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Loi anti-avortement en Espagne : « L’Europe des droits des femmes reste à construire »

Par Sylvie Guillaume, eurodéputée vice-présidente du groupe socialiste et Pascale Crozon, députée PS du Rhône.

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Loi anti-avortement en Espagne : « L’Europe des droits des femmes reste à construire »

Régulièrement citée en exemple pour sa loi-cadre contre les violences faites aux femmes et son initiative de réunir en 2010, pour la première fois, un Conseil des ministres à l’Egalité entre les femmes et les hommes, l’Espagne a longtemps joué le rôle de locomotive des droits des femmes en Europe.

Le revirement que constitue la présentation d’une loi limitant strictement l’accès à l’IVG illustre non seulement la fragilité de ces acquis face à la vague réactionnaire qui traverse le continent, mais surtout la nécessité de jamais abandonner le combat pour une Europe des droits des femmes, dans laquelle la France a un rôle majeur à jouer.

Le 10 décembre dernier, une majorité du Parlement européen se prononçait pour la deuxième fois contre un texte visant -entre autres- à envisager l’avortement du point de vue du droit européen. Bien que non contraignant pour les Etats membres, le rapport de la député socialiste portugaise Edite Estrela sur la santé et les droits sexuels génésiques, contenait des recommandations concernant l’éducation sexuelle, l’accès à la contraception et à l’avortement, soit autant de mesures indispensables pour prévenir notamment les grossesses des mineures ou le développement des maladies sexuellement transmissibles.

Son adoption aurait été un signal fort envoyé aux Etats membres et notamment à ceux tentés par le statu quo voir des reculs en matière de droits des femmes à disposer de leur corps. Notons en effet que les situations sont très diversifiées et qu’à Malte, en Pologne et en Irlande l’avortement est interdit ou son accès excessivement limité.


La performance d’une femme militant contre la loi anti-avortement en Espagne

L’égal accès aux droits et le principe de non-discrimination en matière sexuelle sont pourtant deux conditions non discutables du respect de la dignité humaine, rappelés par la Charte des droits fondamentaux à laquelle l’Union européenne a conféré la même valeur juridique que les traités et à laquelle les Etats sont soumis. Nombreuses sont d’ailleurs les directives européennes qui, s’appuyant sur ces principes, ont permis de faire progresser significativement les droits nationaux dans le sens de l’égalité en matière d’accès à l’éducation et à la formation, au marché de l’emploi, de conditions de travail, ou de reconnaissance des violences de genre.

Malgré cela, face aux discriminations qui perdurent en matière d’inégalités professionnelles, d’accès aux responsabilités, de droits familiaux ou d’exposition aux violences sexuelles, l’Europe comme espace de droits pour les 250 millions d’européennes reste toujours à construire. Dans ce cadre, n’ayons pas peur de réaffirmer que l’égalité des droits sexuels et reproductifs, le libre droit à disposer de son corps, est un principe incontournable. Nous refusons l’hypocrisie de penser qu’il s’agit d’un simple enjeu sanitaire pouvant être réglé à l’intérieur de frontières nationales, ni ne pouvons fermer plus longtemps les yeux sur les bus qui amènent les Françaises se faire inséminer en Espagne, et bientôt les Espagnoles se faire avorter en France.

Dans ce combat, la France, qui s’apprête à réaffirmer le droit à l’avortement en supprimant la condition paternaliste de « détresse » tombée en désuétude, qui a adopté à l’initiative des députés socialistes le principe de la « clause de l’européenne la plus favorisée » selon laquelle chaque femme doit pouvoir bénéficier de la législation européenne la plus protectrice pour ses droits fondamentaux et qui vient d’adopter une nouvelle feuille de route pour faire progresser l’égalité dans l’ensemble des politiques publiques, doit reprendre le flambeau abandonné par l’Espagne.

Donner à l’Europe une majorité progressiste, c’est considérer que les droits fondamentaux qui sous-tendent nos valeurs communes doivent être protégés au niveau européen contre toute remise en cause, dans tel ou tel pays, au gré des changements de majorité. Voila pourquoi cette Europe des Droits des femmes doit être un enjeu de la campagne qui conduira les citoyens, le 25 mai prochain, à choisir leurs représentants.


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