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Coupes budgétaires dans les écoles de Vaulx-en-Velin : « Ce n’est pas aux enfants de payer ! »

Un rassemblement a été organisé pour contester la suppression des classes vertes et subventions dans les écoles de Vaulx-en-Velin. Reportage.

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Des professeurs des écoles et parents d'élèves apostrophent le porte-parole de la ville de Vaulx-en-Velin, Samir Khamassi.

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Professeurs des écoles, parents d’élèves, AESH… Tous souhaitent pouvoir faire entendre leurs protestations contre les nouvelles restrictions budgétaires décidées pour les écoles primaire de Vaulx-en-Velin.

Rendues publiques il y a un peu moins de deux semaines par la municipalité, ces coupes impactent sérieusement les activités pédagogiques : annulation de tous les voyages pour cette année scolaire, fermeture du planétarium et du cinéma Les Amphis pour les sorties ou encore baisse de 2°C du chauffage dans les gymnases.

Finie également la possibilité pour les enseignants de commander le matériel pédagogique de leur choix. Un « cartable » commun sera distribué à tous les élèves de Vaulx-en-Velin à partir de la rentrée prochaine.

« Avec le cartable unique, il va y avoir du gaspillage dans les écoles de Vaulx-en-Velin »

Dans la population enseignante présente ce lundi, on parle avant tout de la suppression de la « liberté pédagogique », dont notamment le choix laissé à chaque enseignant quant au matériel et aux supports qu’il préfère. Une liberté qui serait balayée par le « cartable » unique.

Maud, professeur en CP-CE1 à l’école Anatole-France l’exprime plus concrètement :

« D’ordinaire les professeurs de chaque classe peuvent dépenser 29 euros par élève par an pour acheter le matériel pédagogique qui leur convient. Et d’un ou une collègue à l’autre, c’est évidemment très différent. »

29 euros par enfant, distribués par la collectivité. À l’école primaire Anatole-France, cette somme avait déjà été investie dans de la papeterie :

« C’est comme ça depuis mon arrivée dans cet établissement, donc au moins 2007, se souvient Maud. On fabrique nos manuels tout seuls, comme ça on n’a pas à les acheter. On était contents parce que ça nous permettait d’investir dans du bon matériel pour les enfants, qui correspondait exactement à nos projets. »

Maud et ses collègues rappellent que la gratuité des fournitures scolaires était une promesse de campagne de la maire PS de Vaulx-en-Velin, Hélène Geoffroy. Elles dénoncent « une stratégie électoraliste » et craignent un « pack » décidé sans concertation avec les professeurs, de mauvaise qualité, ou qui ne conviendrait pas aux pratiques de la plupart des enseignants :

« Il va y avoir du gaspillage, c’est sûr, affirme Maud. Alors qu’on a tellement besoin d’argent…»

Sa collègue Maënna abonde. Elle aussi enseignante à l’école primaire Anatole-France, elle se dit abattue par la suppression de toutes les sorties scolaires :

« En quoi une après-midi cinéma, ou une matinée au planétarium pose-t-il un coût énergétique trop grand ? La crise de l’énergie a bon dos. »

Pour les professeurs des écoles, cette décision est d’autant plus révoltante que tous les établissements scolaires de Vaulx-en-Velin sont en réseau d’éducation prioritaire (REP).

« Parfois, c’est la maîtresse qui ramène du papier toilette de chez elle »

Les enseignants de l’école Anatole-France ne le savaient pas encore, mais en octobre dernier, ils ont organisé l’un des derniers séjours en classe verte de Vaulx-en-Velin. Une enseignante, qui a accompagné les enfants lors de cette sortie, raconte :

« On est allés à Saint-Gênes-Champanelle, pour un séjour nature environnement. Il y avait des enfants qui ne s’étaient jamais baladés en forêt. C’est tellement important ce que ça leur apporte : autonomie, curiosité, ouverture sur le monde… »

Des parents d'élèves de l'école Mistral à Vaulx-en-Velin. De gauche à droite, Julien, Anthony et Sandrine.
Des parents d’élèves de l’école Mistral à Vaulx-en-Velin. De gauche à droite, Julien, Anthony et Sandrine.Photo : LS/Rue89Lyon

Un discours qu’Anthony, père de quatre enfants scolarisés à Vaulx-en-Velin, est loin de contredire. À l’école primaire Frédéric-Mistral, un séjour de trois jours au ski est organisé chaque année pour les CE1. Son fils aîné, qui y a participé il y a deux ans, en était rentré particulièrement enthousiaste. Anthony s’en était réjoui :

« Avec ma femme, on ne peut pas payer des vacances au ski aux enfants. C’est le seul moment où ils peuvent voir la neige, la vraie. »

Un paysage que le cadet, Jiayden, était impatient de découvrir. Il a pourtant vu la classe verte lui passer sous le nez il y a un peu plus d’une semaine. Anthony dit se sentir impuissant face à des décisions prises si brutalement.

Sandrine et Julien, eux aussi parents d’élèves scolarisés à Frédéric-Mistral, abondent :

« On a de plus en plus l’impression que l’école n’est plus du tout la priorité de la municipalité. Il y a des classes où on attend un an pour changer une vitre », illustre Julien.

« Mon grand en CE2 me dit que parfois, c’est la maîtresse qui ramène du papier toilette de chez elle, sinon il n’y en a pas », poursuit Sandrine.

« Ce n’est pas aux enfants de payer l’addition ! »

Des situation alarmantes que les parents ne manquent pas d’asséner pêle-mêle au porte-parole de la Ville de Vaulx-en-Velin, Samir Khamassi, qui vient à la rencontre du petit rassemblement.

Il reste à peine une dizaine de minutes en bas de la mairie, avant de s’échapper rapidement alors que syndiqués, professeurs et parents d’élèves tentent d’obtenir des réponses. Il argue que la baisse générale des subventions permet de ne pas augmenter le prix des repas à la cantine. Une explication qui suscite une réaction épidermique chez Sandrine : « Pour ce qu’ils ont dans l’assiette ! »

Des professeurs des écoles et parents d'élèves apostrophent le porte-parole de la ville de Vaulx-en-Velin, Samir Khamassi.
Des professeurs des écoles et parents d’élèves apostrophent le porte-parole de la ville de Vaulx-en-Velin, Samir Khamassi.

D’après elle, dans certaines écoles comme Frédéric-Mistral, les repas ne seraient pas très copieux.

« Mon aîné me dit tout le temps qu’il a faim, même après manger », témoigne-t-elle alors que Julien opine du chef.

Maladroitement, Anthony martèle :

« Qu’ils fassent ce qu’ils veulent, mais ce n’est pas aux enfants de payer l’addition ! »

« Combien d’enfants vaudais vont aller au boulodrome à 4,5 millions d’euros financé par la mairie ? »

Un avis partagé par les cinq salariés du Centre pilote d’escalade et d’alpinisme de Vaulx-en-Velin (CPEAvv). Des professionnels dont la présence peut étonner à ce type de rassemblement, et pourtant :

« Rien que dans le primaire, on entraîne 30 classes de 20 élèves par semaines, soit 600 élèves », décrit Benjamin, professeur d’escalade.

Des cycles d’escalade, qui d’ordinaire s’achevaient le plus souvent par une mise en pratique au grand air, à Orpierre ou Saint-Jean-Saint-Nicolas. L’occasion pour les enfants de mettre en pratique concrètement ce qu’ils ont appris dans les salles de la ville. « Ça leur apprend le sens des responsabilités, le self control… C’est très important à ces âges-là », détaille son collègue Michel.

La décision sans appel de la mairie les a pris de court, et au delà de l’incompréhension, ils expriment à leur tour de la colère. Michel se fend donc d’une petite pique bien sentie :

« Il y a combien d’enfants vaudais qui vont aller au boulodrome à 4,5 millions d’euros financé par la mairie ? »

Contactée, la mairie de Vaulx-en-Velin n’a pas répondu aux questions de Rue89Lyon.

Les professionnels du Centre pilote d'escalade et d'alpinisme de Vaulx-en-Velin (CPEAvv). De gauche à droite : Benjamin, Monique, Nicolas, Frédéric et Michel. ©LS/Rue89Lyon
Les professionnels du Centre pilote d’escalade et d’alpinisme de Vaulx-en-Velin (CPEAvv). De gauche à droite : Benjamin, Monique, Nicolas, Frédéric et Michel.Photo : LS/Rue89Lyon


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