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29/03/2024 date de fin
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Les largesses de la Ville de Lyon envers le LOU Rugby pointées du doigt

La Chambre régionale des comptes (CRC) s’est penchée sur les relations entre la Ville de Lyon et le LOU Rugby. Selon le rapport qui vient d’être rendu public, la municipalité a été particulièrement généreuse envers le club de rugby professionnel. Retards de paiement de redevance jamais sanctionnés, investissements supportés contre ses intérêts financiers, manque de transparence dans le bail d’occupation de Gerland…

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lou rugby matmut stadium gerland

« Clauses au détriment des intérêts de la Ville », « manque de transparence et de garantie des intérêts financiers de la Ville », « équilibres financiers dès le départ mal évalués ». Dans son rapport sur la gestion et les comptes de la Ville de Lyon, la Chambre régionale des comptes (CRC) Auvergne-Rhône-Alpes consacre une petite dizaine de pages aux baux passés entre la Ville et le LOU Rugby pour l’occupation de ses deux derniers stades. Le Matmut Stadium à Vénissieux et le stade de Gerland depuis 2017 et le départ de l’Olympique Lyonnais pour Décines.

Dans les deux cas, elle estime que la Ville a été bien trop généreuse avec le club de rugby.

Matmut Stadium à Vénissieux, fallait-il un bail aussi long ?

La Chambre régionale des comptes s’interroge sur le bien-fondé de la nature du bail. En 2011, alors que le club de rugby s’apprête à monter en Top 14, l’élite du rugby professionnel, la Ville de Lyon contracte avec lui un bail emphytéotique administratif (BEA) de 18 ans. Ce bail lui permet d’occuper un terrain appartenant à la Métropole de Lyon sur la commune de Vénissieux. Il pourra y édifier le Matmut Stadium de Vénissieux

À cette époque déjà, l’idée d’un déménagement du club de rugby dans le stade de Gerland est dans les tuyaux. La convention prévoit même un engagement du club en ce sens.

Pourquoi alors passer un tel bail, aussi long et engageant pour la mairie, plutôt qu’une occupation temporaire du domaine public ? La CRC note qu’un tel bail conditionne l’étalement des investissements et donc leur amortissement. Un élément non négligeable puisque l’amortissement entre dans le calcul de l’indemnité en cas de résiliation du bail par la mairie.

En 2016, l’OL intègre son nouveau stade de Décines. À la fin de l’année, la Ville de Lyon résilie le BEA de 18 ans. Cinq ans après l’avoir signé donc.

Lors du conseil municipal du 18 novembre, Gérard Collomb le maire de Lyon a assumé ce choix. Il l’explique par l’incertitude qui pesait selon lui sur l’installation de l’OL à Décines. Un projet qui a déclenché de nombreux recours. 

Une facture de 12 millions d’euros contraire au code du sport

Conséquence ? L’indemnité est salée pour la mairie. D’autant que, comme le rappelle la CRC dans son rapport, la Ville de Lyon a encore consenti à financer l’agrandissement d’une tribune du Matmut stadium de Vénissieux en 2014 pour près de 3 millions d’euros.

Quand le LOU déménage pour Gerland, des investissements du club ne sont donc pas encore amortis. Facture finale pour la mairie : près de 12 millions d’euros.

La CRC estime que :

« la résiliation du bail s’est ainsi effectuée dans des conditions peu protectrices des intérêts de la ville, qui a notamment indemnisé des investissements auxquels elle a consenti tardivement, et qui étaient donc peu amortis par le club au moment de la résiliation. »

Elle ajoute également que ce montant contrevient au code du sport. Ce dernier limite à 1,6 million d’euros par an « les sommes que les collectivités peuvent verser aux clubs sportifs professionnels pour des achats de prestation de service ou en exécution de toute autre convention autre que les conventions de subventionnement au titre des missions d’intérêt général poursuivies par ces clubs. »

Des travaux réalisés « en famille »

Des travaux remboursés et qui de plus, comme le note la CRC, ont été réalisés « en famille ».

« les travaux indemnisés ont été réalisés, pour une part importante, par des entreprises appartenant au même groupe. »

Le LOU Rugby, pour son entité professionnelle, est détenu par GL Events (via GL Events Sport) et compte parmi ses administrateurs Guy Mathiolon, le patron de Serfim.

« En particulier, ces travaux ont été confiés aux sociétés EM2C (maîtrise d’œuvre pour environ 300 k€ HT ; entreprise générale pour la réhabilitation de bureaux administratifs pour environ 500 k€ HT), aux sociétés du groupe SERFIM (travaux VRD et aménagements pour environ 3,5 M€ HT) et aux filiales du groupe GL Events (construction du stade et aménagement technique pour environ 7,3 M€ HT). Ces entreprises sont directement ou indirectement administratrices de la SASP LOU Rugby »

La ville touche la moitié de la redevance prévue pour le Matmut Stadium de Vénissieux

Durant cette période à Vénissieux, le club de rugby a en plus été un mauvais payeur. Sans que cela ne soit sanctionné par la Ville. Malgré des pénalités prévues par la convention.

Elle prévoyait une redevance annuelle de près de 210 000 euros à la charge du club. La Ville aurait donc dû encaisser sur cette période près d’un million d’euros. Elle n’en touchera finalement que moins de la moitié. Et elle n’a jamais actionné les pénalités prévues en pareil cas.

En clair, la CRC affirme que la Ville de Lyon a « supporté les difficultés de trésorerie » du LOU en agissant de la sorte. Contre ses propres intérêts économiques.

Depuis son installation dans le stade de Gerland, depuis 2017, ce n’est pas vraiment mieux. La redevance, qui doit être versée annuellement par le club, a été repoussée pour les trois premières années. La Ville ayant accepté ce report d’échéance « au regard des investissements que s’engage à réaliser » le LOU Rugby. Pour la CRC cette disposition conduit de nouveau « à faire supporter à la ville de Lyon les besoins de trésorerie de la SASP LOU Rugby pendant les trois premières années du bail ».

« Les jardins du LOU » vont-ils rapporter quelque chose à la Ville ?

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Le stade de Gerland après la victoire du LOU Rugby contre Montpellier en quart de finale du Top 14 2018-2019. Photo LB/Rue89Lyon

Le nouveau bail emphytéotique de 60 ans, démarré le 1er janvier 2017, autorise la réalisation d’opérations immobilières. La construction d’immeubles de bureaux est d’ailleurs en cours autour du stade de Gerland. Elle se déroule le long de l’avenue Tony Garnier. En lieu et place des anciens terrains de tennis et piste d’athlétisme.

L’opération a été nommée « Les Jardins du LOU ». Elle est réalisée par l’intermédiaire de six sociétés civiles et immobilières (SCI). Créées pour l’occasion, elles sont détenues à 1% seulement par le LOU Rugby. Des SCI à qui le club a cédé ses droits et obligations.

Selon le bail signé, la Ville de Lyon doit percevoir annuellement 2% des « loyers hors taxes perçus annuellement par le [LOU Rugby] pour toutes les nouvelles constructions édifiées sur l’immeuble ». Mais la CRC se demande si ce montage validée par la Ville de Lyon lui permet  :

« de s’assurer que le club sportif demeure le véritable bénéficiaire des investissements portés par les six SCI subrogées, donc que l’équilibre financier du bail est garanti. « 

En clair, la CRC se demande si la Ville pourra percevoir la partie de sa redevance sur les loyers.

Selon elle ses craintes semblent se confirmer. Elle note que début septembre 2019, le LOU Rugby n’avait encore rien versé au titre de cette redevance variable. Le club a transmis des justificatifs tardivement et ne permettant pas à la mairie d’évaluer le montant de la redevance. La Ville a indiqué que des « analyses complémentaires » étaient nécessaires. La CRC, sans le contester, ajoute que dans l’attente ellen’a une fois de plus pas activé les pénalités pour retard de paiement de cette redevance variable.

« Le conseil municipal a voté sans connaissance complète »

Pour la CRC, dès le départ « les équilibres financiers ont été mal évalués ». Elle estime également que le calcul de la redevance annuelle fixe et la redevance variable (comprenant le pourcentage sur les loyers notamment), aurait dû être revu. Notamment parce qu’il a été effectué sur la base du Plan local d’urbanisme alors en pleine révision. Sa nouvelle mouture est d’ailleurs entrée en vigueur peu de temps après la signature du bail.

Il existe donc pour elle un « manque de transparence et de garantie des intérêts de la collectivité ». Notamment vis-à-vis des élus municipaux.

« Le conseil municipal a voté sans connaissance complète des opérations annexes permettant d’évaluer la rentabilité des investissements. »

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