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Steaks de lentilles, boulettes de pois-chiches : l’alternative à la viande d’une start-up lyonnaise

C’était un projet lancé à la fin de leurs études, c’est aujourd’hui une marque. Deux jeunes ingénieurs agronomes de Lyon attaquent le marché des steaks végétaux.

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Emmanuel Bréhier, au centre, et Benoît Plisson à droite ont créé Ici&Là en 2014. Photo BE/Rue89Lyon

Dans le paysage des alternatives à la viande ils espèrent se démarquer par des produits bio et sans soja, à base de légumineuses. Cela donne des steaks de lentilles ou des nuggets et boulettes aux pois chiches et flageolets.

La viande a de moins en moins la cote. Sa consommation en France et en Europe est en baisse et de récents scandales interrogent. Sur ce qu’on retrouve dans notre assiette, avec le scandale de la viande de cheval, ou sur la façon dont elle est produite.

Les vidéos choc publiées par l’association lyonnaise L214 ont régulièrement fait l’actualité ces derniers mois en levant le coin du voile sur les dérives des pratiques dans certains abattoirs.

L’an dernier des chercheurs du Centre de Recherche International sur le Cancer basé à Lyon, qui dépend de l’OMS, publiaient dans une revue scientifique un article indiquant que la « viande rouge était probablement cancérogène pour l’homme ».

Pas étonnant alors que le point de départ des deux fondateurs de la start-up Ici&Là prenne racine dans « cette tendance de fond de limitation de la consommation de viande. »

Cuisiner du soja ? Bof

Les deux jeunes ingénieurs agronomes, 26 et 27 ans, fraîchement diplômés de l’ISARA Lyon ont mûri leur idée un certain temps.

À la fin de leurs études, ils planchent déjà sur un steak de lentilles. Un projet avec lequel ils remportent le concours d’innovation agro-alimentaire européen Ecotrophelia en octobre 2013.

Au début de l’année 2014, ils créent leur société « Ici&Là ». En juillet de la même année, ils sont lauréats du concours mondial de l’innovation dans la catégorie chimie verte et protéine végétale. Cette année, ils ont décroché le grand prix au Sial à Paris.

Une collection de prix qui bénéficie à leur image, leur notoriété mais qui, pécules financiers à la clé, a finalement permis de financer le développement de la start-up notamment avant son entrée en phase industrielle hébergée à l’Agrapole à Lyon.

Les alternatives aux produits carnés existent depuis longtemps déjà. On connaît notamment les steaks de soja, plante légumineuse qui apporte des protéines en substitution de celles animales. Certains de ces produits de « viande végétale » présentent une apparence ou une texture proche de celles de la viande.

Les produits de la marque Le Boucher Vert lancée par l'entreprise Ici&Là de Lyon. Photo BE/Rue89Lyon
Les produits de la marque Le Boucher Vert lancée par l’entreprise Ici&Là de Lyon. Photo BE/Rue89Lyon

Les deux ingénieurs de l’ISARA Lyon n’ont pas « voulu faire de simili-carné » ou de produits constitués de « protéines reconstituées ». Leur point de départ a donc été de proposer une alternative à la viande mais aussi au soja.

« Un produit qui reste peu évocateur en France, qui n’est pas complètement optimal au niveau nutritionnel et qui a aussi mauvaise réputation à cause de sa production qui entraîne parfois de la déforestation », explique Emmanuel Brehier.

Un aspect sur lequel la société communique d’ailleurs et qu’elle met en avant sur les emballages de ses produits.

La restauration collective pour démarrer : « la demande est importante »

Leurs produits justement ils les fabriquent à partir de légumineuses essentiellement : lentilles vertes, pois chiche et flageolets. Associés à des céréales leurs produits présentent « les besoins en acides aminés essentiels », assure-t-il. Toute la matière première est certifiée en agriculture biologique, d’origine France pour plus de la moitié.

Si dans leur constitution et leurs textures les produits ne cherchent pas à ressembler à de la viande selon ses concepteurs, ils reprennent formes et noms de produits carnés bien connus : steaks, boulettes et nuggets avec trois variétés pour chaque produit. Des produits qui sont vendus surgelés tant pour la restauration collective que pour le marché des magasins bio auquel ils s’attaquent désormais.

Dans un premier temps, la start-up a visé le marché de la restauration collective. Un marché qu’elle pense plus propice dans un premier temps à ses produits.

« La demande d’alternative à la viande y est de plus en plus importante, les cuisiniers ont besoin de proposer une offre sans viande pour des raisons de régimes alimentaires stricts ou confessionnelles. »

Elle a ainsi démarré en septembre 2014 une phase de test avec un distributeur régional de restaurants collectifs. Une période qui lui a permis d’obtenir des retours de consommateurs et de chefs cuisiniers.

« Au départ nos produits avaient tendance à se déliter un peu au four. On a ajouté des légumes et varié les épices. Mais les retours étaient positifs, les chefs préfèrent cuisiner ce genre de produits par rapport au soja », explique Emmanuel.

Trouver la bonne texture sans chercher à ressembler à de la viande

À ce jour, elle fournit ses produits essentiellement dans des restaurants scolaires et a servi 200000 repas environ. Elle est aujourd’hui entrée dans une phase plus industrielle de sa production. Ses steaks de lentilles sont produits non loin de Lyon, à Donzère dans la Drôme, dans l’entreprise Clément Faugier bien connue pour sa crème de marrons.

Dans l’usine, les deux ingénieurs ont installé leur propre ligne de production.

Avec cette ligne chez « un gros faiseur », la petite start-up a pu améliorer et modifier ses produits. Notamment pour travailler la texture, le nœud de leurs difficultés à surmonter.

« C’est le plus compliqué. On ne met aucun additif dans nos produits, pour travailler la texture on utiliser les céréales. Pour nos produits à base de lentilles, notre responsable R&D a eu l’intuition d’ajouter un peu d’amande pour les alléger. On fait goûter nos produits à François Gagnaire qui nous fait aussi ses retours. »

En parallèle de ce marché de la restauration collective, Ici&Là se lance désormais sur celui traditionnel des particuliers dans les magasins bio.

Pour commercialiser ses steaks et ses boulettes de légumes, en attendant l’arrivée des nuggets, les deux ingénieurs ont créé la marque Le Boucher Vert en 2016. Depuis le mois d’octobre, leurs boulettes végétales sont référencées chez Biocoop.

Un marché, au-delà du bio, en pleine croissance à en croire ce reportage qu’a consacré au sujet France 2 en septembre dernier :

Un marché sur lequel l’entreprise espère bien continuer de s’implanter. Avec une croissance de 4% à l’année, elle entend également se développer à l’international pour la restauration collective.

Ici&Là continue de se montrer, et sera présente au salon professionnel international qui se tient à Lyon chaque année, le Sirha.


Ici, vous lirez des portraits de personnes qui se sont jetées dans le grand bain. Elles portent un projet créatif et mettent dans sa réalisation beaucoup d’elles-mêmes, de leur porte-monnaie, de leur temps disponible… Leur but ? Se tailler un job sur-mesure, bouger les modèles économiques et mener leur barque tout à la fois. Chronique de ces cheminements souvent longs, jonchés de nuits blanches, de craintes comme de grands enthousiasmes. Une rubrique réalisée en partenariat avec CCI Lyon Métropole.

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Les agriculteurs se sont rassemblés devant Carrefour à Ecully. © Amélie James/Rue89 Lyon

Photo : Amélie James/Rue89 Lyon

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