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Aubert et Duval, une entreprise cotée en bourse subventionnée par Laurent Wauquiez

Elle veut être considérée comme l’un des fleurons de l’industrie française. Aubert et Duval, entreprise de métallurgie située dans le Puy-de-Dôme, filiale du géant minier Euramet, a sollicité il y a plusieurs mois le soutien de la région Auvergne.

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Laurent Wauquiez. Crédit : Eric Soudan.

Désormais à la tête de la collectivité fusionnée avec Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez a répondu favorablement en faisant voter ce jour au conseil régional une subvention d’1,2 millions d’euros, attribuée à cette société cotée en bourse qui a versé pas moins de 300 millions d’euros à ses actionnaires.

Laurent Wauquiez. Crédit : Eric Soudan.
Laurent Wauquiez. Crédit : Eric Soudan.

L’assemblée plénière de ce jeudi a permis à Laurent Wauquiez de donner la couleur des décisions qu’il prendra en tant que président de région.

Après le vote de la baisse des indemnités des élus et de l’enveloppe globale dédiée à leurs collaborateurs, après celui d’un règlement intérieur visant à accélérer les processus de décisions, Laurent Wauquiez a explicité son choix de supporter avec force une entreprise auvergnate… en pleine santé financière.

Aubert et Duval projette de développer pour 15 millions d’euros la technologie d’impression 3D “métal” (ou l’utilisation de poudres permettant d’empiler successivement des couches de matière). Il s’agit du projet “Cap Alliage”, qui nécessitera un site propre et l’embauche de 15 employés.

Aubert et Duval compte ainsi sur cette innovation technologique, pour développer son marché à l’international et continuer à être un prestataire incontournable pour Airbus, Dassaut, General Electrics, entre autres mastodontes.

L’entreprise a affiché en 2014 un chiffre d’affaires avoisinant les 800 millions d’euros. Ce serait la récente commande d’avions Rafale, négociée par François Hollande avec, entre autres, le Qatar, qui pousserait le groupe à créer dans l’urgence une toute nouvelle unité.

Laurent Wauquiez a trouvé dans ces 1,2 millions d’euros de subvention l’occasion de montrer son intérêt pour deux thèmes imbriqués, l’économie et l’innovation. C’est ce qu’il a martelé à la presse, à laquelle il a pris le temps de parler dans une petite salle du conseil régional. Une demi-heure, montre en main, sur le mode du chronométrage désormais imposé aux élus, chaque intervention étant minutée sur écran (de deux à cinq minutes).

Subvention sans condition ?

L’opposition la plus à gauche, dans l’hémicycle, ne l’a pas entendu de cette oreille. Catherine Fromage, conseillère régionale communiste élue sur une liste de rassemblement de la gauche (derrière le socialiste Jean-Jack Queryranne), s’est émue de la somme allouée au projet d’Aubert et Duval :

“Ce n’est pas à la Région de participer à l’investissement de ce grand groupe du CAC40 (Ndlr : Aubert et Duval est une filiale d’Eramet, cotée en bourse mais pas sur le CAC40).”

D’autres élus ont estimé à leur tour que des entreprises régionales mériteraient au moins autant voire davantage l’attention du président de région. Et de citer pour au moins deux d’entre eux, Andrea Kotarac (Front de gauche) et Alain Breuil (Front national), STMicroelectronics, une société implantée en partie en Isère, lourdement touchée par un plan de suppression d’emplois.

Laurent Wauquiez s’est ainsi offert l’occasion de le redire : il ne croit pas dans le soutien social mais dans “l’activité”, pour maintenir/sauver/développer (au choix) l’emploi et l’économie.

“Je n’ai pas envie que cette technologie parte, en Pologne, par exemple”, a-t-il aussi argumenté.

Une crainte hypothétique puisqu’aucune menace de délocalisation n’a émané, pour l’heure, d’Aubert et Duval.

Alain Bussière, conseiller régional socialiste élu dans le Puy-de-Dôme, s’est quant à lui montré plutôt favorable au soutien du projet, tout en suggérant une voie moins engageante pour la collectivité, celle de l’avance remboursable plutôt que de la subvention directe faite “sans condition”.

Quelques minutes avant, Laurent Wauquiez avait justement assuré à la presse qu’un cahier des charges serait imposé à Aubert et Duval, demandant notamment à l’entreprise de travailler en priorité avec des prestataires de la région. Une somme de conditions que les élus n’ont toutefois pas trouvées dans le rapport voté ce jeudi.

« Pour les entreprises en difficulté, il y a d’autres moyens »

Martial Sagnier, conseiller régional élu en Haute-Loire, qui connaît bien et porte le dossier, s’est exprimé “au nom de l’exécutif” :

“Nous assumons qu’il y ait une décision rapide prise en faveur de cette entreprise. Elle attend une réponse depuis le mois de novembre. C’est rapide, en effet, mais ce sont des délais qui correspondent à la vraie vie, celle de nos entreprises.”

Et de rappeler qu’Aubert et Duval, « c’est près de 4000 emplois, dont 1500 dans la région » (son site aux Ancizes est le plus gros de France).

“Il s’agit pour l’entreprise de faire face au triplement de la demande dans les années à venir.”

Pour cet élu de la majorité, comme pour Laurent Wauquiez :

“Pour les entreprises en difficulté, il y a d’autres moyens à la Région”.

Et d’autres séances plénières à venir, d’autres réunions de commission, certainement, pour traiter de la question.

La société Aubert et Duval peut quant à elle commencer à entrevoir la possibilité de développer sa nouvelle technologie avec ce premier million d’euros qui, avec un effet levier, pourrait engager les 14 autres millions nécessaires.

De quoi se réjouir chez les dirigeants de cette entreprise, qui ne manquent pas de lumière médiatique cette semaine. Les employés d’Aubert et Duval travaillant sur le site de Pamiers, en Ariège, menacent d’une grève depuis quelques jours, mécontents des négociations en cours avec la direction, relatives aux salaires. Autant de fers sur le feu.

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