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Dans le Rhône, comment lutter contre le travail au noir dans le bâtiment et la restauration

Une première en matière de com’ pour la CAPEB du Rhône. La plus importante organisation du bâtiment de la région a fait ce mardi une conférence de presse sur le travail au noir et la question très spécifique mais répandue des travailleurs détachés en situation d’illégalité. Bon nombre d’alertes survenues sur le sujet depuis quelques années n’ont rien changé à une situation qui empirerait.

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Photo d'Illustration. Chantier Moulins 2006/CC/Flickr

Photo d'Illustration. Chantier Moulins 2006/CC/Flickr
Photo d’Illustration. Chantier Moulins 2006/CC/Flickr

Dans la région, 9 000 salariés détachés sont déclarés (dont 40% dans le bâtiment et 35% dans le travail temporaire). Parmi les secteurs les plus verbalisés, il y a le BTP mais il est surclassé par l’hôtellerie-restauration. Avec les chiffres du chômage annoncés en hausse, on estime une suppression d’emplois de l’ordre de 3000 postes pour 2015 dans le bâtiment, alors que 11500 travailleurs détachés sont attendus dans le Rhône -dont 7500 présumés illégaux.

Des chiffres évocateurs mais qui n’auront été rattachés à aucun nom d’entreprise, durant la conférence de presse ; le voile a été pudiquement jeté sur les identités des sociétés et les lieux des chantiers en cours, concernés par ces situations d’illégalité. Lesquelles provoquent une dégradation de plus en plus importante des salaires.

Stéphane Avrosse, administrateur de la CAPEB du Rhône, explique :

« Le travailleur peut être détaché s’il travaille dans un Etat de l’Union Européenne : son employeur l’envoie provisoirement poursuivre ses fonctions dans un autre état membre. Il n’y a pas d’uniformité des charges dans les pays européens, en France elles sont souvent plus importantes que dans les autres pays ».

Cett organisation professionnelle de l’artisanat dans le Rhône compte environ 1500 entreprises adhérentes, lesquelles emploient approximativement 45000 salariés.

 

Pas d’augmentation de salaire en 2015

Pour Sylvain Fornes, président de la CAPEB du Rhône et par ailleurs artisan-peintre, la mesure à prendre est limpide pour préserver l’emploi, la formation et la qualité des prestations :

« Il s’agit de faire prendre conscience aux donneurs d’ordre, aux pouvoirs publics, de la gravité de la situation et de la responsabilité de chacun. »

Cette année, les salariés dans le bâtiment en Rhône-Alpes ne toucheront pas d’augmentation ; un scénario identique à celui de l’an dernier.

« Le bâtiment, c’est le premier secteur d’intégration de travailleurs détachés en France. Le but de notre action, c’est de lutter contre ces dérives ».

Le travailleur détaché doit impérativement être déclaré à la DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi), mais certaines entreprises ne s’exécutent pas. A la DIRECCTE, on s’attache à ce que certaines règles conformes au droit du travail soient avant tout respectées : horaires (repos compensateurs, heures de travail), repas hebdomadaires, logements, congés payés, respect des consignes de sécurité, habilitation dans les domaines concernés…

Les travailleurs détachés jouissent du salaire minimum du pays concerné, ainsi que de ses congés. Toutefois, les charges sociales appliquées au contrat de travail (entre l’entreprise française et l’entreprise étrangère) sont celles du pays d’origine.

 

La fiche de signalement : « on veut créer un peu une psychose »

Après rencontre avec l’URSSAF et la DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi), il a été décidé de mettre en place une action forte, avec une méthode de signalement inédite.

Il est possible désormais de remplir anonymement une fiche de signalement (en téléchargement sur le site de la CAPEB) et c’est à une entreprise privée qu’est confiée la vérification, sur place, pour se renseigner et confirmer ou non la dénonciation. Les infos sont ensuite renvoyées à la CAPEB qui la transmet à la DIRECCTE.

Sylvain Fornes poursuit :

« On veut créer un peu une psychose ; les entreprises ne doivent plus se sentir à l’abri. En France, il y a des lois et elles doivent être appliquées. »

Directeur de l’unité territoriale du Rhône et directeur régional adjoint à la DIRECCTE, Pascal Bodin s’explique sur ces fiches de signalement :

« Dans la première convention signée en 2012, nous avions prévu que les professionnels feraient des signalements. Or, nous n’en avons eu qu’une dizaine en deux ans. D’où l’intérêt de faire des fiches de signalement plus systématiques. »

Il existe depuis plusieurs années une cellule spécifique appelée « cellule de contrôle du travail illégal » ; elle comprend deux agents sur le département.

« En 2014, nous avons effectué plusieurs centaines d’interventions, une partie des interventions a été faite en commun avec l’URSSAF et d’autres, nous avons relevé environ 190 procès verbaux pour le travail illégal dans le Rhône, mais pas seulement dans le bâtiment », explique Pascal Bodin.

Un représentant du parquet de Lyon devait initialement être présent à la conférence de presse, avant d’annuler. La CAPEB voudrait une réponse de la justice forte, et fera un point d’ici quelques mois sur les résultats de ce nouveau système de signalements.

 


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