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[PODCAST] « Explorer l’espace pour mieux habiter la Terre ? »

L’arrivée du robot Perseverance sur Mars le 18 février 2021 a mis un coup de projecteur sur l’exploration du système solaire. Les connaissances dans ce domaine peuvent-elles contribuer à changer notre regard au sujet de la vie sur Terre ?

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Perseverance sur son site d'atterrissage avec en arrière-plan les falaises de la bordure interne du cratère Jezero qui dominent de 600 mètres le plancher du cratère (photomontage). NASA/JPL-Caltech, Public domain, via Wikimedia Commons

Pour tenter de répondre à ces questionnements, colonnes ouvertes à Patrick Thollot, planétologue au laboratoire de géologie de Lyon – Terre, Planètes Environnement, LabEx LIO, enseignant en sciences de la Terre à l’ENS de Lyon.

L’Ecole urbaine de Lyon propose une série de conférences intitulées « Les Mercredis de l’anthropocène ». Débute d’ailleurs la cinquième saison de ces rendez-vous hebdomadaires. Rue89Lyon en est partenaire et publie les tribunes des invité·es et intervenant·es qui poursuivent les échanges à distance.

Mercredi, Patrick Thollot ne sera pas seul. Il sera accompagné par Walter Guyot, Responsable du service médiation et programmation éducative et culturelle du Planetarium de Vaulx-en-Velin ainsi que Lucas Tiphine, Docteur en géographie, chargé du développement du journal multimédia de l’École urbaine de Lyon Anthropocene2050 et coordinateur de l’Abécédaire de la ville Le Monde Cities/École urbaine de Lyon. 

>> Podcast à retrouver et écouter au bas de la tribune ou ici <<

C’est un pixel bleu pâle sur un fond noir immense, avec un rayon de Soleil qui semble le tenir en suspension dans l’espace. C’est un cliché de la Terre, pris par la sonde Voyager 1 en 1990, depuis les confins du système solaire. Un point bleu exceptionnel, à la surface couverte d’océans d’eau liquide et surtout, fourmillante de vie.Photo : NASA JPL, domaine public

« Une beauté étrange, rivalisant avec celle de la Terre »

Depuis plus d’un demi-siècle, des dizaines de missions robotisées américaines, soviétiques, européennes, japonaises, et plus récemment chinoises ou indiennes, ont exploré de près des dizaines de mondes : planètes, lunes, astéroïdes, comètes.

Les images retournées par ces missions ont révélé des paysages spectaculaires et parfois époustouflants, d’une beauté étrange, rivalisant avec celle de la Terre.

Les découvertes ont été nombreuses, imprévues, et fascinantes. Elles nous ont permis de mieux comprendre les processus naturels, géologiques et météorologiques, à l’oeuvre à la fois sur ces mondes et à la surface de la Terre. Mais de planète en planète, de lune en lune, pas le moindre indice de vie, pas la moindre bactérie, pas même une surface qui serait “habitable”.

« Un ensemble de conditions minimales permettant la vie »

Qu’entend-on par “habitable” ? L’habitabilité est un ensemble de conditions minimales permettant à la vie telle que nous la connaissons de se développer.

Trois au moins sont nécessaires : premièrement, la présence des éléments constitutifs de la matière organique, relativement abondants dans le système solaire ; deuxièmement, une source d’énergie, comme l’énergie solaire, également abondante ; et enfin de l’eau liquide, le constituant majeur de tout être vivant (70% du corps humain) et le solvant de toutes les réactions chimiques du vivant.

Ces conditions sont nécessaires mais non suffisantes. En particulier, la biosphère terrestre actuelle est un écosystème de populations et individus en interactions complexes entre eux et avec l’environnement planétaire de surface : un individu d’une espèce terrestre actuelle envoyé seul sur une planète “habitable” par ces critères aurait toutes les chances de ne pas survivre hors de son écosystème.

« Aller à la recherche de vie dans le système solaire avec méthode »

S’il s’agit donc d’un concept réducteur, il a son utilité en planétologie en permettant par exemple d’aller à la recherche de vie dans le système solaire avec méthode.

Parmi les trois conditions d’habitabilité énoncées ci-dessus, c’est l’eau liquide qui est la plus contraignante. Ses conditions physiques de stabilité sont relativement étroites : à la pression atmosphérique de la surface de la Terre (une “atmosphère”), il faut une température comprise entre zéro et
cent degrés. À pression plus élevée, l’eau reste liquide à plus haute température mais, au-delà de 120 degrés, ce sont les molécules organiques qui sont détruites.

À l’inverse, à plus basse pression, la température d’ébullition de l’eau se réduit rapidement, jusqu’à atteindre zéro pour un peu moins d’un centième d’atmosphère.

Comparer la Terre avec Vénus

Voyons deux exemples symboliques : Vénus et Mars. Vénus est la planète la plus proche de la Terre : elle tourne autour du Soleil 30 % plus près de lui que la Terre. À la surface de Vénus, sous une pression de 90 atmosphères, la température est de 470 degrés.

C’est suffisant pour fondre le plomb ou le zinc ! Bien évidemment, à cette température, pas question de trouver de l’eau liquide. Pourtant Vénus est couverte de nuages qui réfléchissent la lumière du Soleil vers l’espace à tel point que cette planète n’absorbe non pas plus, mais moins d’énergie solaire que la Terre. Le coupable : un “effet de serre” dit “galopant”.

Vénus. NASA, Public domain, via Wikimedia Commons
Vénus. NASA, Public domain, via Wikimedia Commons

L’atmosphère de Vénus est quasi-entièrement constituée de dioxyde de carbone, et quasiment opaque au rayonnement thermique “remontant” de la surface vers l’espace.

Sous cette “couverture”, la chaleur s’est accumulée jusqu’à ce que la minuscule fraction de rayonnement thermique qui parvient néanmoins à s’en échapper ne compense l’énergie solaire absorbée par Vénus.

… Et Mars

Sur Mars, qui se trouve 50 % plus loin du Soleil que la Terre, on rencontre une situation inverse. Recevant moins d’énergie solaire que la Terre, elle ne bénéficie d’aucun effet de serre. Malgré une atmosphère de dioxyde de carbone, avec une pression moyenne de six millièmes d’atmosphère seulement, la quantité de chaleur retenue par l’atmosphère martienne est infime.

Même dans les régions équatoriales de Mars, le thermomètre affiche une température d’hiver sibérien, avec moins 40 degrés en moyenne ! Et si la température dépasse parfois zéro en plein Soleil à midi, avec une si faible pression, impossible d’y voir de l’eau liquide, l’eau s’évaporant avant de fondre !

Pas de « Terre de rechange »

Cet aperçu rapide de nos plus proches voisines illustre un des résultats majeurs de l’exploration astronautique du système solaire : il n’y a pas de “Terre de rechange”. La Terre est la seule planète dont l’environnement de surface permet actuellement la vie telle que nous la connaissons.

Cet environnement de surface est le résultat d’un équilibre fragile entre une planète, son atmosphère, et le rayonnement solaire. Au cœur de cet équilibre, il y a ce qu’on nomme l’“effet de serre”, produit par certains gaz qui absorbent les rayonnements thermiques, justement dits “gaz à effet de serre”, dont le dioxyde de carbone.

Mars et la terre. RHorning and later modified by Scooter20, Public domain, via Wikimedia Commons
Mars et la Terre. RHorning and later modified by Scooter20, Public domain, via Wikimedia Commons

Selon la quantité de ces gaz, l’effet de serre module la température de surface de toutes les planètes, pas seulement de la Terre. Un peu d’effet de serre peut être bénéfique – il rend la Terre plus habitable que Mars – mais trop d’effet de serre peut être néfaste – il fait de Vénus un enfer.

« Vénus nous rappelle l’équilibre fragile de la Terre »

L’Anthropocène, ère de la “vénuso-formation” ? Sans aller jusqu’à penser que l’état actuel de Vénus résulte du refus de vénusiens, depuis longtemps disparus, d’arrêter de brûler des combustibles fossiles, Vénus nous rappelle l’équilibre fragile de la surface terrestre.

Depuis le milieu du siècle dernier, l’humanité est devenue une véritable force géologique – un fait à la base du concept d’ère géologique de l’humanité, “l’Anthropocène”, modifiant la surface de la Terre de manière globale. Par exemple, tous les trois jours, nous envoyons dans l’atmosphère autant de dioxyde de carbone que l’ensemble des volcans du monde chaque année !

Nous avons ainsi déjà augmenté de moitié la teneur en dioxyde de carbone de l’atmosphère depuis deux siècles. Cette augmentation montre qu’à cette échelle de temps il n’existe aucun phénomène naturel qui soit venu
contrer nos émissions.

« Nous semblons bien lancés sur la voie de la « vénuso-formation » de la Terre »

Certains férus de science-fiction sont familiers du concept de “terraformation”. Souvent appliqué à Mars, il consisterait à modifier l’environnement de surface d’une planète inhospitalière pour la rendre
habitable… La terraformation restera très longtemps un lointain fantasme, mais malheureusement, nous semblons pour l’instant bien lancés sur la voie de la “vénuso-formation”… de la Terre !

Perseverance sur son site d'atterrissage avec en arrière-plan les falaises de la bordure interne du cratère Jezero qui dominent de 600 mètres le plancher du cratère (photomontage). NASA/JPL-Caltech, Public domain, via Wikimedia Commons
Perseverance sur son site d’atterrissage avec en arrière-plan les falaises de la bordure interne du cratère Jezero qui dominent de 600 mètres le plancher du cratère (photomontage). NASA/JPL-Caltech, Public domain, via Wikimedia Commons

S’appuyant sur la quasi-totalité des activités humaines, puisque 80% de la consommation énergétique mondiale est issue de la combustion de charbon, pétrole et gaz émettant du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce processus reste lent à l’échelle humaine (c’est accessoirement un rappel à la réalité pour les fans de terraformation car si celle Mars requiert autant d’énergie que n’en consomme l’ensemble de l’humanité, ce n’est pas
pour demain).

Cette lenteur relative est une chance pour tous : maintenant que nous en avons pris conscience, il est encore possible d’interrompre l’expérience planétaire de “vénuso-formation” initiée sur Terre il y a deux siècles…

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