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Joueurs de street-golf à Lyon : « le mobilier urbain a été conçu pour nous »

Des gars aperçus en train de taper la balle sur les quais du Rhône ou du côté de Confluence. Pas de green et pourtant ces golfeurs ne se sont pas égarés, ils pratiquent un « sport de rue » : le street-golf. Plutôt propret et même capable de se transformer en business. Épisode 2 d’une série sur les sports urbains, pratiqués sans licence.

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Un street-golfeur en pleine action © Gones Brigade

« Ça nous est déjà arrivé de jouer en plein dans la rue de la République ou bien place Bellecour, à 3 heures du matin ! »

S’il a gardé son look de skateur, Van Svongchan, 39 ans, cuisinier à la clinique Mermoz, est un golfeur un peu particulier. Loin des greens tondus au millimètre et de l’ambiance cossue du golf traditionnel, son terrain de jeu, c’est « la ville toute entière » :

« Il y a 20 ans, quand je faisais du skate je faisais mes figures sans me soucier des gens qui étaient autour de moi. Alors oui, techniquement, on peut jouer partout mais avec l’âge on devient plus pondéré et raisonnable… Et puis on joue au golf quoi ! »

Le déclic a lieu en 2011, lorsqu’il tombe sur des vidéos de street golf sur internet. Il accroche, se renseigne et fonde sa propre « team » avec des amis, la Gones Brigade, en référence à la Bones Brigade, célèbre collectif de skateurs, dont un certain Tony Hawk.

Van Svongchan raconte :

« Il y a un côté underground qui nous a attirés. On joue avec des vrais clubs, des balles adaptées mais on essaye de casser un peu les codes d’un sport qui semble au départ réservé à une élite. On part du principe que le mobilier urbain a été conçu pour nous au quotidien. Alors pourquoi ne pas l’exploiter pour une pratique sportive ? »

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Tout le mobilier urbain peut servir de « trou », ici une poubelle © Gones Brigade

Du golf « underground » ?

Joseph Potenza a 39 ans et travaille dans l’industrie automobile. Il connaît Van Svongchan depuis le lycée. Il ne s’y est mis sérieusement que depuis le mois de janvier :

 « C’est un sport très libre. Techniquement, on peut aller où on veut. J’aime aussi le fait que ça vulgarise un peu la pratique du golf, par rapport à certains qui n’ont pas les moyens de pratiquer le vrai golf. »

Une accessibilité que confirme Nicolas Thiebaut, 31 ans, agent de maintenance à la SNCF. Lui fait partie des nouveaux venus. Il y a six mois, il voit un street-golfeur taper la balle au niveau du pont de la Guillotière. Un échange plus tard et voilà cet amateur de « vrai » golf conquis :

« Faire du golf en pleine ville, j’ai trouvé ça génial. Ça me rappelait quand j’étais gamin, je jouais avec des clubs dans la rue avec mes copains. Dans le village où j’ai grandi, on en faisait aussi à l’école. Dans le jeu, les règles et l’envie sont les mêmes. C’est surtout très accessible, tu n’as pas besoin d’énormément de matériel, tu peux jouer n’importe où et c’est très facile d’accès.

Je joue beaucoup moins au golf depuis que je suis à Lyon, les greens sont en périphérie et il faut prendre sa voiture alors que pour le street-golf, tu descends dans la rue et tu tapes la balle. Par ailleurs, ça permet de découvrir la ville d’une façon originale. Moi qui ne suis pas originaire de Lyon, ça me permet de sortir, de discuter avec des gens, de faire des rencontres. »

Même si le street-golf paraît plus fun, il est difficile de l’opposer au golf classique. Si le terrain change, la discipline reste la même, comme l’explique Van :

« En championnat, 80% des street-golfeurs sont issus du golf traditionnel. Quand j’ai commencé, je n’avais jamais touché un club de golf. Même le mini-golf ne m’attirait pas du tout. Je voyais ça comme un sport d’élite. Aujourd’hui, je suis devenu un gros fan !  Du coup, ça m’a amené à la pratique du golf traditionnel. Sa pratique m’a permis de devenir plus pointu sur le choix des clubs, ou sur la stratégie. Allier les deux disciplines permet de se perfectionner. »

Des balles molles et biodégradables

Si Van devient exigent dans le choix de ses clubs, il assure qu’il n’est pas nécessaire de dépenser une fortune dans l’achat de matériel ultra pointu. Sur Internet, on trouve une variété de prix assez large. Qui sait chercher trouvera des clubs d’occasion à des prix tout à fait abordables (ici par exemple).

Une poubelle, un lampadaire, une bouche d’incendie, un Vélo’V… Tout peut faire office de « trou ». Comme dans le golf traditionnel, le but est d’atteindre ce trou en un nombre de coups défini. Seule la longueur du parcours et le nombre de trous sont revus à la baisse : 9 trous au lieu de 18 sur une distance d’environ 150 mètres.

Toute la ville peut faire office de parcours même si les membres de la Gones Brigade ont leurs spots favoris, du côté de la Doua, de Confluence ou encore des berges du Rhône. « Sécurité oblige », chaque session commence par un repérage, que Van décrit :

« Il s’agit dans un premier temps d’observer le passage des gens. Si on est à la Doua par exemple, on va faire attention aux heures de pointe, le but n’est pas de tirer sur les étudiants non plus ! On a par exemple 4 parcours-types à la Doua. On peut s’adapter et les modifier au besoin. Dans nos sessions, on n’a pas forcément un chemin tracé. On commence un parcours par la définition du trou, puis on voit ce que ça donne. Au cas où, on joue aussi avec des balles molles et biodégradables. »

« On n’est pas là pour tout casser »

Il s’agit aussi de faire bonne figure devant les autorités, parfois surprises de voir des golfeurs s’adonner à leur discipline en pleine rue :

« À notre grande surprise ça se passe très bien. Il y a de l’échange. La ville nous a poussés et nous a aidés financièrement pour un petit tournoi qu’on a fait en septembre dernier. On s’est déjà fait accrocher par la police municipale à la Fosse aux Ours. Avec les gendarmes ou les gars de la police nationale, ça se passe mieux. On essaie toujours de discuter avec les gens, pour leur expliquer qu’on n’est pas là pour tout casser. »

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Le Street Golf reste une discipline très accessible © Gones Brigade

Milieu de la mode et… monter une petite boîte

Si le street-golf semble faire des émules depuis deux ans c’est aussi parce que son état d’esprit un peu mode et sauvage réunit des anciens aficionados du skate qui ont grandi et qui, par exemple, retrouvent une façon de s’approprier l’espace urbain. D’après Van, pourtant, le milieu du street-golf se serait beaucoup ouvert  :

« Au début c’était pas mal le milieu de la mode et de la musique parisiens. Maintenant le sport s’est vraiment ouvert à tous. Dans mon équipe il y a des postiers, des médecins… On est une grande famille. Autre exemple, on s’héberge tous entre nous. Si des types viennent de Paris, on a beau les avoir rencontrés qu’une seule fois, on les hébergera. On se retrouve autour de quelques bières, avec notre matériel et ça nous suffit. »

Le street-golf n’a pas encore franchi le pas du professionnalisme mais Van aimerait profiter du succès actuel de la discipline pour travailler dans ce milieu, prenant exemple sur les street-golfeurs de Paris où de Grenoble. Comme dans le monde de la glisse, ils mêlent l’évènementiel au sport et cela semble marcher :

« À Grenoble, ils proposent des prestations à de grosses stations de ski avec des initiations street-golf sur la neige. À Paris, ils bossent avec des agences de publicité. Certains arrivent à en vivre grâce à l’événementiel. Honnêtement, j’aimerais bien arriver à développer ça à Lyon. Le niveau et l’engouement montent chaque année. On a de quoi faire au niveau des sponsors. On a rien à envier à Paris à ce niveau là. Monter une petite boîte ? Ce serait l’objectif. »


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