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20/03/2024 date de fin
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« À Calais comme à Lyon, Gérard Collomb chasse les migrants »

Alors que le ministre de l’Intérieur et (toujours) maire de Lyon était en visite à Calais cette semaine, le délégué régional de Médecins du Monde a rédigé une lettre ouverte pour « interroger » le sens de la politique de Gérard Collomb, en matière d’immigration, à Lyon et désormais partout ailleurs en France.

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Les affaires des familles albanaises qui montent tous les soirs une vingtaine de tentes sur la friche en face des archives départementales du Rhône. ©DR

« Depuis plusieurs mois, de nombreuses personnes isolées, enfants et familles à la rue sont poussées par les forces de police à se déplacer, au rythme des expulsions, errant d’espace public en espace public. Médecins du Monde est présent auprès de ces personnes et constate que la précarité de leurs conditions de vie altère leur santé physique et psychique, autant que leur dignité ».

Ainsi démarre la lettre ouverte à Gérard Collomb publiée le vendredi 23 juin. Elle a été rédigée par Jean Fayat, médecin généraliste et représentant lyonnais de Médecins du Monde.
L’ONG Médecins du Monde n’est pas coutumière des communiqués de presse dénonciateurs. C’est pourquoi nous avons voulu comprendre « l’exaspération » des équipes lyonnaises.

« Il y a ceux qui sont à l’abri et ceux qui n’existent même plus »

Présente dans les squats et bidonvilles de l’agglomération depuis plus une dizaine d’années, la travailleuse sociale Isabelle Marblé constate un changement depuis cet hiver :

« Avant, on arrivait à discuter avec la préfecture. Désormais, il n’y a plus de contact. Il y avait eu des avancées avec le programme I2E pour les familles Roms des bidonvilles et l’ouverture d’un grand nombre de places d’hébergement d’urgence. Aujourd’hui, on dirait que l’agglomération lyonnaise est coupée en deux : il y a ceux qui sont à l’abri et ceux qui n’existent même plus »

Les travailleurs sociaux de Médecins du Monde pointent deux cas emblématiques de cette politique menée par Gérard Collomb, ministre et maire.

Tout d’abord, le parcours des demandeurs d’asile albanais. Expulsées de square en square depuis février dernier, des familles ont fini par installer leur tente sur une friche en face de l’esplanade Mandela, dans le 3e arrondissement (lire le témoignage d’une riveraine).

Ensuite, Médecins du Monde retrace le parcours d’une quarantaine de personnes Roms de Roumanie. Expulsées de leur squat du quartier Gorge de Loup le 19 mai, elles sont restées une dizaine de jours en face de la mairie du 9e arrondissement, puis dans un square et enfin à proximité de la station de métro Gorge de Loup.
Guillemette Hannebicque, médiatrice de santé raconte :

« Ces personnes n’avaient aucun accès à l’eau et ne pouvaient pas se faire à manger. La police venaient tous les jours les voir pour leur dire de se déplacer. Ces familles ont fini par trouver un squat. La police est de nouveau passé et leur a dit « tant que vous êtes discrets, il n’y a pas de problème ».

« Contraints de se cacher »

Isabelle Marblé poursuit :

« On voit de plus en plus de personnes contraintes de se cacher pour ne pas être délogées par la police qui exige sans cesse que ces sans-abri se déplacent. Elles dorment dans des voitures, des caves.

Cette logique s’était calmée pendant un temps avec la tolérance de quelques gros campements. »

Pour le délégué régional de Médecins du Monde, Jean Fayat, la même « logique d’invisibilisation » est à l’œuvre, à Calais comme à Lyon. Mais dans une moindre proportion.

À Calais, Gérard Collomb veut surtout éviter que se reforme une « jungle ». De la même manière, à Lyon, « les forces de police chassent des personnes que la République a la responsabilité de protéger ». Gérard Collomb ne veut pas d’une nouvelle structure d’accueil à Calais, au nom d’un supposé « appel d’air » :

« À chaque fois qu’on a construit un centre, il y a eu appel d’air », déclarait-il en visite vendredi dernier.

À Lyon, au nom de la lutte contre cet « appel d’air », Christian Monestier, assistant social, estime que les autorités « mettent la pression sur les familles albanaises pour qu’elles finissent par partir d’elles-mêmes ».

Les affaires des familles albanaises qui montent tous les soirs une vingtaine de tentes sur la friche en face des archives départementales du Rhône. ©DR
Les affaires des familles albanaises qui montent tous les soirs une vingtaine de tentes sur la friche en face des archives départementales du Rhône. ©DR

« Quel est le sens de votre politique, Gérard Collomb ? »

Alors que le ministre Gérard Collomb multipliaient les propos sur « l’appel d’air » et les « passeurs », le président Emmanuel Macron déclarait le même jour à Bruxelles :

« Nous devons accueillir des réfugiés, c’est notre devoir et notre honneur. »

D’où un questionnement sur le sens de la politique en matière d’immigration que pilote le ministre de l’Intérieur.

Dans sa lettre ouverte, le délégué régional essaye de caractériser cette politique collombiste :

« Vous paraissez craindre d’accueillir la misère du monde, quand nous craignons que se construise pour le monde une politique qui, elle serait misérable. Vous dites redouter l’appel d’air, quand nous redoutons toute décision économique, politique ou militaire qui contribuerait à créer les conditions de départ de ces personnes.

Vous discutez la présence de migrants économiques, quand nous témoignons que la grande pauvreté est toujours le résultat de choix humains, et donc politiques ».

Le médecin généraliste justifie cette interpellation par voie de presse :

« On a essayé à deux reprises de rencontrer Gérard Collomb au printemps pour échanger sur le sujet. Pas de réponse. Aujourd’hui, on assiste à une inversion des valeurs : ceux qui sont en difficultés sont considérés comme des criminels. Est-ce cette politique que nous voulons ? »

Et de rêver d’une séquence médiatique où cette politique de « fermeture » serait mise en débat. Face à Gérard Collomb, Médecins du Monde se verrait bien porter une « politique » qui vise « la liberté de circulation » et « l’égal accès aux soins ».

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