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Grève des enseignants à Lyon : « On n’a plus les moyens de faire notre travail »

Plusieurs syndicats de l’Éducation nationale ont appelé jeudi 1er février à une grève massive des enseignants. À Lyon, ils étaient nombreux à manifester au départ de la Place Guichard pour faire entendre leur « ras-le-bol » et leur rejet de la ministre Amélie Oudéa-Castera. Reportage.

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De nombreux enseignants et personnels de l'éducation en grève ont manifesté ce jeudi 1er février à Lyon. ©Laury Caplat/Rue89Lyon
Plusieurs centaines d’enseignant.es et personnels de l’éducation ont manifesté ce jeudi 1er février ©Laury Caplat/Rue89Lyon

« J’adore mon métier mais aujourd’hui, on a des conditions de travail qui sont déplorables. On n’est pas payés à notre juste valeur ». Comme les autres enseignant.es autour d’elle, Christel, professeure des écoles depuis 32 ans, a répondu à l’appel de la grève et de la mobilisation nationale pour faire entendre sa colère. 

Guidés par les syndicats (FFSU, CGT Educ’action, FNEC FP-FO, SUD éducation, Unsa Éducation et SGEN CFDT), ils étaient au moins 1000 à défiler depuis la place Guichard à Lyon (3e), jeudi 1er février. L’arrivée était prévu devant les locaux du rectorat où une réunion avec les syndicats devait se tenir à 16h. Selon les informations du rectorat, 17,45 % du personnel éducatif était en grève dans l’Académie du Rhône. Les enseignants plus spécifiquement étaient 19,33 % à faire grève.

Parmi leurs revendications, ils et elles demandent la revalorisation de leurs salaires, s’opposent à la mise en place des groupes de niveaux, au Service national universel (SNU)… Une chose est sûre, tous et toutes, enseignants, ATSEM et AESH ont partagé la même sensation de « ras-le-bol » général. Et celui-ci résonne particulièrement dans un nom prononcé par nombre de grévistes : Amélie Oudéa-Castéra. Depuis ses propos polémiques « sur les nombreuses absences non-remplacées dans le public » qui l’aurait poussée à inscrire ses fils à Stanislas, une école privée conservatrice, la nouvelle ministre de l’Éducation nationale a fait parler d’elle dans le cortège lyonnais.

Les groupes de niveaux : une raison de la grève des enseignants à Lyon

Pancarte nouée autour du cou, Julie, une professeure de français non syndiquée explique le contexte qui l’a poussé à entrer en grève : « on a plus les moyens humains de faire correctement notre travail». Surtout, ce qui l’inquiète, ce sont les « groupes de niveaux ». En décembre 2023, Gabriel Attal, Premier ministre, avait annoncé leur mise en place en français et en mathématiques au collège. « Enfermer les mauvais élèves entre-eux ça ne va rien arranger du tout, au contraire. C’est une forme de ségrégation et une réforme totalement absurde », tacle-t-elle, rappelant que celle-ci avait déjà été maintes fois « critiquée par des chercheur.es et des enseignant.es ».

Si elle a rejoint le rassemblement, c’est aussi par inquiétude pour sa fille. « Elle rentre en 6ème l’année prochaine et elle n’a déjà pas confiance en elle. Avec ses difficultés en maths, elle sera directement stigmatisée et mise dans le groupe des ‘pas bons’. Elle va perdre toute son estime d’elle », soupire-t-elle, en avançant dans le cortège. Au loin, les voix s’élèvent et scandent en cœur « De l’argent il y en a, dans l’école de Stanislas », sous les applaudissements et les drapeaux agités.

Deux professeur.es manifestent ce jeudi 1er février depuis la place Guichard, dans le 3ème arrondissement de Lyon ©Laury Caplat/Rue89Lyon
Deux professeur.es en grève manifestent ce jeudi 1er février depuis la place Guichard. ©Laury Caplat/Rue89LyonPhoto : ©Laury Caplat/Rue89Lyon

« Il va encore y avoir des suppressions de postes en lycée professionnel »

Autre revendication majeure : le retrait de la réforme des lycées professionnels. « Au début, ils avaient enlevé des heures de français et d’histoire. Là, ils veulent nous en remettre mais au détriment d’autres matières. Il va donc y avoir encore des surpressions de postes. C’est toujours pareil, on déshabille Paul pour habiller Pierre (sic), et ça c’est un vrai problème », souligne Stéphane, professeur en lycée professionnel depuis 18 ans.

Au micro, les slogans des syndicats rythment la marche « ça fait 100 ans que les enfants ne travaillent plus dans les usines ». Ils sont nombreux a dénoncer la carte des formations. Celle-ci avait été en partie revue pour orienter les élèves et les formations vers les métiers en tension. À la rentrée 2023, plus de 80 filières avaient fermé leurs portes.

Lors de la manifestation des enseignants en grève, ce jeudi 1er février à Lyon, le nom de la ministre de l'éducation, Amélie Oudéa Castera, était dans toutes les bouches ©Laury Caplat/Rue89Lyon
Lors de la manifestation des enseignant.es, ce jeudi 1er février, le nom de la ministre de l’éducation, Amélie Oudéa Castera, était dans toutes les bouches ©Laury Caplat/Rue89LyonPhoto : ©Laury Caplat/Rue89Lyon

Grève des enseignants : le soutien des lycéens de Lyon

Il n’étaient pas les seuls à faire valoir leur colère. Chez les lycéen·nes aussi, les sujets de mécontentement sont multiples. « L’Éducation nationale ne prend pas du tout en compte nos revendications, pareil pour les profs, ils sont super mal payés. Alors quand on entend que de l’argent va être dépensé dans le SNU, on se mobilise », lâche Lenox* (prénom modifié), 16 ans, devant le portail du lycée Saint-Just. Ce matin du 1er février, une quinzaine de lycéens se sont levés à l’aube pour bloquer ce lycée du 5ème arrondissement de Lyon.

Si l’opération blocus a été initiée pour soutenir la grève des enseignants, c’est plus largement le système éducatif tel qu’il est aujourd’hui que ces jeunes rejettent. « L’uniforme, c’est complètement débile. Ce n’est pas du tout un moyen d’effacer les inégalités mais de les cacher. Ils veulent qu’on devienne des petits clones », dénonce April, en classe de seconde, avant de se rectifier avec sarcasme, « ou des bons petits soldats du SNU ».

A ses côtés, ses camarades, tous vêtus de noirs et de cagoules improvisées, scandent en cœur « Macron démission » sous les regards réprobateurs du personnel administratif. Plusieurs d’entre-eux, opposés à ce blocus, sont même intervenus physiquement pour empêcher le rassemblement. « C’est super compliqué, on risque gros à faire un blocus ici. Les derniers se sont mal passés », confie une lycéenne. C’est donc sans barrières, ni poubelles et munis de leurs pancartes que les lycéens de St Just ont tenté coûte que coûte de soutenir la mobilisation des enseignants avant de rejoindre le cortège des grévistes.


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