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Coopérative d’habitants, une utopie urbaine 


Comment vivre collectivement en ayant son chez soi ? Être locataire et propriétaire ? En accord avec la nature et la ville ? La coopérative d’habitants tente de répondre à tous ces paradoxes. Mais en l’absence de loi spécifique, son montage relève du parcours du combattant. A Villeurbanne, la toute première coopérative française va voir le jour. Une première pierre a été posée la semaine dernière. Petit mode d’emploi.


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Un préalable pour comprendre la suite : la propriété est collective. Au Village Vertical, les habitants qui se nomment eux-mêmes les « Villageois », ont une double casquette : ils sont d’une part locataires de la coopérative de 14 logements, et d’autre part coopérateurs, c’est-à-dire détenteurs du capital de la société coopérative qui est l’unique propriétaire. Et dans la prise de décision, finis les tantièmes des copro’, chacun d’entre eux dispose d’une voix.


1/ Constituer un groupe de militants, plus que de copains

Le noyau dur des Villageois s’est formé, il y a six ans, au gré des rencontres dans les mouvements sociaux, écolo ou altermondialistes. Avec l’envie de vivre différemment. Ils sont appuyés depuis 2006, par l’association Habicoop qui a fait du Village Vertical son projet pilote.
Quand on écoute le discours prononcé lors de la pose de la première pierre, on comprend de quelles valeurs ils se réclament :

« L’urgence sociale et l’urgence climatique n’ont jamais été aussi fortes. Ce projet s’inscrit dans une transition des modes de vie, plus sobres et plus solidaires. Nous voulons un cadre de vie qui facilite les rencontres et les solidarités entre voisins. C’est la meilleure réponse possible au consumérisme et à la compétition de chacun contre tous ».

Le statut coopératif collait parfaitement à leurs attentes. Il leur permet de sortir du « système spéculatif ». Car, par principe, les coopérateurs ne peuvent faire de plus-value sur la revente de leurs parts sociales.

 

2/ Aller à la pêche aux soutiens institutionnels

Pour trouver le terrain où construire sa coopérative d’habitation, mieux vaut trouver une ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) car on peut négocier directement avec les collectivités qui possèdent le foncier.

Le Village Vertical a d’abord convaincu le bailleur HLM, Rhône Saône Habitat (RSH), pour partager un bâtiment dans le quartier de Grand Clément, à Villeurbanne : un tiers pour le Village et deux tiers pour un programme de RSH.

Il a fallu également convaincre le Grand Lyon et la Ville de Villeurbanne de se porter garants de cette première nationale. Le bailleur HLM a également garanti qu’en cas de problème au Village Vertical, il reprendrait les logements. Ce qui a fini de rassurer les collectivités.

 


3/ Rêver les pieds dans le béton… écolo

Les Villageois et le bailleur HLM se sont mis d’accord sur des architectes spécialistes dans la construction bioclimatique. Mais la réalité de la promotion immobilière a vite rattrapé les utopistes qui voulaient aller le plus loin possible dans la construction écologique. Antoine donne un exemple de ces renoncements :

« On a notamment dû abandonner la VMC double flux. Un système qui garde les calories à l’intérieur du logement tout en assurant le renouvellement de l’air. C’est trop cher et trop complexe à installer pour des entreprises françaises ».

Panneaux solaires, récupération des eaux de pluie, mur en bois-béton, l’écologie tient bien sa place dans le projet final. Quant à la vie collective, elle est toujours au cœur du Village Vertical. Les 14 appartements pour les Villageois partageront buanderie, salle commune (dont une cuisine), quatre chambres d’amis et potagers.

 

Village vertical

 

 

4/ Créer une coopérative (en priant pour que la loi change)


Avec les garanties du Grand Lyon et de Villeurbanne, la coopérative emprunte au taux réduit du logement social (PLS). Les Villageois n’apportent que 20% du montant de l’opération, qui sont convertis en parts sociales de la coopérative. Pour un T3, la personne doit apporter 33 000 euros.

Tous les mois, les coopérateurs verseront une redevance comprenant un loyer (80%) et un compte courant d’associé (prêt du coopérateur à la coopérative correspondant à 20 %), en fonction de la taille de leur logement. Pour un T3 de 66 m2, la redevance est comprise entre 700 et 750 euros. Cette redevance permettra principalement à la coopérative de rembourser ses emprunts.

Problème, quand l’emprunt arrivera à échéance dans 40 et 50 ans (40 pour le bâti et 50 pour le foncier), les Villageois devront continuer à verser un loyer. Cette aberration vient du montage juridique. Le Village Vertical a dû utiliser les statuts d’une entreprise commerciale classique, une SAS, à laquelle elle a ajouté un fonctionnement coopératif. Valérie Morel d’Habicoop explique :

« Dans les statuts de l’entreprise, l’objet principal est de fournir à ses membres l’usage d’un logement en le louant. La location doit donc être effective et le montant du loyer doit correspondre aux valeurs du marché. Si vous ne le faites pas, les services fiscaux risquent de redresser l’entreprise, en disant que vous auriez dû percevoir des loyers à telle hauteur et payer tant d’impôts. Cette problèmatique devra être résolue dans le cadre de la modification de loi  ».

 

5/ Faire du lobbying (pour continuer à penser aux autres)

Habicoop accompagne directement une demi douzaine de projets de coopératives d’habitants à Lyon, et d’autres en partenariat ailleurs en France. En parallèle, l’association tente de sensibiliser les parlementaires. Une proposition de loi socialiste devrait être déposée prochainement, créant un statut juridique propre, notamment pour lever les aberrations actuelles.

Un article de loi  devra également  prévoir que les parts sociales ne soient pas taxées lors de la revente. Aujourd’hui si vous vendez votre logement principal vous n’êtes pas taxé sur la plus value. Par contre, si des Villageois vendent leurs parts sociales, ils seront taxés.
L’idée est aussi de pouvoir bénéficier du prêt à taux zéro pour pouvoir acheter des parts sociales d’une coopérative d’habitation. « Actuellement, ce n’est pas dans la mentalité des banques de prêter à des particuliers pour acquérir des parts sociales », justifie Valérie Morel.

L’objectif des Villageois est de créer un « laboratoire d’écologie urbaine » : un habitat convivial, sorti de la spéculation, écolo mais aussi mixte socialement. Globalement, les habitants sont issus de la classe moyenne alors qu’ils voudraient ouvrir le Village aux plus modestes.

C’est pourquoi, la coopérative a trouvé un montage complexe pour atteindre cette objectif de mixité. Par le biais d’un bail à construction, Les Villageois ont transmis à Rhône Saône Habitat la possibilité de construire quatre logements trés sociaux pour des jeunes en insertion qui seront  gérés par AILOJ, association partenaire du Village Vertical. A la fin du bail à construction, le Village redeviendra propriétaire des quatre logements.

A raison d’une réunion minimum par semaine depuis 2005, voilà ce que sont en train de réaliser les habitants du Village Vertical, première coopérative d’habitants. Inauguration prévue en 2013.

 


#Coopérative d'habitants

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