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Squat à Villeurbanne : « vous, la Métropole, laissez-nous habiter ici !»

Depuis juillet 2022, 25 personnes occupent d’anciens bureaux de la Métropole de Lyon formant un squat avec de nombreuses femmes et enfants à Villeurbanne. Par un jugement du tribunal de Lyon d’avril 2023, les habitant·es ont obtenu un délai avant expulsion qui court jusqu’en juillet 2024. Dans cette lettre ouverte que nous publions, ils et elles demandent à la collectivité de ne pas faire appel de la décision.

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Squat rue Durcroize

C’est un squat un peu particulier à Villeurbanne. En février, Rue89Lyon s’est rendu rue Ducroize, dans le quartier de Grandclément, pour rencontrer des habitant·es hébergé·es dans d’anciens bâtiments de la Métropole de Lyon. Particularité des lieux ? Ils accueillent principalement des femmes et des enfants en bas-âges. Lors de notre passage, nous avions pu constater notamment la présence d’enfants de six, cinq et quatre ans. Un nourrisson de quelques mois y vivait également depuis sa naissance, en décembre.

En conflit avec la Métropole de Lyon, les habitants·es sont parvenus à obtenir un délai de plus d’un an avant une expulsion. Le tribunal de Lyon leur a donné jusqu’à juillet 2024 pour partir. Dans une lettre ouverte que nous publions ci-dessous, ils et elles demandent à la collectivité de ne pas faire appel de cette décision.

Squat rue Durcroize
Dans une chambre du squat de Grandclément, les mamans et enfants se sont réunis le temps d’une après-midi.Photo : PL/Rue89Lyon.

Squat à Villeurbanne : « La juge a reconnu que le lieu est calme et sécurisé »

Vous [la Métropole de Lyon, ndlr] n’êtes pas sans savoir que l’hébergement est complètement saturé sur votre territoire. De nombreuses personnes, des femmes, des familles, sont à la rue. C’est pour cela que le squat de la rue Ducroize a ouvert en juillet 2022, dans un bâtiment appartenant à la Métropole, des anciens bureaux inutilisés depuis des années.

Le lieu est habité par une vingtaine de personnes, très majoritairement des femmes et des enfants, avec des parcours variés. La métropole a décidé d’attaquer en justice le squat, demandant leur expulsion immédiate. Après de longs mois de préparation, nous, habitantes et soutiens, nous sommes rendues au tribunal le 30 janvier 2023. Après des mois d’attente, la décision vient d’être rendue : le tribunal a accordé des délais d’occupation jusqu’en juillet 2024.

Cette décision est un soulagement pour nous. La juge a reconnu que le lieu est calme et sécurisé, que les familles qui y vivent s’organisent au mieux, et sont insérées dans le quartier.

Le squat n’est pas un lieu de vie idéal, mais nous, habitantes, n’avons nulle part d’autre où aller. Nous savons à quel point c’est dur d’être à la rue, surtout pour les femmes, qui y affrontent beaucoup de violences, doivent se cacher, accepter des situations ou des arrangements qu’elles ne veulent pas.

Plus qu’un squat à Villeurbanne : « Un lieu où des femmes et leurs enfants sont majoritaires et décisionnaires »

Parmi nous, certaines ont déjà connu les foyers, d’autres jamais, malgré leur demande d’asile ou le bas âge des enfants. Il y a parfois de rares places en centre d’urgence, en CADA (à l’autre bout du pays), ou des mises à l’abri à l’hôtel. Mais il y a beaucoup de contraintes : on ne peut pas cuisiner, on ne peut inviter personne (ni même les conjoints et pères de nos enfants), on est seules et isolées. Dans les centres, on pallie le manque de travailleur·ses sociales en mettant en place des règles strictes et des caméras dans les parties communes. On ne sait jamais combien de temps on va pouvoir rester, on n’a pas ou peu d’accompagnement social pour envisager la suite.

Ce squat n’est pas qu’un abri, c’est aussi un lieu où des femmes et leurs enfants sont majoritaires et décisionnaires, où elles peuvent s’organiser, sans chef, s’entraider, vivre entre amies, entre familles.

Nous, soutiens, nous investissons beaucoup pour aider et rendre le lieu habitable. Toutes celles et ceux qui connaissent les habitantes pourront dire qu’elles s’y sentent en sécurité, peuvent enfin avancer dans leurs démarches, gagnent en autonomie, en liberté et en droits. Quand on est une femme, exilée, mère, précaire, ces espaces sont rares et précieux.

La Métropole fait systématiquement appel des décisions de justice concernant les squats, évoquant sa « responsabilité » et présentant la procédure en appel comme une formalité. Pour nous, un procès n’est pas une formalité : il faut trouver un·e avocat·e, préparer l’audience, récupérer et transmettre tous les documents des habitant·es pour prouver les démarches, se présenter au tribunal et y être jugées… Cela demande du temps, de l’argent, et c’est beaucoup de stress. 

« La métropole n’a aucun projet sur le bâtiment »

Il a fallu attendre trois mois pour avoir la réponse du premier procès. Habitantes comme soutiens, nous voulons pouvoir nous reposer et prendre le temps d’avancer dans les démarches des habitantes, plutôt que de perdre du temps à préparer un énième procès, et passer des mois dans l’appréhension. C’est pour toutes ces raisons que nous vous demandons de ne pas faire appel de la décision du tribunal nous accordant des délais d’occupation jusqu’en juillet 2024. 

La Métropole n’a aucun projet sur le bâtiment, elle n’en fait rien depuis des années, l’occupation ne pose pas de problèmes. Nous vous demandons d’accepter cette décision de justice et de nous laisser habiter ici, plutôt que de mettre à nouveau en danger notre maison, niant tous les efforts que nous faisons pour vivre dignement.


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