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Accueil des réfugiés : en France, les communes sont en première ligne

Alors que la France est à la remorque de l’Allemagne dans l’accueil des réfugiés, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a fini par inciter les municipalités à se « mobiliser » dans un courrier adressé aux maires ce 6 septembre. Cette mission jusque là assurée par l’Etat serait-elle en train de passer aux mains des collectivités locales ? Plusieurs élus de la région, essentiellement socialistes, ont répondu favorablement à cet appel. 

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En avril 2015, après l'expulsion de leur squat, des Albanais avaient pu s'installer dans une ancienne usine pendant un mois et demi, avec l'aide de l'Eglise catholique. ©LB/Rue89Lyon

Par Laurent Burlet et Mathilde Ceilles

Ce lundi, lors de sa sixième conférence de presse, François Hollande a confirmé que la France allait accueillir 24 000 réfugiés, conformément au plan de répartition élaboré par la Commission européenne sur un contingent de 120 000 personnes ayant fui les zones de guerre : 50 400 arrivées en Grèce, 15 000 en Italie et 54 000 en Hongrie.

Même si le président de la République a dit assumer le risque de sondages défavorables, le gouvernement travaille l’opinion publique. Le ministère de l’Intérieur en appelle ainsi aux communes pour l’aider dans cet accueil qui est pourtant une compétence de l’Etat.

Dans un courrier daté du 6 septembre adressé à l’ensemble des maires, Bernard Cazeneuve les a conviés à « venir samedi » prochain place Beauvau pour « une réunion de travail ». Une façon de mettre en branle toute la chaîne administrative pour trouver des places qui déjà font cruellement défaut, notamment dans les grandes villes :

« L’enjeu immédiat réside dans l’accueil des réfugiés […]. Votre mobilisation est déterminante. »

A Lyon, une « capacité d’accueil » suffisante selon Gérard Collomb

Dans Le Progrès, le maire de Lyon Gérard Collomb a répondu favorablement à l’appel de Bernard Cazeneuve :

« Nous allons mobiliser les réseaux […]. On essaiera d’avoir une vision métropolitaine. En raison de la baisse des demandes d’asile, il y a une capacité à répondre à la demande »

Des propos étonnants au regard de la difficulté que rencontrent les demandeurs d’asiles de la région lyonnaise à être hébergés. Et ce, depuis plusieurs années.

En avril dernier par exemple, après avoir été expulsées d’un squat à Gerland, 200 personnes s’étaient retrouvées à la rue. Parmi elles, plusieurs dizaines de demandeurs d’asile albanais.

Dans un communiqué de presse du 6 septembre, le maire de Villeurbanne Jean-Paul Bret (PS) s’est également montré favorable à l’accueil de migrants dans sa commune  :

« Dès samedi, j’ai souhaité que Villeurbanne s’engage à accueillir  des réfugiés et réponde ainsi à l’appel du ministre de l’Intérieur. Ce dimanche, en milieu de journée, je l’ai indiqué au Préfet de Région, Michel Delpuech à l’occasion d’un entretien téléphonique privé. »

Mais à Lyon comme à Villeurbanne, on ne donne pas de précision quant aux conditions d’accueil.

Contacté par Rue89Lyon, le directeur de Forum réfugiés, Jean-François Ploquin, évoque notamment la piste de l’installation de mobile-homes :

« Toutes les solutions sont à étudier car, aujourd’hui, les 1940 places d’accueil sont toutes pleines. Ces futures nouvelles arrivées s’ajoutent à un système de l’asile en crise. »

Le 21 avril, vers 15h50, les premiers Albanais ont pu s'installer dans cette ancienne usine. ©LB/Rue89Lyon
En avril dernier, pendant un mois et demis, des Albanais ont pu s’installer dans une ancienne usine, avec l’aide de l’Eglise catholique. ©LB/Rue89Lyon

Des maires de la région de Lyon trainent les pieds

Selon le Progrès, certains maires de droite de l’agglomération émettent des réserves sur le sujet. Pour Gilles Gascon, maire de Saint-Priest (Les Républicains), il faut tout d’abord trouver des solutions aux problématiques actuelles :

« On a 5 000 demandes de logement en attente. Je me vois mal ne pas répondre en priorité à des gens qui attendent depuis 5 ou 6 ans. »

Selon lui, certaines autres municipalités de la Métropole sont plus à même d’accueillir des réfugiés :

« Il y a certainement des communes ayant moins de problèmes de logements sociaux que nous, pouvant répondre à l’afflux des migrants. »

Alexandre Vincendet, maire de Rillieux-la-Pape (Les Républicains), doute de la pertinence d’une telle décision :

« Il ne me semble pas judicieux de rajouter de la difficulté à la difficulté »

A Villefranche-sur-Saône, le maire Bernard Perrut estime ne pas pouvoir fournir d’efforts supplémentaires :

« Nos efforts en termes de solidarité, déjà significatifs ici, trouvent d’autant plus leurs limites que l’Etat baisse de manière très importante les aides financières nécessaires pour répondre aux besoins et attentes des habitants. »

A Roanne, seuls les « réfugiés chrétiens » sont les bienvenus

La tentation de la sélection est grande. Ce lundi, au micro de France Bleu Saint-Etienne, le maire de Roanne Yves Nicolin (Les Républicains) s’est dit prêt à accueillir des réfugiés dans sa commune, à une condition :

« Si la France décide d’accueillir sur son sol un certain nombre de familles et qu’elle décide de les intégrer, c’est-à-dire de leur donner des papiers, la ville de Roanne pourra jouer ce rôle-là, accueillir peut-être une dizaine de familles mais à la condition qu’il soit bien question de réfugiés chrétiens qui sont persécutés parce que chrétiens en Syrie, par Daech. »

Interrogé par 20minutes.fr, Yves Nicolin a justifié de tels propos pour une « question de sécurité » :

« Il n’est pas question de dire « je ne veux que les chrétiens ou que les musulmans ». C’est une question de sécurité. On est dans l’urgence. Et ceux pour lesquels on aura le plus rapidement une analyse, ce sont les chrétiens. On a la quasi-certitude qu’ils ne seraient pas infiltrés par d’éventuels membres de Daesh. »

Ces propos ont vivement fait réagir. La Ligue des droits de l’homme les jugeant notamment « discriminatoires ».

Ce mardi, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a vivement condamné les propos du maire de Roanne dans une interview pour France 2 :

Ce mardi soir, le maire de Charvieu-Chavagneux Gérard Dezempte s’est à son tour exprimé en faveur de cet accueil restrictif. Le conseil municipal de cette petite commune du Nord-Isère a voté à l’unanimité un texte dans lequel la ville se dit prête à recevoir des réfugiés «à la condition expresse que ce soit une famille chrétienne».  Dans ce texte, le conseil municipal justifie lui aussi une telle décision par un principe de sécurité :

« Les chrétiens ne mettent pas en danger la sécurité d’autrui,  ils n’attaquent pas les trains armés de kalachnikov,  ils n’abattent pas des journalistes réunis au sein de leur rédaction. »

Les grandes villes de la région répondent à l’appel

  • Clermont-Ferrand

 

Le maire de Clermont-Ferrand Olivier Bianchi (PS) a été parmi les premiers élus de la région à réagir. Interpellé par un internaute sur Twitter, le 3 septembre dernier, le maire avait répondu de manière très claire :

Dans un entretien donné au quotidien La Montagne, Olivier Bianchi a annoncé que Clermont-Ferrand compte adhérer au Réseau des villes solidaires lancé lors d’un l’appel du premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis. Tout comme Lille et Strasbourg, pour ne citer que les premières à avoir réagi. Dans Libération, Olivier Bianchi a précisé ses projets pour la municipalité clermontoise sur cette question :

“Il est à présent question d’accueillir en Auvergne 200 familles originaires de Syrie, un chiffre encore provisoire.”

  • Saint-Etienne    

 

Dans un communiqué de presse daté du 5 Septembre, le maire Les Républicains de Saint-Etienne, Gaël Perdriau, a fait part de son engagement en faveur de l’accueil des migrants :

« J’ai décidé, avec les membres de l’équipe municipale, d’accueillir, selon nos capacités, ceux qui tentent d’échapper à la guerre et à la mort. »

Dans un entretien au Point, Gaël Perdriau s’indigne de la faible mobilisation des leaders de droite et de gauche. Il s’est toutefois refusé à préciser le nombre de migrants que la municipalité stéphanoise projette d’accueillir :

« Je ne veux pas donner de chiffres, volontairement. Le système de quotas me choque, car cela signifie qu’à un moment donné vous êtes obligé de dire stop. Le bon nombre pour Saint-Étienne sera celui qui nous permettra d’accueillir les personnes de manière digne. »

Le maire de Saint-Etienne en profite pour se distinguer des initiatives socialistes, en évoquant une « récupération » :

« Dans notre pays, je vois beaucoup d’atermoiements, d’hésitations à gauche comme à droite. Il y a une tentative scandaleuse de la part du PS de récupérer cette affaire en lançant ce réseau de « villes solidaires ». Moi, je préfère parler de ville humanitaire. À droite, je n’ai pas encore entendu de positions très claires de la part de nos leaders. On doit sortir des postures politiques ».

  • Grenoble

 

Dans un tweet, le maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle annonce que Grenoble participe aux « réseaux des villes solidaires ».

Les petites communes veulent aussi des réfugiés

« La taille n’est pas le critère de la générosité », nous déclare Jean-François Ploquin, le directeur de Forum réfugiés. En une semaine, son association a reçu une « petite dizaine » de propositions émanant de petites communes d’Auvergne et de Rhône-Alpes. Là encore, les maires socialistes sont en première ligne.

L’association reçoit également de « nombreux appels » de particuliers qui se proposent d’accueillir des réfugiés.

Cela fait écho à la tribune intitulée « Nous sommes prêts à accueillir » signée par les maires de onze communes situées au sud de Toulouse.

Ces derniers jours, plusieurs municipalités de la région ont suivi le mouvement, à l’image de Bourg-lès-Valence. Selon le Dauphiné Libéré, la maire et députée PS de la commune, Nathalie Nieson, a été la première élue drômoise à réagir :

« La ville se positionne comme ville solidaire pour accueillir des réfugiés. »

Selon le Progrès, Sylvie Epinat (DVD), maire de Saint-Georges-de-Reneins, a profité du conseil municipal de ce lundi pour proposer d’accueillir une famille de migrants au sein de cette petite commune de 4 292 habitants.

La "Marche des parapluies" est organisée chaque année à Lyon par Forum réfugiés dans le cadre de la journée mondial des réfugiés. ©DR
Après un premier rassemblement ce dimanche 6 septembre à Lyon qui a réuni 200, Forum réfugiés envisage un autre rassemblement. En photo : La « Marche des parapluies » qui est organisée chaque année à Lyon par l’association dans le cadre de la journée mondial des réfugiés. ©DR

Les conseils régionaux PS promettent des aides

En soutien au gouvernement, les conseils régionaux PS ont également proposé de l’aide.

Selon La Montagne, le président du Conseil régional d’Auvergne, René Souchon, propose ce lundi à l’exécutif régional un accord de principe pour une aide d’urgence pouvant aller jusqu’à 100 000 euros pour l’accueil des réfugiés.

Quant à la Région Rhône-Alpes, son président Jean-Jack Queyranne souhaite faire voter des aides en faveur des associations et collectivités qui viennent en aide aux réfugiés.

> Article mis à jour le 9 septembre à 10h avec la réaction du maire de Charvieu-Chavagneux. 


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