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« La loi anti-fake news pourrait créer un grave précédent dans une démocratie moderne »

Dans le cadre du festival La Chose Publique, avait lieu ce samedi à la Villa Gillet une conférence sur les fake news et la réinvention de la pratique journalistique face à ce phénomène. L’occasion d’évoquer la loi qui a été votée début octobre à ce sujet.

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"Du numérique au fake news : adapter le journalisme aux nouveaux enjeux sociaux", La Chose Publique 2018 - jour 3 ©Bertrand Gaudillère/Item

Fausses informations, intox, fake news ou maintenant infox, ces mots tournent en boucle dans le débat public depuis plusieurs mois, comme des symptômes d’une crise profonde de la presse, confrontée à la toute puissance du numérique, et plus largement d’une démocratie représentative en déshérence. Les propagateurs de ces fake news, principalement via les réseaux sociaux, ont ainsi été désignés comme en partie responsables du Brexit ou de l’élection de Donald Trump.

Pourtant, le phénomène n’est pas nouveau:

« Les fake news renvoient au vieux problème de la rumeur. C’est le vieil ennemi du journalise moderne, explique Géraldine Mühlmann, journaliste et professeur en science politique à l’Université Paris 1, invitée de cette conférence en compagnie de Eric Fottorino (Le 1) et Alexandre Devecchio (Le Figaro) ».

Géraldine Mühlmann précise les trois éléments nouveaux des fake news :

« D’une part, le mode de diffusion de la rumeur: on est passé d’une diffusion de chambres à coucher, en restaurants, en salons,…à des centaines de milliers de personnes qui sont informées via les réseaux sociaux en temps record.

D’autre part, il y a un nouvel état d’esprit complotiste qui est : si ce n’est pas dit par le média officiel, c’est encore plus vrai. Et enfin, on est face à une crise de l’attention qui s’est installée avec l’habitude de la vitesse. Le numérique suscite une attention très forte mais très peu profonde. »

Deux propositions de loi LREM contre les fake news votées à l’Assemblée

Les députés ont voté le mois dernier deux propositions de loi LREM, destinées à « lutter contre la manipulation de l’information ».

Le texte vise à permettre au juge de sanctionner, en période électorale, « toute allégation ou imputation d’un fait dépourvu d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable ». Il s’agit ainsi de faire cesser »la diffusion artificielle et massive de fausses informations destinées à altérer la sincérité du scrutin ».

Après des débats houleux dans l’hémicycle, les deux propositions de loi ont été adoptées à l’Assemblée début octobre, mais rejetées par le Sénat.

Alors s’agit-il d’une solution pertinente, d’un coup d’épée dans l’eau, ou d’un potentiel danger pour la liberté d’expression comme le craint l’opposition ?

Géraldine Muhlmann se dit « très hostile »à cette loi :

« Il existe déjà l’article 27 de la loi de 1881 sur la presse concernant le délit de fausse nouvelle. Certes, c’est une loi compliquée à appliquer mais cela fait aussi partie de sa sagesse. C’est normal que ce soit difficile de poursuivre, parce qu’il faut défendre une liberté fondamentale qui est la liberté d’expression ».

Pour elle, « on casse le système juridique » de la loi de 1881″ :

« Je ne sais pas ce que ça veut dire une liberté d’expression pour tous les jours, et par ailleurs, une liberté d’expression exceptionnelle pour les périodes électorales. Alors là moi ça me scotche. Ce sont des périodes où l’on a encore plus besoin de la liberté d’expression. De plus, c’est le juge électoral, qui sera en charge de cela, alors que dans la loi de 1881, il s’agit du juge pénal qui prend beaucoup de précaution avant de s’attaquer aux libertés fondamentales ».

Enfin elle s’oppose aux pouvoirs accrus du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), notamment concernant les publications étrangères.

« Il s’agit d’un organe administratif. Tous les juristes comprendront à quel point cela pose problème ».

En conclusion, ce qui la dérange, c’est de « créer un état d’exception » :

« Je n’aime pas les états d’exception. La liberté d’expression est un tout, elle ne se tronçonne pas. L’Etat de droit ne se sectionne pas ».

« Le pouvoir politique portera une lourde responsabilité »

Géraldine Muhlmann s’est lancée dans un exercice d’anticipation :

« Imaginez si un jour, un juge civil ou administratif, voulant faire du zèle ou exister, décide de suspendre un média pour un cas de fake news, et que l’on constate des semaines après que c’était une vraie info. C’est une catastrophe ! La suspension ce n’est pas rien ! Je pense que le pouvoir politique qui a fait passer cette loi portera une lourde responsabilité historique si cela se produit. Ce sera un grave précédent dans une démocratie moderne ».

Alors quels remèdes seraient les plus adaptés pour lutter contre les fausses informations et faire face à la crise de la presse traditionnelle ?

« Le plus urgent est de trouver un statut aux réseaux sociaux pour qu’ils deviennent des espaces publics à part entière et que l’on puisse attaquer correctement. Car il est vrai qu’ils rentrent mal dans la loi de 1881. Donc la priorité est d’agir dans ce sens », conclut la philosophe.

Elle propose également de revenir aux « fondements » du journalisme moderne.

"Du numérique au fake news : adapter le journalisme aux nouveaux enjeux sociaux", La Chose Publique 2018 - jour 3 ©Bertrand Gaudillère/Item
« Du numérique au fake news : adapter le journalisme aux nouveaux enjeux sociaux », La Chose Publique 2018 – jour 3 ©Bertrand Gaudillère/Item

Vous pouvez écouter l’intégralité des échanges ci-après.

Par Antoine Croguennec, étudiant en Master 2 journalisme à Sciences Po Lyon

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