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De Radio Canut à Arte : Olivier Minot, le micro punk des pentes de la Croix-Rousse

Depuis 20 ans, Olivier Minot arpente la ville de Lyon pour enregistrer ses bruits. À travers des micro-trottoirs, revues de presse et détournements comiques, cette figure à la fois punk et discrète est devenue l’une des voix les plus reconnaissables du podcast en France. Il est aussi connu pour son engagement associatif sur Radio Canut, « la plus rebelle des radios ».

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Portrait d'Olivier Minot à Lyon, pour l'émission de radio Dépêche d'Arte (Crédits Flore Giraud)
Portrait d’Olivier Minot à Lyon, pour l’émission de radio Dépêche d’Arte

Samedi 14 février à Brest, vers 23h. La foule est rassemblée devant le théâtre du Quartz. Le lieu abrite le festival Longueurs d’Ondes, le rendez-vous annuel du monde de la radio. Et comme à chaque fois, la performance d’Olivier Minot crée l’évènement.

Cette année, on s’est pressé pour voir le Radioshow, sa dernière émission sur Arte Radio, mise en ondes avec la réalisatrice Annabelle Brouard. Un spectacle de radio pour « retrouver le goût du live ». Pas hyper à l’aise face à la foule, le bonhomme change lorsqu’il retrouve son micro. Il enchaîne les blagues, les détournements radiophoniques et emporte le public avec lui.

On retrouve le quarantenaire dans l’anonymat d’un café du bas des pentes de la Croix-Rousse, deux semaines plus tard. C’est là qu’il vient pour éplucher la presse locale : Le Progrès, Tribune de Lyon… Méfiant vis-à-vis des GAFAM, le documentariste souhaite ne laisser aucune empreinte sur internet. S’il paye la presse, c’est toujours en format papier.

La silhouette fine, les yeux sombres, il se trimballe avec un éternel sweat à capuche et une casquette vissée sur le crâne. La dégaine du bon pote avec toujours le sourire en coin. Vous ne trouverez pas de trace de son visage sur la toile. Une manière, aussi, de revenir à la radio d’autrefois, avant qu’elle ne soit filmée, à une époque où on laissait l’imagination construire les traits de nos animateurs préférés. De toute manière, Olivier Minot, c’est surtout une voix.

« Avec Dépêche, ça ne s’arrêtait jamais »

« Salut, c’est Livo et je découpe les journaux avec mon micro ». Pendant 4 ans, et 140 épisodes, il a dépoussiéré le genre de la revue de presse dans Dépêche sur Arte Radio, avec la ville de Lyon comme terrain de jeu. Dans les kebabs de la Guillotière, les manifs de la place Bellecour, mais surtout depuis les pentes de la Croix-Rousse, là où il vit.

« Avec Dépêche, ça ne s’arrêtait jamais. C’était un rythme de fou et c’était toutes les semaines. Donc oui, c’était la facilité de tourner dans mon quartier. »

On a pu aussi l’entendre sur France Culture dans les Pieds sur Terre où il s’est penché sur L’affaire des sept antifas ou lorsqu’il a tenté de faire sauter une amende TCL.

Enraciné dans les pentes depuis vingt ans, il raconte, dans l’un des épisodes les plus poignants, la gentrification du quartier et la mort de Martial Nouri, SDF apprécié des riverains. Mais pour lui, ce n’est pas la mutation de la ville qui a changé la teneur de ses reportages.

« Ce n’est pas sociologique. Si tu veux trouver des bourgeois venus gentrifier ou des vieux punks, tu les trouves. En revanche, c’est plus dur d’avoir des trucs spontanés. Les gens se méfient des médias aujourd’hui, et à raison, parce que les trois quarts font de la merde. Donc, en fait, on subit les conséquences de ça aussi », analyse-t-il.

Reste que l’inattendu est toujours possible :

« Je tournais dans le quartier en 2021, sur des thématiques de réouverture post-confinement. Je vois arriver deux jeunes à vélo, avec des affiches, de la colle, lookés un peu babacool/teufeurs. C’étaient des affiches pour Les Patriotes, le truc de facho de Florian Philippot. Moi, je suis un peu outré. Et là, il y a une sorte de vieux qui débarque pour les insulter. On aurait vraiment dit un vieux réac. Il leur dit, cassez-vous les fachos. C’était le moment où tout est inversé. C’est badant cette société où les jeunes cools, ce sont les fachos. En plus, ils aimaient bien Arte Radio. Il n’y a plus de repères ».

« Radio Canut, c’est le premier local sur la route des fachos »

Sur une ligne antifasciste, Olivier Minot peut témoigner des conséquences de l’extrême droite radicale à Lyon :

« Radio Canut, c’est le premier local sur la route des fachos quand ils font des descentes. On se fait régulièrement péter les vitrines ».

Du micro au stylo, le croix-roussien prépare un livre dans lequel il fait le portrait des militants du Groupe antifasciste Lyon et environs (Gale) à paraître cette année aux éditions Burn Août. Leur dissolution a été prononcée par le Ministère de l’Intérieur en mars 2022 et validée par le Conseil d’État en novembre dernier.

Longtemps, Olivier Minot a été la locomotive de l’émission MégaCombi sur Canut. « C’était de la radio amateur, où on était meilleurs que les pros », s’enorgueillit-il. Une émission devenue culte où lui et ses comparses ont annoncé le décès de Gérard Collomb… six ans avant tout le monde. Malgré l’arrêt de l’émission, il continue de s’investir dans la plus rebelle des radios.

« On a 60 émissions par semaine, avec plus d’une centaine de personnes qui passent dans le studio. Je crois qu’on est la plus grosse radio de Lyon », détaille-t-il.

On laisse Olivier Minot finir son café, avant qu’il ne retourne chez lui. Depuis son appartement au cinquième étage d’un immeuble canut, il profite de la rumeur de la ville. Celle du livreur qui se fait klaxonner, des gens qui s’engueulent, de la musique chaabi, des coups de talon d’un cours de flamenco dans un petit théâtre. « C’est cette vie-là que j’adore », résume-t-il.


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