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Des caméras à Rillieux-la-Pape, des armes de poing à Vaulx-en-Velin… Quand la police municipale s’équipe

Quel équipement pour la police municipale ? Deux mairies de l’agglo prennent position : à Rillieux-la-Pape, les agents conserveront leurs caméras portables sans attendre les conclusions du Sénat sur la question, le 13 juin prochain. Du côté de Vaulx-en-Velin, la maire a prévu l’arrivée d’armes létales pour ses agents au cours de l’été.

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Des caméras à Rillieux-la-Pape, des armes de poing à Vaulx-en-Velin… Quand la police municipale s’équipe

Pour la police municipale, la loi anti-criminalité promulguée le 3 juin 2016 avait mis en place une phase d’essai de ces caméras. Elle vient de s’achever au bout de deux ans, mais le maire de Rillieux-la-Pape, le premier à avoir essayé d’équiper ses policier de caméras, a choisi de maintenir le système.

A Vaulx-en-Velin, c’est en réponse aux violences du mois de mai que la mairie a décidé d’armer ses policiers. Des dotations en pistolets semi-automatiques qui font partis d’un plan sécuritaire plus large, avec en parallèle l’augmentation du nombre de caméras de vidéosurveillance à 80 dans la commune, le recrutement d’une brigade motorisée et la mise en place d’horaires de nuit pour la police municipale.

Pas touche aux caméras

Des caméras fixées aux gilets de chaque agent qui filmeraient leurs interventions pour prévenir les bavures ou prouver les outrages ? L’idée avait été lancée en 2009 par Nicolas Sarkozy, et la police nationale avait expérimenté ce dispositif en 2012. La captation vidéo des interventions devait pallier à l’abandon de la promesse faite par François Hollande d’un récépissé suivant chaque contrôle d’identité, pour éviter les abus et les contrôles « au faciès ».

Selon Alexandre Vincendet, maire LR de Rillieux-la-Pape, les caméras portées par les agents ont eu un effet immédiat sur le comportement des usagers à leur égard. Ce dernier avait d’ailleurs signé en septembre dernier un courrier destiné à Gérard Collomb, ministre de l’intérieur, pour soutenir les résultats de ce dispositif expérimental et plaider pour une police municipale aux compétences élargies.

Retrait du dispositif le 4 juin pour un possible retour le 13

Mais l’expérimentation des caméras a pris fin le dimanche 3 juin 2018, ce qui retire aux policiers municipaux l’usage de leur nouvel équipement, comme le confirme cet extrait de la circulaire du Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance paru il y a un mois :

« [Leur usage] ne sera plus possible à compter du 4 juin 2018, et il n’y a donc plus lieu de financer ce type d’équipements jusqu’à nouvel ordre. « 

Alexandre Vincendet ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, bien que l’expérimentation soit terminée, « on ne nous dit pas que c’est interdit », a-t-il déclaré au Progrès ce lundi 4 juin. En ajoutant qu’il avait déjà équipé la police rillarde de ces caméras, quand « il n’existait pas de textes encadrant ces dispositifs ». Une loi qui sera mise en débat le 13 juin au Sénat, après la transmission des conclusions tirées par le ministère de l’intérieur sur l’usage des caméras piétons.

Une « atteinte aux libertés individuelles » selon le préfet de la Loire

La question de ces caméras a déjà fait l’objet de tensions entre Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne, et le préfet de la Loire, Evence Richard. En effet, le maire stéphanois souhaite lui aussi conserver les caméras portées par ses agents, et déplore « l’application bête et méchante d’une circulaire ».

Réponse cinglante du préfet de la Loire le 30 mai dernier au micro de France bleu :

« Je crains que Monsieur le maire de Saint-Étienne ne connaisse pas suffisamment le contexte dans lequel la police municipale qu’il dirige intervient. [..] Il ne s’agit pas d’une circulaire mais d’un texte de loi. L’utilisation de ces caméras-piétons, qu’on le veuille ou non, porte atteinte aux libertés individuelles ».

Le préfet de la Loire est clair sur la position du maire de Saint-Etienne à propos de la fin de l’expérimentation des caméras piétons portables. Pour l’instant son homologue du Rhône ne s’est pas prononcé sur les déclarations d’Alexandre Vincendet.

 À Vaulx-en-Velin, la réponse est « sécuritaire et assumée »

La question des moyens fournis à la police municipale, et donc du rôle qui lui est attribué, n’a de cesse d’interroger les élus locaux.

Hélène Geoffroy, maire PS de Vaulx-en-Velin, a dévoilé jeudi un nouveau dispositif sécuritaire chargé là encore de renforcer la police municipale. Ces nouveaux moyens sont censés répondre à la montée des violences avec arme à feu, dans la commune, au cours du mois de mai. Des violences que la maire expliquait le 31 mai dernier à Lyon Capitale :

« Notre ville est en train de se transformer en profondeur et de retrouver son attractivité. C’est la ville qui a reçu le plus de population dans la métropole sur les six dernières années avec des classes moyennes qui viennent et qui restent. […] Et toute cette énergie entraîne un bouleversement pour ceux qui travaillent dans l’économie souterraine. »

Le programme de la municipalité est le suivant : installation de 80 caméras de surveillance dernier cri, doublement de l’effectif de la police municipale, mais surtout son équipement en armes létales dés cet été.

« Face aux voyous et aux fauteurs de troubles, la réponse est sécuritaire, et je l’assume », a déclaré Hélène Geoffroy à LyonMag le 31 mai (et voir la vidéo de Lyon Mag ci-après)

A Lyon, Gérard Collomb avait en 2015 décidé d’armer la police municipale après que François Hollande s’est déclaré favorable à cette mesure. C’est suite à l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo que l’ancien maire de Lyon avait accédé à la demande des syndicats de police concernant leur dotation en pistolets semi-automatiques et en gilets de protection.

Une police municipale qui concurrence son équivalent national ?

En plus de leur dotation en armes létales et gilets de protection, certaines polices municipales comme celle de Vaulx-en-Velin sont amenées à accomplir un rôle jusque-là réservé à la police nationale. En témoigne dans ce cas la mise en place d’horaires de nuit ainsi que le recrutement d’une future brigade motorisée, qui amèneront les municipaux à effectuer plus de patrouilles et d’interventions directes.

Ces changements sont pour Laurent Mucchielli, chercheur en sociologie spécialisé sur la question de la police, les marqueurs d’une tendance de fond. Voici ce que déclare le chercheur, en conclusion d’un article intitulé « L’évolution des polices municipales en France : une imitation des polices d’État vouée à l’échec ? » paru en 2017 dans la revue Déviance et Société :

« Au terme d’une période de 40 ans marquée de fait par le renouveau de ces polices locales, force est cependant de constater que […] dans la plupart des moyennes et grandes villes où elles se sont numériquement considérablement développées, les polices municipales tendent même de plus en plus à se penser et à se construire comme des sortes de police nationale bis. »

Lui prévoit même une fusion entre les deux forces, et pose la question de qui commandera cette nouvelle police, entre l’État et les villes.

« Il est ainsi plus que probable que la tendance observée se poursuivra dans les années à venir, voire que, à terme, la question de la fusion partielle des polices municipales et nationales soit de nouveau envisagée. Restera alors à savoir si ce sera dans le sens d’une (re)municipalisation ou d’une (re)nationalisation. »


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