« La régularisation des charges a clairement amputé la somme d’argent que j’ai pour vivre. J’ai dû renoncer à mes vacances ! »
C’était en octobre 2023. Pascale (prénom modifié), comme de nombreux·ses autres locataires de la résidence de logements sociaux Jules Verne (Lyon 3e), recevait, une lettre de son bailleur social, Grand Lyon Habitat. En gras, une phrase qui avait sonné comme un coup de massue pour l’ancienne aide-soignante désormais à la retraite : « Vous nous devez la somme de 1437,20 euros ».
Pour celle qui avait l’habitude être remboursée d’environ 200 euros au moment de la régularisation, c’est la douche froide. « C’est plus de trois loyers [son loyer actuel est de 421,18 euros, ndlr] qui m’a été demandé d’un coup ! », souffle celle qui vit dans la résidence depuis 1999.


Au nord de la métropole, dans la commune de Genay, Nadia, mère de quatre enfants et locataire d’un appartement T5 dans la résidence des Verchères depuis 2018, avait reçu un courrier similaire. Dans la lettre, son bailleur social, Lyon Métropole Habitat, l’avait informé d’une augmentation des provisions (prélèvement mensuel) de chauffage « de 116,62 € / mois en juin 2023 à 263,62 € /mois à partir de juillet 2023 ». « J’ai vécu ça comme une injustice », enrage celle qui a, depuis cette explosion des charges, créé un comité de locataires pour la résidence.
Or, Pascale et Nadia ne sont pas des cas isolés. Ce lundi 15 septembre, la Fondation pour le logement et la Confédération syndicale des familles (CSF) ont présenté à la presse les retours de leur étude sur « l’augmentation des charges d’énergie dans le logement social » sur les cinq dernières années. Elle permet d’objectiver un phénomène d’une grande ampleur.
Une augmentation de 72 % des charges de chauffage
« L’évolution des charges a atteint un niveau record. Et la tendance relevée dans cette étude ne diminue pas. Cela touche tout le monde et tous les bailleurs sociaux », marque d’emblée Tennessee Garcia, coordinateur de la CSF 69.
Pour mesurer « l’ampleur de l’augmentation des charges locatives », la CSF a étudié un panel de 50 résidences HLM de la métropole de Lyon, comprenant près de 6000 locataires répartis sur 11 bailleurs sociaux.
Résultats : entre 2019 et 2023, les charges des locataires des logements sociaux ont augmenté en moyenne de 35,1 % toutes charges confondues et de 72,4 % seulement pour le chauffage. « Cela représente une moyenne de 383 € d’augmentation par logement par an », résume la CSF.
Pour Tennessee Garcia, ces constats cachent une « double peine » pour les locataires :
« Non seulement ils doivent faire face à une augmentation des charges, mais en plus, ils payent cher une énergie qui, pour eux, est gaspillée, car beaucoup vivent dans des appartements mal isolés. Donc l’urgence, c’est d’accélérer les réhabilitations ! »
Un cercle vicieux s’installe alors : les locataires s’endettent et les retards de paiement s’accumulent. Présente lors de la conférence, Céline Reynaud, présidente d’ABC HLM, association qui représente les bailleurs sociaux du Rhône a tenu à le rappeler :
« En 2023, 22,8 % des locataires de la métropole de Lyon et du Rhône étaient endettés [plus de 180 000 logements sociaux sur la métropole, ndlr]. En 2024, 21,6 % d’entre eux l’étaient et le seront probablement en 2025. »
Exemple concret : chez Grand Lyon Habitat, le montant des impayés est passé de « 6,5 millions d’euros en 2022 à 10,3 millions en 2024 », précise la CSF dans la synthèse de son étude.

À Lyon, les logements sociaux n’assurent plus leur rôle de « protecteurs »
Pour pallier ces endettements, la Fondation pour le logement et la CSF alertent sur les problématiques d’accompagnement des locataires. Pour Tennesse Garcia, même si les bailleurs sociaux ont peu de marge de manœuvre sur ces augmentations de charges « exorbitantes », ils doivent mieux informer les locataires :
« Une partie des bailleurs sociaux a échelonné automatiquement le remboursement sans consulter ses locataires sur le montant. Et pour un très grand nombre, ils n’ont pas envoyé de lettre pour informer sur les aides possibles ».
Entre autre, les divers fonds d’urgence. Mais problème : le Fond de solidarité logement, qui permet de prendre en charge des impayés « n’ouvre pas l’accès à des aides pour les régularisations si le chauffage est collectif », s’agace Tennessee Garcia. Or, 44 des 50 résidences mentionnées dans l’étude bénéficient d’un chauffage collectif. Pour le coordinateur de la CSF, « l’urgence » réside aussi dans la révision de ce règlement.
Pour Vanessa Brossard, directrice régionale Auvergne-Rhône-Alpes de la Fondation pour le logement, les constats tirés dans cette étude, « remettent en jeu l’action même du logement social » qui n’assure plus son rôle « protecteur ». Parce que derrière les chiffres, c’est une angoisse et un ras-le-bol qui grandit. Car ces charges record ne sont qu’un symptôme parmi d’autres. Elle mentionne également l’augmentation des loyers (plus de 10 % entre 2022 et 2025).
Alors pour Pascale, à l’approche du mois d’octobre, une crainte revient : celle de découvrir une nouvelle régularisation aussi salée que les précédentes. Sur ce point, Jean-Noël Freixinos, directeur général de Grand Lyon habitat, un des principaux bailleurs sociaux lyonnais, avait tenu à rassurer Rue89Lyon, lors d’un échange en juillet : ces augmentations devraient prendre fin cette année.
Chargement des commentaires…