composées, partageant leur regard sur une histoire commune douloureuse et un cheminement motivé par le courage.

« On s’est rendu compte en interprétant cette histoire qu’on était en train d’interpréter des putains de héros », a lancé l’acteur Swann Arlaud.

L'acteur Swann Arlaud incarne Pierre-Emmanuel Germain-Thill de l'association "la parole libérée" (à droite) dans le film "Grâce à dieu" de François Ozon. L'acteur était à Lyon pour une avant-première le 11 février 2019.©MG/Rue89Lyon
L’acteur Swann Arlaud incarne Pierre-Emmanuel Germain-Thill de l’association « La Parole libérée » dans le film « Grâce à dieu » de François Ozon. L’acteur était à Lyon pour une avant-première le 11 février 2019. ©MG/Rue89Lyon

Puis parce que la parole s’est, en effet, libérée jusque dans la salle de cinéma du Comoedia. La mère d’une victime du prêtre présumé pédophile a souhaité témoigner. Une spectatrice a revendiqué sa foi catholique tout en déclarant qu’à ses yeux que ce film est indispensable pour replacer l’Eglise dans ses valeurs.

Enfin, parce que Lyon, où a eu lieu le tournage, compose un véritable personnage du film. En ouverture et dès les premières minutes, l’ambiance est posée : le cardinal Barabarin surplombe la ville depuis « sa » colline de Fourvière, ouvrant grand ses bras sur une des vues les plus connues de la ville, prise depuis Fourvière avec, à l’horizon, la skyline composée par les tours de la Part-Dieu et Incity.

On y retrouve les bancs de la cathédrale et les bars du quartier Saint-Jean, plusieurs de ses rues, le théâtre antique de Fourvière qui se trouve juste sous la basilique et le diocèse de Lyon -soit en arrière-plan tout un decorum catholique qui lui est propre (l’établissement scolaire des Lazaristes, etc.).

Ce que vous pourrez donc voir dès ce mercredi sur grand écran.


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