Il s’agissait d’un mini-festival de porngrind (sous-genre du métal) programmé au Blogg, bar du 7e arrondissement à Lyon, qui avait laissé les clefs de sa salle au collectif Bondage Carnage.
Mais un coup de fil de la Ville de Lyon et une visite de la police ont fait trembler l’équipe de l’établissement. Et s’indigner sur les réseaux sociaux.
Par Juliette Briand et Dalya Daoud

Image tirée du teaser de la soirée porngrind annulée au Blogg.
« Si vous appréciez des groupes qui appellent au viol ou parlent de « Suce des grosses bites comme ta mère », eh bien nous pas. »
C’est ainsi que le Blogg a tenté d’expliquer sa décision d’annuler la majeure partie de sa soirée « Halloween », prévue dans le courant de ce premier week-end de novembre. Et ce, sous la forme d’un message posté sur sa page Facebook, qui a disparu dans la journée de lundi, le Blogg semblant vouloir se faire oublier.
Des dizaines de commentaires incendiaires faisaient suite à ce statut : censure, manque de professionnalisme, incompréhension… Ils laissaient libre court à la déception de fans de porngrind, mais aussi aux rires moqueurs d’habitués des réseaux, affligés devant les explications maladroites du patron du bar et le sentiment de panique qu’il n’a pas réussi à cacher.
Contre les MST et consors, la mairie, la police
« La mairie du 7e arrondissement en concertation avec la mairie centrale ont contacté le Blogg pour avoir des explications quand elles ont découvert la teneur de la programmation de cette soirée « limite pornographique ». Le programmateur a décidé ensuite de déprogrammer cet événement. »

Affiche de la « soirée censurée », par le collectif qui la programmait, Bondage Carnage.
C’est en ces termes que le service presse de la mairie centrale de Lyon raconte son contact avec le patron du Blogg. Romain Blachier, adjoint à la culture, en mairie d’arrondissement cette fois (dans le 7e, donc), se défend en revanche d’un quelconque interventionnisme :
« Ce n’est pas notre rôle du tout. Nous avons reçu deux ou trois courriers de gens qui s’inquiétaient des paroles d’un des groupes, et nous les avons transmis à la préfecture. »
Dans un webzine dédié au metal, les titres de MST sont qualifiées de « débiles, pervers, gerbants, pédophiles et tout ce que vous voulez, autour du concept de la femme… Ou du moins de son anus. »
Thierry Marcelin, le responsable de l’établissement, a donc dû « s’expliquer sur la présence de ces groupes aux textes litigieux dans un événement du Blogg ». Et notamment devant un agent de la police, présenté par le Blogg comme appartenant aux « renseignements généraux » (aujourd’hui DGSI, direction générale de la sécurité intérieure).
C’est suite à ces échanges que les groupes mis en cause (MST, Clitorape et Ass Deep Tongued) ont été déprogrammés.
« Les bonnes moeurs du Blogg »
Frederic Dijoux, responsable artistique du lieu, relativisait d’ailleurs les choses lors d’un échange téléphonique :
« La ville fait son travail en surveillant ce qui se passe dans sa ville et sa région. Elle a un regard sur la programmation des lieux, sûrement parce que nous avons un public assez large. »
Mais le programmateur du lieu, Marcel Croizat, a lui aussi donné des explications, toujours sur Facebook, et évoque sans détour une « pression importante de la part de la mairie et de la préfecture » :
« Pour le Blogg c’est soit ruiner la soirée et perdre de l’argent ou risquer la fermeture pure et simple de l’établissement. »
Le Blogg s’était déclaré dans « l’obligation de supprimer certains groupes dont l’esprit musical ne correspond pas […] aux bonnes moeurs d’un lieu recevant du public et promouvant la culture », dans le message Facebook depuis supprimé.
Slip Borat, masque de licorne : ça n’est que du « grotesque »
Avec la volonté d’agir rapidement, la salle ne prend pas la peine d’en informer les principaux concernés, c’est à dire les groupes et le collectif qui les invitait, Bondage Carnage.
Le programmateur, qui se présente sous le nom de Vinz De Mulk et prétend travailler dans la musique depuis 20 ans, à l’origine du micro-festival porngrind, est amer :
« Il y a eu une réelle scission avec le Blogg. Décider de « trier » les groupes dans Bondage Carnage, sans aucune consultation, ni précaution, ni savoir vivre, et entraîner ainsi l’annulation pure et simple de tous les groupes, c’est inacceptable. »
Il nous explique surtout ne pas comprendre qu’on puisse intervenir dans la programmation d’un événement culturel :
« Pourquoi les renseignements généraux – selon le Blogg – s’intéresseraient aux paroles de groupes de porn rap comme MST ? Il y a déjà de quoi faire avec Booba et OrelSan. Oui, ils parlent d’homophobie, de misogynie, de racisme, d’abus sexuels, etc. Mais tous ces sujets sont très actuels, il me semble. 2014, c’est tellement « censored ». »
Pour lui, son festival, c’est avant tout du « grotesque » :
« Regardez le film « C’est arrivé près de chez vous », lisez du Bukowski… Le prenez-vous comme une incitation à la violence ou une apologie du viol ? Replaçons les choses dans leur contexte : on parle de musiciens qui montent sur scène en « slip Borat », avec des masques de licorne, en harnais sado-maso, déguisés en petit poney, ou en Tomy de Massacre à la tronçonneuse… Les personnes qui prennent ça au premier degré ont un sérieux problème ! »
Le teaser officiel de la soirée Bondage Carnage.
Du côté du Blogg, qui a pour habitude de programmer des soirées salsa et d’organiser des concours de photos de jeunes filles, on affirme qu’une soirée metal aura tout de même lieu, dont la programmation est en cours.
Chez Bondage Carnage, on jure que le modèle du festival porngrind plait, prêt à s’exporter, il devrait filer vers la Bretagne, la Belgique, la Suisse.
- Censure
- Concert
tu veux faire passer ca comme une normalité ?
Je comprends tout à fait que certaines personnes aient du mal avec le délire, soient pas à l'aise, comprennent pas le 2nd degré etc...
L'humour et l'art ne sont jamais neutre et peuvent malgré tout être quand même vecteurs de discriminations et légitimer des dominations instituées.
En ce sens je défends que l'on puisse critiquer de manière constructive cet événement mais là c'est vraiment du grand n'importe quoi. De la censure pure et simple :
Morale chrétienne à deux balles non assumées, business de merde et promotion de la bonne image de la ville attractive pour bobo en dehors des réalités.
La plupart des grandes stars (et toute la culture de masse) sont clairement porteuses d'une vision négative et réactionnaire sur la sexualité : culture du viol, masculinisme, hétérosexisme, homophobie, transphobie, contrôle des corps, apologie du couple et de la dépendance affective, de la famille, de la sexualité "propre", "pure", dans les bonnes moeurs ...
On peut regretter que les organisateurs de bondage carnage ne clarifient pas leur propos sur ces points et reste dans la relativisation mais je suis tout à fait persuadé qu'ils ne défendent aucunes de ces idées. Selon moi ces groupes visibilisent et recrachent juste toute la violence qu'il y'a autour de nous et qu'on se cache bien d'affronter en face... Et c'est pas facile.
Tout mon soutien.
"Il y a déjà de quoi faire avec Booba et OrelSan. Oui, ils parlent d’homophobie, de misogynie, de racisme, d’abus sexuels, etc."
PS : Je ne suis jamais allé au blogg et ça ne risque pas de changer.
Bonne journee
Lyon était capitale de la Résistance, elle devient capitale de la Censure.
Et on veut nous faire croire à de l'autocensure ou un "appel à la raison" ou à la "responsabilité" ?
Examinez votre conscience, petits pasdarans du bon goût, de la cohésion sociale et du "vivre ensemble"' que vous êtes...
Vive le grind !
"La mairie du 7e arrondissement en concertation avec la mairie centrale ont contacté le Blogg pour avoir des explications..."
Et ensuite il est fait plusieurs fois mention de "la mairie" sans que l'on sache trop de quelle mairie il s'agit, effectivement.
Je me suis donc laissé à pensé qu'il s'agissait de la mairie du 7e, peut être à tort...
Cependant, même si la mairie du 7e n'est pas intervenue dans ce dossier comme vous dites, c'est qu'au mieux elle n'a même pas cherché à défendre le blogg, et la liberté (de création, d'expression, artistique, de ce que vous voulez) comme ont su le faire bien des politiques en d'autres occasions.
Bonne soirée.
Au-delà du caractère des chansons, nous n'avons pas eu à combattre ou défendre quoi que ce soit puisque nous avons su après coup que le groupe était annulé et qu'il était question de l'annyler via un communiqué de la salle, comme peut vous le confirmer le blogg. Nous défendons, dans le respect de la loi dont il est ici quewtion, la liberté d'expression artistique chaque fois qu'elle est menacée.
Merci en tout cas de votre correction, il me semblait plus qu'excessif de nous comparer à la manif pour tous et de nous prêter un rôle que nous n'avons pas.
En espérant avoir le plaisir de prolonger une autre fois cette conversation. bien à vous
Par contre si vous trouvez qu'il n'y a aucun concert à Lyon, je ne peux que vous inviter à voir les programmations riches des différentes salles de Lyon, Ninkasi et Blogg inclus. Fort heureusement. Bonne soirée
L’explication de notre engagement artistique, comme le souligne plus haut Pas Bravo La Peau Lisse, n’a pas été sélectionné pour paraître dans cet article ainsi, pour dissoudre toute ambiguïté, nous sommes évidemment fermement opposés à toute forme de violence ou autre apologie du viol.
Notre festival itinérant comporte des groupes goregrind, porngrind, une DJ, un groupe de pornrap, un boys band, un illusionniste et deux performeuses, alors que l’article nous présente un peu comme une bande de pervers immoraux.
Nous espérons que notre culture alternative et nos messages second degrés ont été compris par ceux qui s’intéressent à ce genre d’esthétique et de pouvoir un jour faire ce festival sur Lyon ou région Lyonnaise dans un lieu qui s’y prête, et sans censure!!
Cordialement,
VxDxM pour Bondage Carnage
Suivez l’actu de Bondage Carnage sur www.facebook.com/BondageCarnage
De nombreuses personnes (en tout cas au vu des témoignages et de mon expérience) se sont vues de façon arbitraire refuser l'entrée alors même qu'elles avaient acheté une prévente et ne présentaient aucune menace ou risque quand au bon déroulement de la soirée.
Il est presque unanimement reconnu par les artistes et le public que la qualité de l'accueil, la sonorisation, les cachets révèlent des pratiques médiocres pour ne pas dire plus.. Malgré ça cet établissement continue à disposer d'avis et d'opinions étrangement favorables sur les différents sites spécialisés.
Comme beaucoup l'ont écrit à la suite du message Facebook supprimé : Nous ne remettrons plus les pieds au Blogg....
Pour Neko ou autre lecteur avide de "normalité", cela peut vous interresser.
ttp://www.scholomance-webzine.com/2014/10/le-bondage-carnage-ii-force-dannuler.html?m=1