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Annulation d’une conférence sur la Palestine par la Ville de Lyon : chronologie d’une polémique

Suite à une forte polémique, la Ville de Lyon a annulé une conférence autour de la Palestine qui devait se tenir le 1er février. Rue89Lyon revient sur la chronologie des évènements.

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Le 4 janvier 2023, Grégory Doucet, maire de Lyon, a présenté ses vœux au Club de la presse de Lyon. ©LB/Rue89Lyon

Critiqué par les oppositions, désavoué au sein même de sa majorité, avec une polémique qui enfle, le maire EELV de Lyon Grégory Doucet a finalement fait marche arrière. Il a choisi d’annuler une conférence sur les relations israélo-palestiniennes. La présence de l’avocat palestinien Salah Hamouri (voir encadré) cristallisait les tensions autour de cet évènement qui aurait dû se tenir le 1er février à l’Hôtel de Ville de Lyon.

Selon l’AFP, la préfecture du Rhône avait mis en demeure la mairie d’annuler la conférence avec Salah Hamouri, du fait des « risques de troubles à l’ordre public ». Le maire de Lyon a justifié cette annulation lundi 30 janvier dans une longue lettre envoyée aux représentants du groupe interconfessionnel « Concorde et solidarité » et aux associations liées à l’évènement.

« Au regard de la situation au Proche-Orient, des postures irresponsables et inacceptables d’appel à la manifestation haineuse et anti-républicaine, et de mon rôle d’assurer la sécurité de toutes et tous, j’ai décidé, avec mon équipe et les personnes participant à cette conférence, de surseoir à sa tenue », écrit-il.

Une table ronde autour de la Palestine organisée à Lyon

Mardi 24 janvier, la mairie de Lyon avait annoncé la tenue d’une table-ronde au sein de l’Hôtel de Ville, dans le cadre des 30 ans des accords d’Oslo (accords qui ont lancé de premières négociations pacifiques entre Israël et la Palestine), intitulée « Regards sur la Palestine ».

« Soucieuse de maintenir et d’entretenir ce dialogue permanent et cette écoute de part et d’autre, une délégation de la Ville de Lyon se rendra en déplacement en Israël dans les prochains mois », précisait également le communiqué de presse d’annonce de l’évènement.

Plusieurs universitaires et associatifs y étaient invités : Abaher El Sakka, sociologue et professeur associé à l’Université palestinienne de Beir Zeit, Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France et Benoît Van Keirsbilck, directeur de l’ONG Défense des Enfants International Belgique.

Salah Hamouri (voir encadré plus haut) devait, lui, « témoigner de ses conditions de détention [en Israël], dénoncées par de nombreuses ONG et représentants français », précisait le communiqué de presse.

Polémique autour de la venue de Salah Hamouri à la conférence sur la Palestine à Lyon

Salah Hamouri est considéré comme un terroriste par Israël, ce que lui-même et ses soutiens contestent. Son invitation par la Ville de Lyon a tout de suite suscité de vives critiques de représentants de la communauté juive, ainsi que de la droite et du centre. Une invitation qui a du mal à passer, alors que les tensions s’exacerbent au même moment à l’autre bout du globe entre Israël et la Palestine.

Sur Twitter, l’avocat Alain Jakubowicz, président d’honneur de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), et ancien président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), a également reproché au maire de Lyon de n’avoir invité « qu’une seule partie » (comprendre : la partie palestinienne).

Au conseil municipal de Lyon, le groupe centriste Progressistes et Républicains, mené par David Kimelfeld, s’est aussi exprimé le 26 janvier :

« Le choix fait par Grégory Doucet, quant au format de cette commémoration par la Ville de Lyon est problématique car seul le point de vue palestinien était invité à s’exprimer lors de cet événement, rompant ainsi le principe d’équlibre d’une telle commémoration, les accords ayant été ratifiés par les deux parties. Ce n’est pas par un voyage en Israël, dont nous ne comprenons pas le sens, qu’un quelconque équilibre pourra être trouvé. »

L’extrême droite s’est invitée également dans la polémique le 26 janvier. L’avocat franco-israélien Gilles-William Goldnadel, avocat de feu Génération Identitaire, a évoqué la table-ronde sur son média Goldanel TV. « Le maire écolo gauchiste de Lyon s’est déshonoré à tout jamais », a-t-il estimé.

À cette polémique et toutes ces tensions s’est aussi ajoutée une fausse information relayée par l’extrême droite : le maire de Lyon aurait annulé un voyage scolaire à Auschwitz pour que les élèves ne prennent pas l’avion. C’est en réalité la Métropole de Lyon qui a pris cette décision, non en raison du mode de transport, mais en raison de la proximité de la Pologne avec l’Ukraine, en guerre. Ce voyage a été remplacé par des déplacements sur des lieux de mémoire de la Shoah en France.

Une gestion de crise par la Ville de Lyon qui n’aura pas suffi à éteindre la polémique

Pour tenter d’étouffer la polémique qui enflait et d’apaiser les esprits autour de cette table ronde, Grégory Doucet a réagi dès le vendredi 27 janvier. Dans une interview pour le Progrès, il a tenté de clarifier sa position sur le conflit israélo-palestinien :

« Je me situe dans un total alignement avec la position de la France, à savoir une solution à deux États dans cette région du monde. (…) Le but de cette table ronde est de contribuer à promouvoir cette solution à deux États. »

Le 4 janvier 2023, Grégory Doucet, maire de Lyon, a présenté ses vœux au Club de la presse de Lyon. ©LB/Rue89Lyon
Le 4 janvier 2023, Grégory Doucet, maire de Lyon, a présenté ses vœux au Club de la presse de Lyon.Photo : LB/Rue89Lyon

Il a ensuite défendu la composition de la table-ronde, qui devait être animée par Christian Velud, « qui n’est pas seulement un expert reconnu du Moyen-Orient mais aussi quelqu’un dont la capacité à assurer un équilibre de la pensée n’est pas questionnable ». Le maire a argumenté en faveur de la venue de Salah Hamouri, « quelqu’un qui connaît la situation dans les territoires palestiniens, qui a passé un temps significatif en détention et dont l’expulsion a été condamnée par les autorités françaises ».

Dès le 25 janvier, le maire de Lyon avait tenté de tendre la main aux « instances ou associations représentatives de la communauté juive ». L’édile leur avait proposé de conseiller « un spécialiste, expert ou représentant indépendant, de leur choix, qui pourra apporter un éclairage complémentaire sur les “territoires palestiniens » », pour compléter la table-ronde.

L’escalade de la polémique jusqu’à l’annulation de la conférence sur la Palestine à Lyon

Ces différentes déclarations n’auront pas suffi à éteindre la colère envers le maire de Lyon. Vendredi 27 janvier, le grand rabbin de Lyon, Daniel Dahan, a décidé de quitter le groupe interconfessionnel « Concorde et solidarité ». Ce groupe avait été créé par l’ancien maire de Lyon, Gérard Collomb, après un attentat contre une synagogue de la Duchère, en 2002. Sa vocation était d’œuvrer à « la paix sociale ».

La polémique a atteint son point culminant dimanche 29 janvier. Une commémoration de la libération du camp d’Auschwitz se tenait devant la statue du Veilleur de pierre, place Bellecour. L’adjointe au maire à la Mémoire, Florence Delaunay, a été huée par l’assemblée, tout comme le nom de Grégory Doucet, lui-même absent.

Lundi 30 janvier, la mairie de Lyon a alors décidé d’annuler purement et simplement la conférence. « Mais attaché à contribuer à une connaissance éclairée de la situation dans cette région du monde, je poursuivrai le projet de décrire, avec toutes les bonnes volontés et les personnes respectueuses du cadre démocratique, la situation réelle en Israël et en Palestine », a assuré cependant le maire de Lyon. Il a annoncé l’organisation de « prochaines rencontres publiques » sur cette thématique.


#Grégory Doucet

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