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Loi immigration : des magistrats craignent une « dégradation » de la justice à Lyon

Lundi 18 décembre, des magistrats du tribunal administratif de Lyon ont manifesté contre des dispositions de la loi immigration actuellement en débat. Audience en visio ou justice rendue hors du tribunal… ils appréhendent une version dégradée de la justice pour les étrangers.

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Tribunal administratif
Les magistrats du tribunal administratif ont manifesté contre la loi immigration, à Lyon.

« On ne peut pas juger une personne retenue dans un centre de rétention administrative… »

Visiblement, on pourrait tout de même s’en rapprocher, si la loi immigration passe en état. Lundi 18 décembre, ils étaient une vingtaine, principalement des magistrats à manifester devant le tribunal administratif de Lyon. Ils s’opposent à plusieurs dispositions de la loi immigration, actuellement discutée au parlement en commission mixte paritaire.

La nouvelle loi entraînerait une généralisation de la tenue des audiences en « visio » ou de façon délocalisée. « Où est-ce que vous voulez placer un interprète dans un jugement en visio-conférence ? », lâche Morgan Bescou, avocat spécialisé en droit des étrangers. Pour lui, il se joue dans cette loi l’image de la justice. Avec des audiences par ordinateurs interposés ou directement à côté des Centres de rétention administrative, la justice ne se rendra plus au tribunal. Finis donc le côté sacré de la justice.

Une justice à deux vitesses à Lyon

« Qu’est-ce qui va différencier le passage au tribunal du passage devant une conseillère pôle-emploi ? », abonde Gabrielle Maubon du Syndicat de la juridiction administrative (SJA). Pour son syndicat et l’Usma (Union syndicale des magistrats administratifs), ces mesures vont entraîner une « dégradation » de la confiance en la justice. 

Ils s’opposent également à la généralisation du juge unique comme formation de principe à la Cour nationale du droit d’asile. Pour rappel : cette dernière est chargée d’étudier les recours formulés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Jusque là, les décisions se prenaient de façon collégiale.

En somme : ils refusent que les étrangers soient considérés comme étant une « sous-catégorie » de justiciables. D’autant qu’un nivellement vers le bas pour les autres citoyens est à craindre, selon eux. « Après cela, pourquoi cela ne toucherait pas tous les contentieux ? reprend Gabrielle Maubon. Depuis plusieurs années, on a vu une évolution de la justice par petites touches… Il faut préserver ce service public. »

Le droit des étrangers déjà dégradé à Lyon

Fortement décriés pour leur qualité d’accueil, les Centres de rétention administrative 1 et 2 ont déjà fait couler beaucoup d’encre et provoqué l’ire du barreau de Lyon. Logiquement, le fait de rendre la justice dans un local mitoyen des CRA, à côté de l’aéroport Saint-Exupéry, fait grincer des dents.

Sur d’autres aspects, les étrangers ont déjà été fortement pénalisés par la dématérialisation des titres de séjour. À tel point que la préfecture avait été sanctionnée par la justice administrative. Bref, ces nouvelles dispositions n’arrangeront rien.

Restera à voir si elles passeront à l’échelle nationale. Après le rejet du projet de loi à l’Assemblée nationale le 11 décembre, le gouvernement prend le risque de déchirer sa majorité. Les concessions faites à l’opposition de droite et d’extrême-droite pour gagner des votes créent de fortes tensions. Elles ne risquent pas non plus de plaire aux magistrats en lutte à Lyon.


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