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De Rika Zaraï au Col des 1000 : en pleine forêt de Chartreuse, le plus gros festival de montagne

Le Col des 1000 est peut-être, en été, le festival le plus haut perché de France. A coup sûr, celui qui attire le plus de monde à 884 mètres d’altitude tous les premiers vendredi et samedi de juillet.

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Un début de soirée au Col des 1000. ©Sylvain Sabard

Le festival isérois dispute ce titre du plus haut festival avec Rock N’Poche situé, lui, dans une petite station de montagne du Chablais, en Haute-Savoie.

Ce vendredi, le Col des 1000 fête ses 20 ans de reggae/rock/rap dans une clairière qui avait vu passer, dans les 70’s, Rika Zaraï. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer. Réponse en Chartreuse, à 1h30 de voiture de Lyon.

Organiser un festival qui reçoit 3 500 personnes par soir, c’est simple comme un coup de fil.
Lundi, quatre jours avant le début du festival, un technicien télécom tire sur cinq-cents mètres une ligne téléphonique de la route du Col des mille martyrs jusqu’à la clairière où se déroulera le festival du Col des 1000.

Sur les contreforts de la Chartreuse, à près de 1000 mètres d’altitude, c’est le seule concession faite à la modernité.

Des vaches pour accueillir les organisateurs du festival

Ici, il n’y a pas de route, mais un chemin pour rallier l’asphalte du col qui fait la jonction entre deux vallées en contre-bas. Ni eau, ni électricité dans cette simple clairière qui forme un amphithéâtre naturel.

« Quand on commence à s’installer, une semaine avant le jour-J, les vaches sont parfois encore là », raconte Guillaume Giacchetto, président de l’Anamounto, l’association qui organise le festival.

Dominique, le fermier qui loue le champ utilisé par ses vaches, les retire pour l’événement. Et il s’assure que l’herbe est bien coupée par ailleurs.
Par l’unique chemin, les semi-remorques apportent les tonnes de matériel pour monter une belle grosse scène. Il n’est pas rare encore que Dominique use du tracteur pour désembourber quelques camionnettes en difficulté.

« On nous a proposé le parc du Creps (le Centre de Ressources, d’Expertise et de Performance Sportives dit « Creps » situé au sommet de Voiron, la principale ville du secteur, ndlr), poursuit Guillaume Giacchetto. Ce serait évidemment plus simple d’organiser un festival de cette taille en ville. Mais on préfère continuer comme ça, en pleine cambrousse. C’est l’esprit du Col : tu viens et tu poses ta tente au camping, loin de tout. »

Le début du montage du festival Col des 1000, au milieu d'une clairière de Chartreuse. ©Florine
Le début du montage du festival Col des 1000, au milieu d’une clairière de Chartreuse. ©Florine

De l’art de la fête en Chartreuse

Avec un côté « roots » affirmé, le Col des 1000 se veut ancré dans un territoire.
Le festival est l’héritier des fêtes qui se tenaient dans ce même pré à la fin des années 60 et jusqu’au milieu des années 70.

Gilles Perrier-Muzet, le maire (sans étiquette) de la commune de Miribel-les-Échelles, avait vingt ans. Il se souvient de cette époque :

« Il y avait beaucoup moins de monde qu’aujourd’hui mais il y avait déjà une petite scène et de la musique amplifiée. Le comité des jeunes organisait tout. Ça rassemblait toute la population du canton. »

La fête se déroulait tout un dimanche, en été. De grands noms de la chanson qui n’étaient pas encore des célébrités sont passées : Serge Lama, C Jérôme, Pierre Perret et Rika Zaraï. Que du beau monde.

Le maire, aujourd’hui 63 ans, se souvient surtout de Serge Lama et de « sa voix qui porte loin » :

« La vedette jouait toujours l’après-midi », précise-t-il.

Vingt ans plus tard, en 1997, Annabelle, Mounir et Tonia ont repris la tradition en organisant un concert pour leur anniversaire. 200 personnes se sont regroupées devant une charrette.

A la suite de cette soirée, l’association AnaMounTo (pour reprendre les trois prénoms) a été créée.

En vingt ans, la soirée d’anniversaire est devenue festival avec une jauge de 3 500 personnes par soir et un camping de 1 500 places.

Un début de soirée au Col des 1000. ©Sylvain Sabard
Un début de soirée au Col des 1000. ©Sylvain Sabard

Tout le monde dit « I love the Col »

A l’instar des free party, une bonne soirée du Col des 1000 se termine avec des infra-bass qui défrisent les hiboux à 4 heures du mat’. Ensuite, c’est le levé du jour à 5h au-dessus des sommets de Chartreuse.
Mais ici, on ne trouve pas de « riverains qui pétitionnent » ou « d’habitants excédés ».

Du paysan du coin jusqu’au maire du village, tout le monde aime le festival même s’ils ne le fréquentent pas forcément.

Gilles Perrier-Muzet, maire de Miribel depuis 2014 :

« Nous apportons notre soutien franc et massif au festival. Tout s’est toujours très bien passé. Il n’y a aucun problème d’ordre public. Même le major de la gendarmerie de Saint-Laurent-du-Pont en convient. Il avait quelques réticences mais aujourd’hui il ne met pas de bâtons dans les roues. »

Outre les coups de main précieux de Dominique le fermier qui loue le pré, la responsable des bénévoles, Julia Tosi, se rappelle de « la mère Burton », l’une des trois propriétaires les plus proches du site du festival :

« Elle nous a toujours accueillis dans sa maison. On faisait même la vaisselle des gobelets chez elle ».

C’est simple : « sans tous ces coups de main des gens du coin, il serait difficile de faire le festival », conclut Guillaume Giacchetto.

Une réunion de bénévoles du Col des 1000. A gauche sur la photo, Guillaume Giacchetto, le président de l'association organisatrice. ©Boris Mudler
Une réunion de bénévoles du Col des 1000. A gauche sur la photo, Guillaume Giacchetto, le président de l’association organisatrice. ©Boris Mudler

Potes, pétrole et un peu de pognon

Avec 160 000 euros de budget, le Col des 1000 est à classer parmi les « petits » festivals.

Au fil des années, il est devenu un festival « pro » dans son fonctionnement, pas dans ses moyens.
S’ils sont en mesure d’aligner quelques milliers d’euros pour les artistes, ils ont du mal à s’aligner sur la concurrence régionale. Une question d’échelle. Le président Giacchetto :

« On veut rester à cette taille. On sait qu’on n’aura pas Chinese Man ou Morcheeba (allusion au Vercors festival, ndlr) ».

Mais avec ses dix secouristes, ses 28 agents de sécurité, sa centaine de bénévoles (surtout « des potes et des potes de potes ») et sa vingtaine d’artistes, le festival est bien rodé.

Une machine qui tourne au pétrole pour faire marcher les groupes électrogènes afin d’alimenter les tireuses à bière et les différentes scènes. Une facture de 1 200 euros d’essence.

« C’est le point négatif de l’autonomie que nous recherchons, admet le président de l’association organisatrice. On envisage de faire tirer un câble électrique pour éviter d’être dépendant du pétrole ».

En matière d’autonomie, la grande force du festival est de ne pas être dépendant des subventions, en ces temps de vaches maigres.

Elles n’ont toujours représenté que 4% du budget. L’autofinancement atteint 90%. Un niveau rarement atteint en matière culturelle.

Le secret du festival : les WC

En 2009, le premier salarié a été embauché par l’association. Mais le salaire du désormais directeur et des quatre emplois aidés (CAE) n’ont pas d’impact sur le budget du festival.

Ce sont les autres activités de l’association Anamounto qui les financent. Tel est le secret de la longue vie du Col des 1000. Parmi ces activités qui abondent un budget de 250 000 euros, il y a surtout :

  • l’organisation de concerts tout le long de l’année
  • les prestations WC principalement pour d’autres festivals
La construction des toilettes sèches du Col des 1000 ©Théo Dellarota
La construction des toilettes sèches du Col des 1000 ©Théo Dellarota

L’Anamounto est même devenue l’experte régionale question toilettes sèches, brevetées au Col des 1000.
Pour les pissotières, il s’agit d’un système de récupération d’urine via des cônes de chantier reliés à un tuyau.

Ces WC entrent dans la démarche « éco-festival » à laquelle l’organisation tient naturellement beaucoup, avec stand végétalien, vaisselle en dur et un gros travail de tri des déchets.

Même si le principal problème d’un festival nature, c’est la nature. L’année dernière, pour la 19e édition, un orage terrible a transformé le devant de la scène en un marécage qui a fait passer Woodstock pour un festival de gens endimanchés.

En pleine nuit, il a fallu décider l’annulation pour la seconde soirée du samedi. Une première en 19 ans, et, espèrent les organisateurs, en 20 ans.


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