
> Mis à jour le 02/02/17 à 19h30 avec la défection collective d’une trentaine de militants du parti de gauche de l’Isère (encadré ci-contre).
Dans une lettre de départ adressée ce jeudi 2 février 2017 à leurs « camarades », la trentaine de signataires dénoncent « la censure » et le manque de « confrontation démocratique » au sein du groupe départemental isérois du parti de gauche (PG) où régnerait, « le silence des cimetières ».
Ils regrettent « le soutien indéfectible [du PG38] à l’action de la majorité municipale [d’Eric Piolle] (…) et la caution à sa politique d’austérité (…) ignorant superbement la mobilisation populaire contre les mesures préconisées ».
Parmi les signataires figurent notamment la conseillère municipale sécessionniste Bernadette Richard-Finot, les deux anciens co-secrétaires départementaux du parti, ainsi qu’un membre du conseil national du PG. Ils maintiennent cependant leur soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon pour l’élection présidentielle.
Alain Dontaine, le nouveau secrétaire départemental du PG isérois confie son « soulagement face à une situation de désaccords permanents alimentés tout azimuts par une équipe de révolutionnaires romantiques qui n’ont pas compris que le changement, à Grenoble comme ailleurs, prendrait du temps ».
Avec ce départ collectif, la fédération iséroise du parti de gauche perd près de 15% de ses adhérents.
Ils ne sont que de simples élus sans délégation, et pourtant, la scission de Guy Tuscher (Ensemble!) et Bernadette Richard-Finot (Parti de gauche) est lourde de sens pour la vie politique grenobloise.
Les deux « frondeurs » – coutumiers de votes différenciés avec la majorité – ont franchi une étape supplémentaire dans leur démarcation en annonçant, ce lundi 9 janvier 2017, la création de leur propre groupe politique « Ensemble à gauche », au conseil municipal.
Ils reprochent à l’exécutif municipal son « absence de débat sur les choix d’austérité budgétaire » compris dans le plan de rigueur annoncé en juin dernier, prévoyant notamment la fermeture de bibliothèques municipales.
Le pari d’un groupe unique
Dès le début du mandat, l’ensemble des élus de la majorité avaient fait le pari ambitieux de siéger dans un unique groupe au conseil municipal.
Ce devait être le signe de leur unité malgré les différentes composantes politiques, mais aussi une manière de contraindre tout le monde à assumer le bilan des politiques menées, en conduisant les débats en interne plutôt que d’afficher publiquement les divergences.
Pourtant, par deux fois, des lignes de fractures dans la ligne majoritaire sont apparues au grand jour.
- En mai 2015, Guy Tuscher et Bernadette Richard-Finot faisaient déjà partie des cinq conseillers municipaux de la majorité ayant voté contre l’attribution du marché de l’éclairage public à un consortium privé. Le camouflet était trop rude pour ces partisans d’un service public de l’éclairage.
- Puis, en juin dernier, il ne restait plus que ces deux-là pour s’opposer de nouveau à une révision des tarifs de stationnement. Les deux élus estimaient que la nouvelle grille n’était « pas pertinente, ni écologiquement, ni socialement » car elle serait « difficile à vivre pour de nombreux foyers ».
L’abstention de trop sur le budget 2017
Dernièrement, c’est donc sur le budget prévisionnel 2017 que les deux sécessionnistes ont fait valoir leur désaccord, s’abstenant de le voter lors du conseil municipal du 19 décembre 2016, sans compromettre son adoption.

Guy Tuscher, lors de son intervention au conseil municipal du 19 décembre 2016. Crédit : Ville de Grenoble.
Guy Tuscher détaille leur position :
« Nous sommes contraints d’appliquer l’austérité imposée par le gouvernement à travers la baisse des dotations aux collectivités. Cependant, nous pouvions élaborer d’autres scénarios en réduisant les subventions accordées aux clubs de sports professionnels ou en augmentant de 1 à 2% la fiscalité foncière. Mais l’orientation budgétaire n’a pas été débattue. Les documents ne nous ont même pas été transmis ».
En réservant leur voix lors du vote, les deux élus se seraient exclus d’eux-même de la majorité, selon Alan Confesson, co-président du groupe majoritaire « rassemblement citoyen de la gauche et des écologistes » :
« Ce n’est pas une délibération anodine, c’est celle qui définie l’action municipale pour l’année à venir. Si vous ne votez pas le budget, vous ne faites pas partie de la majorité, c’est ainsi dans toutes les assemblées délibérantes ».
« Une discrimination politique »
La conséquence de cet acte de défiance considéré comme « non-conforme » à la charte du groupe ne s’est pas fait attendre. Les deux abstentionnistes ont été exclus des réunions de groupe, des listings de courriels et du séminaire de travail organisé le week-end dernier, dans le Vercors.
La scission était devenue inévitable, selon Guy Tuscher :
« L’entourage proche d’Eric Piolle a abandonné l’engagement de participation citoyenne pour faire passer le plan de rigueur. Avec l’aval d’Eric Piolle, les co-présidents de groupe ont organisé notre discrimination politique mais nous continuerons de mener notre action sans opposition systématique, en restant fermes sur nos engagements de campagne ».
Ils revendiquent le soutien d’un groupe d’appui politique d’une quinzaine de militants de leurs propres formations politiques.
On se souvient qu’au comité local du Parti de gauche notamment, le plan d’économie de 14 millions d’euros de la municipalité avait fait des remous, comme l’avait révélé le journal satirique local Le Postillon, faisant fuiter des correspondances internes houleuses, en octobre dernier.
Laurence Comparat, l’autre co-présidente de la majorité, tente de minimiser la fronde.
« Ce sont des décisions isolées traduisant un état d’esprit individuel en attente du Grand Soir. Mais le reste du groupe reste uni et déterminé à travailler de façon collégiale ».
Une aubaine pour les oppositions
Cet éclatement, même minime, de la majorité est du pain béni pour les oppositions municipales qui se sont empressées de la commenter sur les réseaux sociaux.
Le socialiste Jérôme Safar estimant que « cette “auto-exclusion” de la majorité municipale démontre à quel point cette équipe est sectaire et brutale ».
À droite, cela a inspiré le conseiller municipal Vincent Barbier :
Cette majorité s’est fait élire sur des mensonges, la démission des deux élus n’est qu’une étape d’une longue chute
— Vincent BARBIER (@vincentbarbier_) 10 janvier 2017
Guy Tuscher n’ignore pas que cette éclatement de la majorité, comme le mouvement de contestation syndical d’une partie des bibliothécaires, sera récupéré politiquement pour entacher l’action politique d’Eric Piolle et de son équipe.
C’est d’ailleurs ce qui fonde en partie sa décision :
« Notre majorité était issue des mouvements sociaux, mais l’exécutif municipal considère désormais les combats syndicaux comme des oppositions. Nous aurions dû entendre leurs revendications légitimes plutôt que de les laisser à nos opposants ».
Déjà confrontés aux tirs-croisés des trois groupes d’oppositions (PS, LR, FN), Eric Piolle devra désormais se protéger du risque de tirs fratricides venus de sa gauche, qu’il n’a pas su neutraliser.

Les 42 élus de la majorité grenobloise à l’issue du conseil municipal d’installation, en avril 2014. ©VG/Rue89Lyon.

À Rue89Lyon, on croit en un journalisme qui déniche l’info, qui fouille là où ça dérange, qui demande des comptes, qui parfois égratigne celles et ceux qui nous gouvernent, et surtout qui n’attend pas le sujet mais va le chercher.
Aujourd’hui, sans vous tout cela pourrait bien s’arrêter. Nous avons besoin d’atteindre 1.000 abonné⋅es avant le 31 mars. Aidez-nous à défendre cette vision du journalisme : abonnez-vous, offrez un abonnement ou faites un don.
"la création de leur propre groupe politique « Ensemble à gauche », au conseil municipal.". Allez courage, à 2 c'est mieux que tout seul, mais ça ne suffit pas pour faire un groupe... quoi que, pour la police, 2 personnes ensemble, c'est déjà un attroupement, un rassemblement.
2 élus s'en vont et la municipalité est dépeuplée ? bon sang, mais c'est qu'il en reste 40 dans la majorité. Une fissure ? comme se réjouit le D.L. et autres journaux locaux ? une égratignure tout au plus et ... même pas mal.
Les 8 PS et assimilés, les 7 L.R. et les 2 FN ont beau rigoler, ils ne font toujours pas le poids.
Une fanGirl, une élue, une partisane, un bot...???
Qui êtes-vous ??
L'équipe de Piolle aide les associations de soutien. Ca change des élus PS ronronnants, qui ont tous voté pour le nouveau code de séjour des étrangers alors que c'est devenu une machine à expulser.
Je suis reconnaissante à cette équipe de mener une politique migratoire de vraie gauche et je la défendrai.
Une équipe de non politicards, puisqu'ils travaillaient tous avant d'être élus, doit apprendre le métier de maire et d'élus et s'il y a encore des problèmes au bout de 2 ans, on en discute, je ne lui en veut pas, surtout qu'ils veulent innover.
J'en ai marre que tous les nostalgiques du PS qui n'ont pas digéré leur cuisante défaite et leur tombent toujours dessus à bras raccourci.
:)
Il est important de savoir qui est vraiment de gauche actuellement, pour que cesse la confusion.
Et le nombre d'écologistes qui se comportent comme des socialistes, c'est à dire comme des gens de droite, est suffisant voyant, pour qu'il soit dénoncé.
Qui donc a évoqué Jean-Luc Mélenchon ici, sinon vous ?
Nul besoin de s'y référer pour avoir une idée de ce qui est de gauche.
Si pour vous, il est une évidence que les contraintes de la société capitaliste sont compatibles avec l'idée que vous vous faites de la gauche, ça ne l'est pas pour tout le monde, ne vous en déplaise.
Si le renoncement est pour vous un acte de courage politique, cela vous regarde, mais pour certains, cela ne caractérise pas la gauche.
Si accepter de gérer la pauvreté pour la plupart, tout en acceptant la richesse pour un petit nombre, et que cela est une situation qui vous convient, cela n'est pas forcément le cas pour d'autres, qui estiment, faut il leur reprocher, d'être plus à gauche que vous, en effet.
Si fermer des bibliothèques dans des quartiers populaires, est un acte de gauche, alors on est en droit de se demander ce qui est de droite désormais ?
Et puisque vous faites référence au passé, les années 70, le réformisme était déjà en débat, et nous avons désormais sous les yeux, la situation où ce réformisme mène.
Grenoble est une ville bien pourvue en transports en commun, je ne crois pas que faire 10 ou 15 minutes de bus pour aller à la bibliothèque la plus proche soit une épreuve aussi insurmontable !
En 1880, il y avait en France 5 partis de gauche ! Tous d'une force à peu près égale. Ils avaient beacoup de points communs mais les quelques différences entre eux justifiait selon certains le fait qu'ils se tiraient dans les pattes en permanence.
Aux elections, pas d'alliance. Tous allaient au premier tour et ils s'affrontaient plus entre eux que contre les candidats de droite.
Bien entendu, cela signifiait que souvent seuls deux candidats de droite se qualifiaient pour le second tour, même si l'ensemble des voix de gauche allait au delà des 55 à 60 % des voix.
Et quand un candidat de gauche se qualifiait, il y en avait toujours un ou deux pour les qualifier de sociaux-traitres et ne pas appeler à voter pour eux.
Ce qui a grandement aidé la droite conservatrice et réactionnaire à garder la majorité malgré le vote massif ouvrier pour la gauche.
Aujourd'hui, c'est la même chose. Mélenchon joue les idiots utiles à l' UMP et favorise directement la droite par son sectarisme obtus.