
Je t’avais dit, lecteur, que j’allais reparler des choses qui font réagir tous les bien pensant. Vu le succès de ma tirade sur les auxiliaires de justice, à savoir les avocats avides, qui refusent de participer à l’aide juridictionnelle, je vais parler de tous ceux qui croient bien agir, qui s’en gaussent d’ailleurs, en intervenant dans les prisons. Je vais parler de tous ces bénévoles qui sont en fin de compte objectivement complices de ce système puisqu’ils le font perdurer.
Bah oui, parler des causes de cette barbarie qu’est la prison, dénoncer les suicides, l’arbitraire, l’arme politique qu’est la justice avec sa fausse indépendance, laisse de marbre ce citoyen habitué à se faire manipuler et ne suscite que peu de réaction dans cet endormissement généralisé. Je vais donc arrêter, pour cette fois-ci, de décrire la sordide vérité et de témoigner sur le sort des prisonniers, dont l’écrasante majorité des gens se fout, pour parler des tous ceux qui font pleurer Margot sur leur dévouement et nourrissent le système.
Les bonnes intentions pavent les portes de l’enfer
Coluche avait créé les Restos du cœur pour palier la misère en attendant qu’on change les choses. Résultat les Restos servent 12 fois plus de repas qu’à leur création et n’a en rien fait reculer la misère.
C’est pareil pour les Téléthons et autres œuvres publiques de charité qui n’influencent en rien l’Etat qui préfère balancer nos impôts dans les armes et les guerres, remplir les poches des élus, plutôt que de financer la recherche et de donner les moyens à la santé publique, aux crèches et aux maisons de retraite. Au contraire, chacun se libère de sa part de culpabilité, ou entretient son cynisme en faisant un geste, comme on dit. Alors, aujourd’hui, dernier exemple en date, le SDF aura son sac de survie pour affronter l’hiver 2014/2015. Ouf !
Voilà comment les bonnes intentions (on va appeler ça comme ça pour protéger les naïfs) pavent les portes de l’enfer.
Visiteur de prison, aumônier, artiste et autre bénévole
A quoi sert un visiteur de prison, un aumônier, les artistes ou ceux en mal de reconnaissance qui font des ateliers ou enseignent ? A conforter la pénitentiaire et sert d’argument à la justice pour dire que la taule ce n’est pas le bagne.
Je passerai vite fait sur la diaspora chrétienne qui veut gagner sa part de paradis en appliquant à la lettre, donc sans discernement, la parabole que Mathieu donne dans son évangile : « j’étais prisonnier et vous m’avez visité ». Une façon de se dégager du spectre de l’inquisition, des guerres de religion et de la complicité des évêques et autres papes objectivement complices des dictatures de tous poils.
J’évoquerais juste cette lettre que l’évêque Barbarin avait envoyé aux 700 prisonniers de Corbas (ça fait du fric!) au printemps 2009, pour annoncer que « X » s’engageait dans le baptême et nous demandait de nous en réjouir, sans un « bon courage » ou même un « Dieu vous garde » à la fin de sa missive. Normal il a affirmé par la suite que le mariage gay ou lesbien ouvrait les portes à l’inceste et à la polygamie.
Combien les visiteurs rencontrent-ils de prisonniers ?
J’évoquerais juste ceux qui restent au ras des pâquerettes, les naïfs, en disant qu’on ne va quand même pas laisser seuls ces humains déjà perdus dans leurs exactions. Pratiquement, ils rencontrent combien de personnes ?
Les visiteurs, une dizaine grand maximum par taule, les aumôniers une trentaine et encore, dont les 10 qui ont déjà un visiteur, les intervenants culturels une petite dizaine parce que c’est de toute façon le nombre maximum autorisé pour les activités et que les ateliers se chevauchent au minimum, sinon ça fait trop de mouvement dans la taule et trop de personnes accréditées à la fois.
Ou encore les étudiants du Génépi qui eux n’en rencontre qu’un seul en soutien scolaire.
Bref, cela concerne quoi, en global, sur toutes les prisons ? Un nombre infinitésimal et donc insignifiant sur les 68 000 enfermés. Bien sûr, tous ces gens là sont obligés de respecter strictement les consignes de la prison et, je le dis, peu, très peu, transgressent ces consignes.
Ils sont bien obéissants. Comme ces accueils familles qui nous font croire à leur utilité en cherchant à consoler, conseiller, (renseignements qu’on trouve partout) telle mère, telle sœur, pour essayer de perdurer dans leur bénévolat. En effet, ils sont menacées par le privé (la GEPSA) et se soumettent encore davantage aux matons méprisants qui viennent chercher les parents ou proches pour le parloir, en se gardant bien d’intervenir face à leur inhumanité. Finalement, ils font vivre les marchands de distributeurs de boissons, voila tout, et flattent leur ego.
Après le handisport, voila le taularsport
Mais bon, on pourrait dire que les quelques uns qui en bénéficient c’est toujours ça. Au pire, admettons ! On aura toujours l’exemple de telle rencontre qui a permis à un prisonnier de retrouver du courage avec un tel lien extérieur qui servira d’arbre cachant la forêt.
L’insupportable dans ce fonctionnement est la manière dont ils sont les premiers à dire qu’ils participent à la réinsertion, mythe ahurissant qui persiste dans les lieux de torture, renforçant ainsi le mensonge permanent de l’administration pénitentiaire et des magistrats. Et ils sont les premiers à se réjouir des articles de presses récurrents sur ces actions : expo de dessins de taulards, lecture des textes de taulards, qui débouchent, tu l’as vu lecteur, sur le cynisme des visites des vieilles prisons aux journées du patrimoine, avec les matons comme guide, entre autres à Paris pour la prison de la « santé ».
Après le handisport, voila le taularsport, dernier cri des activités vedettes. Ces articles fait par des journalistes ignorants et ne cherchant pas à savoir, font la publicité gratuite et complaisante des taules en enfumant le lecteur et tout le monde se congratule. Non seulement, tous ces intervenants cautionnent mais prolongent l’affirmation fallacieuse qu’on s’occupe des prisonniers en France, et que c’est déjà bien beau qu’on se mobilise pour la racaille. « Ça change du kärcher » disent même certains !
Nous, les taulards, nous n’avons pas besoin de tous ces bien pensant
Ils créent des associations comme la FARAPEV ou l’ANVP, qui, au passage, font des livres, des formations, des conférences, gagnent du pognon, parlent à notre place pour s’en faire une dans les instances de décisions, se rapprochant ainsi des consultants du pouvoir.
Tous sont d’accord avec ce système de punition, avec cette barbarie où les maltraitances sont quotidiennes. ils sont les premiers a dire, quand on ne peut plus dissimuler les faits, que cela ne tient qu’à quelques brebis galeuses, car les matons sont des gens dévoués et courageux. D’ailleurs, ils ne disent pas maton, ils disent surveillant.
Comme pour les Restos du cœur, en quoi ont-ils endigué la surpopulation et la folie du tout carcéral ? En quoi ont-ils fait diminués les suicides ? En vérité ils la favorisent, à leur corps défendant, puisqu’ils font partie du système, cette situation inhumaine vilipendée par la Cour européenne des Droits de l’Homme, qu’ils le veuillent ou non.
Alors nous, les taulards, nous n’avons pas besoin de tous ces bien pensant, car à l’exception près qui confirme la règle, on a assez de l’opinion publique ultra sécuritaire telle qu’elle est. Ils empêchent la vérité et ne dénoncent rien, ou si peu, que ça ne va pas ébranler la pénitentiaire.
Moi qui me suis plongé sans conditions pendant des années je n'ai pas à me laissé insulter par tes propos mais je t'invite plutôt à te remettre en question. Si je ne suis pas pour la politique carcérale qui est mené il n'en reste pas moins que je ne suis pas non plus pour ceux qui franchissent les lignes rouges. Nous devons avancer tous ensemble je reconnais un point qui est malheureusement vrai, trop peu de détenus(es) ont la possibilités de participer aux ateliers, spectacles ect... mais ne remet pas en cause ceux qui viennent apporter leurs soutiens!! Je le redis je ne suis ni une anarchiste ni une militante qui suivrait la ligne du militantisme anti-carcérale à 100% comme s'il s'agirait d'avoir une pensée unique sur le sujet, je fait parti des électrons libre qui n'a pas peur de heurter certains de mes amis militants, détenus, acteurs pénitentiaires et justice car j'ai bien compris que rien n'est simple comme à l'image de notre monde. Sache que je suis ouverte pour échanger avec toi, je n'ai peut être pas fais de la taule mais cela n'empêche en rien que je ne suis pas pour le système mis en place, être un taulard ne te donne pas pour autant le droit de nous lessiver et ne te donne pas la vérité absolue...!!!!
Pour ma part, je trouve le propos du taulard nuancé. Il ne matraque pas mais dit les choses et la démonstration me parait judicieuse en parlant des naïfs. Ce qui est évident c'est qu'à partir du moment où on participe à un système on le conforte. Je n'ai pas d'exemple en mémoire de personnes ayant changé un système de l'intérieur en étant ultra minoritaire et sans pouvoir. C'est vrai donc qu'on peut se poser la question à quoi ça sert et surtout ces bénévoles ne sont-ils pas obliger d'inventer des illusions puisque ce qu'ils font ne sert à rien (les quelques uns dont parle le taulard ne représentant pas une avancée)?
En tout cas au moins pas de langue de bois dans ses paroles, pas de bla-bla aseptisé, c'est tout à son honneur.
Bien joué camarade taulard, pour le coup t as raison.
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""Nous, les taulards, nous n’avons pas besoin de tous ces bien pensant""
bref il commence a me chauffer les oreilles celui là et a tendance a oublier que d’être en prison ce n'est pas un choix délibéré mais du fait d'une action d'un acte délictuel/criminel. si li n'est pas content il n'avait pas a tomber dans le criminalité.
qu'il s'estime heureux, en France les prisonniers sont très bien traité contrairement a d'autre pays.
purge ta peine et arrête de te plaindre de tout
Et malheureusement, la grande majorité des intervenants jouent le jeu. (A l'intérieur de l'établissement mais également à l'extérieur en refusant de critiquer la prison - l'établissement où ils interviennent ou la prison comme système- lors de débats, de conférences pour je cite "garder des bonnes relations avec la Direction" et ainsi ne pas mettre en danger leurs autorisations d'accès). Parfois aussi certains n'ont aucune connaissance et réflexion sur la prison et sont persuadés avec une très grande sincérité d'apporter le bien. Car oui, la dimension morale est très très présente. On veut leur faire intégrer LA bonne façon de vivre (via la religion, via l'école, via des pratiques culturelles légitimes)
Même si on peut mettre ça sur la naïveté au début, il suffit d'aller à une réunion avec l'A.P pour se rendre compte de la supercherie et de l'utilisation qui est faite de ces actions. (L'Education Nationale n'est pas en reste et régulièrement "vole" les heures d'activités des bénévoles pour les mettre dans leurs propres bilans et ainsi gonfler leurs chiffres.)
Bref, j'ai aimé lire cet article car il y a des choses essentielles, mais rarement dites, qui sont soulevées. Pourquoi y a t-il des actions culturelles, scolaires ou sportives en détention ? Certainement plus pour faire fonctionner le système que pour autre chose. C'est certain.
Mais aussi pourquoi les intervenants dans leur grande majorité acceptent-ils ceci ?!
En tout cas, même si c'est réellement une minorité, certains refusent de participer à tout ça, n'en n'ont rien a secouer d'améliorer le joli rapport d'activité du SPIP et sont d'ailleurs constamment en conflit avec les services pénitentiaires. Ce n'est pas évident à vivre, surtout face à un monstre kafkaïen tel que l'Adm. Pénitentiaire mais c'est possible.
Si on passe son temps à courber l'échine soit par peur, soit par "naïveté-facilité" parce qu'on a jamais réfléchi à nos propres actions en détention alors effectivement il vaut mieux arrêter.
A tous ceux qui ont réfléchi plus que moi à quoi faire, comment le faire, pour avoir un quelconque impact et changer les choses, j'attends vos retours pour avoir plus d'impact qu'en visitant et manifestant.
Merci.
Je pense que si on continue à intervenir c'est qu'on a la conviction que c'est un des moyens d'agir avec vous. Etre totalement coupé de la prison, ce serait prendre le risque de s'éloigner de la réalité et finalement de ne faire que "théoriser sur la problématique carcérale".
Pour faire simple, oui, on a signé un pacte avec l'ennemi et c'est largement critiquable mais ça me semble toujours mieux que de l'ignorer.
Ce Monsieur dénonce et expose ses sentiments, son point de vue, sans JAMAIS se remettre en question. Il insulte le lecteur, tantôt "naïfs", "bien pensant" ou "ignorant" (termes venant uniquement de cet épisode). Avocats, matons, bénévoles, conseillers de probation, toutes les personnes en lien avec la prison ne seraient intéressés que par l'argent, leur égo ou le pouvoir... Que le milieu carcéral soit dur, malheureusement inégal et certainement destructeur pour les détenus est une évidence. Seulement, à force de tout mélanger, c'est l'effet inverse qui se produit.
Je trouvais ainsi son témoignage riche et nécessaire dans les premiers articles. Je le trouve aujourd'hui inutile, décalé et tout sauf objectif.
Bonne continuation à lui malgré tout !
Quant à l'article, il est parfait, si on est bénévole et qu'on se pose pas une seule fois la question du "qu'est-que je cautionne quand j'entre en prison", c'est qu'on a rien compris. Selon moins cela marque la différence entre les associations militantes et les autres.
On ne donne plus de "cours". On est pas des profs gratos pour l'A.D et on est plus dans ce type de relation unilatérale avec les détenus.
Je suis conscient du fait que, en demandant l'agrément de visiteur de prison à l'administration, je participe au "système". Mais j'ai opté pour cette situation plutôt que de rester ignorant et satisfait de celui-ci.
J'ai pris conscience du fait que la prison n'est pas la solution et qu'il est nécessaire de créer autre chose pour concilier des faits aussi incontournables les uns que les autres :
- L'homme vit en société.
- Vivre en société demande des règles.
- Ceux qui refusent les règles doivent être soit écartés (c'est une mauvaise solution), soit ré-éduqués, éventuellement par une "contrainte pénale" pour leur permettre de retrouver une place dans la société.
Pour ces motifs, indépendamment de mon rôle de visiteur de prison, je m'efforce d'examiner toute solution alternative à la prison. Même si je n'ai aucun rôle pour changer quoi que ce soit.
Merci à madame Taubira qui a entrepris courageusement d'introduire une alternative à la prison.
Bertrand
Mais je pense que la cerise sur le gateau se trouve à la fin du post (et dire que je l'ai lu en entier...) quand tu parles au nom de tous les taulards. Le fou rire. "Monsieur parle au nom de 68 000 détenus !". Tu sembles tellement la référence du détenu par excellence.
Dieu (et oui encore lui) soit loué que mes détenus ne soient pas aussi aigris et pernicieux que toi (en même temps, ce n'est pas compliqué).
Scoop: Il y en a qui ont besoin de ces gens que tu critiques. Au moins un n'en veux pas: toi. Mais à la rigueur si c'est n'est que cela...
En tout cas les 60 que je côtoie réclament ces gens inutiles, véreux et naifs. Je leur ai demandé, moi.
Avoir fait de la taule ne t'octroie pas le droit de parler pour les autres.
Interview d'abord tes 68 000 petits collègues. Et après on en reparle.
Ton post n'a de seul intérêt que celui de sourire devant la bêtise d'un tel écrit et de perdre son temps 8 minutes avant de reprendre une activité plus productive et intellectuelle.
En te remerciant pour le rictus.
Mais pour le coup je ne me sentirais pas tellement concernée par les critiques qui sont faites dans cet article. Et si toutefois je l'étais, je m'en rendrais compte bien assez vite.